samedi 20 octobre 2012

Un griot en Provence

Dans le prolongement de la chronique précédente qui montrait l'importance pour Max Rouquette des cultures populaires, constitutives des identités des terres d'Oc, voici par Laure Dino un compte-rendu de mon dernier livre Un griot en Provence.

Un Griot en Provence de Jean-Luc Pouliquen, est un récit de jeunesse, qui se retrouve tel un petit sachet de lavande : intact, préservé, au fond d'une armoire provençale. Il a conservé le parfum un peu suranné, mais au fond intemporel d'une "mémoire sans tain", à laquelle j'emprunte cette image. (Comme deux draps blancs, Mémoire sans tain, Jean-Luc Pouliquen, page 140.)

"Auto-fiction , ou "roman personnel", basé sur des éléments réels, il revenait d'Afrique, pour redevenir en Provence. "Moussa" est à la fois un prénom inventé et le symbole de la jeunesse africaine étudiante avec laquelle il a amorcé un dialogue. Plus profondément, il s'agit d'un "roman d'initiation", dans lequel le sujet s'interroge à travers une quête identitaire, sur le rapport de l'homme avec sa terre natale.

"C'est alors que j'eus l'impression que l'on me soufflait quelque chose à l'oreille. Griot, mais oui Moussa tu as raison. Je pourrais être le griot de la Provence...." (Quatrième de couverture. Un Griot en Provence.)

Le Griot, poète et musicien originaire d'Afrique noire, marque une conception plutôt révolutionnaire de la Provence. "Un griot en Provence" est plus qu'un simple provençal, qui le soir ferme les portes et les volets bleus de sa jolie maison aux tuiles rouges. Le "félibre" fige le provençal, dans une conception passéiste et pour l'auteur, il est temps de "faire éclater les catéchismes et les idéologies" . En parallèle avec les tribus d'Amazonie, vivants dans des huttes, il choisit plutôt le cabanon en tant que "lieu de résistance", ou le fébrile poète se réfugie, portant en lui des valeurs soleils, éternelles.

Ce griot provençal, entretient peut-être un "lien secret", avec l'Oiseau de feu du Garlaban. Si le feu est l'un des quatre éléments, il représente également la force primitive, instinctive, spirituelle et même comme l'auteur me l'a confié "la racine cosmique". Un feu ou l'Afrique et la Provence, se retrouvent en amies, pour ne faire qu'un seul soleil, une lumière plus