samedi 28 janvier 2012

Jean Périssé, l'Occitanie et Chateaubriand


Dans des chroniques précédentes, nous avons eu l'occasion de présenter l'approche très originale de Michelle Serre pour célébrer des poètes comme Ossip Mandelstam ou encore Victor Segalen. Sans quitter une certaine forme de poésie, son dernier livre nous conduit vers le septième art avec cet entretien que l'auteure a réalisé avec le cinéaste Jean Périssé. Une même appartenance au Sud-Ouest de la France les relie, appartenance qui a été déterminante chez Jean Périssé pour le sujet de son film L'Occitaniènne autour duquel est centré l'entretien. Ce film met en scène la rencontre amoureuse entre une jeune aristocrate toulousaine Léontine de Villeneuve et un Chateaubriand vieillissant à l'occasion de son séjour à Cauterets dans les Pyrénées.
Michelle Serre tente d'explorer avec Jean Périssé les origines de cette création et la façon de l'appréhender qui remontent à la jeunesse du cinéaste et à ses premières influences cinématographiques. Ce dernier est resté fidèle à ses rêves en même temps qu'à son pays. Il témoigne d'une manière exigeante de réaliser des longs métrages dans l'indépendance et en dehors des circuits habituels. Le sous-titre de l'entretien est Un chemin buissonnier. Si l'on en juge par l'accueil qu'a reçu le film diffusé il y a peu sur le réseau international de TV5, on peut voir que le pari a été gagné. Mais au prix de combien d'efforts et de difficultés ? Michelle Serre a eu raison d'éclairer avec cet entretien le parcours d'un artisan du cinéma et de montrer ainsi qu'il est encore possible d'intervenir dans ce domaine avec imagination, délicatesse et poésie.

Compléments :

- Il été tiré 100 exemplaires numérotés de ce livre de 48 pages sur papier vergé avec reproduction de 4 images du story-board de Jean Périssé et 2 oeuvres de Pierre Sentenac. Il est vendu 19€ à commander à pierresentenac@orange.fr

- Le story-board de Jean Périssé est disponible à la même adresse au prix de 15€.

- Le site officiel du film.

- Michelle Serre tient une chronique régulière sur le blog Poésie art de vie
.

samedi 21 janvier 2012

Les grains du chagrin de Luc Vidal

Nous avons parlé dans ce blog jusqu'alors de Luc Vidal comme animateur de revue. Il était grand temps de le présenter comme poète. C'est Laure Dino qui nous propose une lecture de son dernier recueil.



Le Chagrin et l'Oiseau perdu, tome 2 de la trilogie La mémoire des braises, fait suite à Orphée du Fleuve, les deux premiers recueils poétiques de cet ensemble, dont le troisième volet pourrait se terminer par un roman intitulé Les chiens du vent.
"Mémoire des braises", des lettres enflammées, d'un poète fougueux dont la source semble ne jamais tarir. A la fin du monde, "les poèmes de ce livre ont passé le feu rouge des nuits.." (Le Chagrin et l'Oiseau perdu - L'aigle blanc de Géorgie - La fin du monde. p.103).
Luc Vidal mélange l'amour fou aux éléments de la nature, aux mythes et légendes, il mène une quête initiatique d'un Graal amoureux inconnu jusqu'alors, sous d'autres formes et en d'autres lieux. S'il monte sur le bateau d'Ulysse, c'est pour vivre le mythe à sa manière orphiquement, et ramener "sa toison d'or".
C'est avec "un vêtement d'aube troué sur les épaules" (Le Chagrin et l'Oiseau perdu - Une marée de jours - Les Gués. p.13), qu'il franchit la rive du fleuve, du chagrin à la joie. Il atteint "le sixième continent" et "de la mélancolie, fait naître des oranges de vie, de la solitude lâche les chiens des conquêtes" (Orphée du Fleuve - Le Fleuve et l'Ile - Le Sixième continent. p.66). Au deuxième degré, "l'orange de vie" s'adoucit, devient une "mangue de douceur", veloutée et suave. Un fruit de la passion, qui ne contient plus rien d'amer, réchauffé par le soleil des Iles et des mots.
Le Graal de Luc Vidal, n'est-il pas le pouvoir de ressusciter, après le sang du Christ versé, en une autre forme, du rossignol en "Aigle de Géorgie", d'"oiseau perdu" en chien du vent, sans limitation des possibles.... Et au fond, de ne jamais mourir... Comment ? Par des mots rubis, dont la beauté résonne comme le son d'une lyre enchanteresse.
"Maïlis", "la Passante de Hollande", la pluie, cette femme de Géorgie, de Finlande et des Iles. Existes-tu, ailleurs que dans son imagination ? Est-ce toi l'Oiseau perdu du Chagrin ? T'a-t-il retrouvé ou inventé ? Es-tu fée d'or ou femme de chair et d'os ?
Comme le "feu chien" "troublé d'être un autre feu" (Le Chagrin et l'Oiseau perdu - Une marée de jours - le Feu Chien p.18) le chagrin n'est plus seul, mais vêtu de mots, entouré d'anneaux (Orphée du Fleuve - Le Fleuve et l'Ile - Les anneaux du chagrin. P.62) et c'est "la fin des chagrins". Pendant que le chagrin se déshabille, l'Oiseau peut prendre dans son bec "tous les grains du chagrin " et les semer aux quatre coins du monde. Mais quel Oiseau ?
"Tous les oiseaux..." "Mille pattes d'oiseaux qui sautillent" de phrase en phrase, en refrain de l'amour fou. Les fins se terminent par des débuts, des "il y a" des liaisons infinies, l'amour qui recommence sans cesse, voyage, se métamorphose... . A la manière d'Eluard pour Gala ou d'Aragon pour Elsa, ou encore de Pétrarque pour Laure, il magnifie l'être aimé, parvient à rendre l'amour lumineux comme une "lampe de couleurs".
"Aux gens perdus des mots fériés" clame Léo Ferré dans « Le Chien », Luc Vidal écrit ses mots ferrés, "pour le chagrin du temps en six cent vingt-cinq lignes" (Léo Ferré. Requiem). Ce vers du grand Ferré est cité en exergue du Chagrin et l’oiseau perdu. Il faut signaler que cette référence est naturelle. L’œuvre de Léo Ferré accompagne le poète depuis toujours. Il anime d’ailleurs les Cahiers d’étude Léo Ferré."Je t'aime, je t'aime et ce n'est pas même un cri. Tu es ma dernière chanson dans les ruelles de ce monde perdu" (Le Chagrin et l'Oiseau perdu - L'aigle blanc de Géorgie - La fin du monde. p.104) ouvre les portes de l’inconnu et à l’inconnue Maïlis tant souhaitée.
Magnifique chagrin. Sur le fleuve de larmes, un " navire de pluie", un radeau de mots continue de tanguer. Il faudrait être tout le temps malheureux, comme Ferré d'abord, Orphée ensuite, enfin comme Van Gogh, "Tout passe l'angoisse et l'inquiétude des eux affamés le tremblement des cœurs enfouis sous les épines. Van Gogh le savait bien. Regarde le tourment lumineux des blés". ( Le Chagrin et l'Oiseau perdu, L'aigle blanc de Géorgie. p.108). Pour un jour, apercevoir au loin, entre le passé et l'avenir, de drôles de "chiens du vent", franchissant les barrières du temps... nous apportant les rêves des étranges libertés d’aimer.

Laure Dino


Compléments :

- Le livre contient de magnifiques illustrations de Nicolas Désiré-Frisque, il est en vente au prix de 18€


samedi 14 janvier 2012

Les vœux poétiques de Jacques Ferlay

Chaque année, depuis 1985, Jacques Ferlay compose lui-même un recueil de poésie pour adresser ses vœux à ses amis. Selon son inspiration et l'air du temps, il explore un thème d'actualité ou une forme poétique originale, comme par exemple l'heptasyllabe. Pour 2012, il a choisi le haiku comme mode d'expression et en a écrit douze pour rythmer cette nouvelle année. Je le remercie vivement de me permettre de les faire partager aux lecteurs de ce blog.


Janvier


La craie du silence
raye l’ardoise du ciel
planté dans la neige


Février

Le bouton de rose
d’un clignement de paupière
voit s’il faut éclore


Mars

Au soleil naissant
les tulipes s’égosillent
quêtant un peu d’ombre


Avril

Le temps fait le beau
incitant les jolies femmes
à se dévêtir


Mai

En signe de Paix
hécatombe des muguets…
mais pour quel HÉRODE ?


Juin

Scieuse de long
la cigale s’exténue
à trancher le chêne


Juillet

Nuits caniculaires
la piscine des voisins
devient insomniaque


Août

La lune dans l’étang
et si vite que je plonge
elle saute au ciel


Septembre

La figue éclatante
opérée à cœur ouvert
qui la sauvera ?


Octobre

L’été s’éternise
la pâquerette s’amuse
sous les feuilles mortes


Novembre

Un tir de pétanque
décapite le moral
de l’équipe adverse


Décembre

La bougie en larmes
se drape de son chagrin
pour se fortifier


Jacques Ferlay


Complément:

- Une rencontre avec le poète à Nice

samedi 7 janvier 2012

La petite flamme de l'espérance

C'est une troisième année qui s'ouvre en 2012 pour ce blog. En même temps que mes vœux, j'adresse mes chaleureux remerciements à tous ceux qui m'aident dans cette aventure en m'apportant leurs précieuses contributions, leur aide et leur soutien. Ils participent de cette espérance dont nous voulons témoigner tout autour de nous pour dire que ce monde a encore un avenir dès lors que l'on a choisi de l'habiter en poète.


AINSI REVIENT L’ESPERANCE

Hier
la laine des nuages
réchauffait le ciel

Aujourd’hui
elle se défait
entre les doigts du vent

En janvier
les attelages de l’an neuf
font reculer la nuit

Ainsi revient l’espérance
tenace
dans le cœur des hommes.


Jean-Luc Pouliquen

Complément :

- Ce poème extrait de En attendant la grâce a été repris dans Mémoire sans tain (Poésie 1982-2002).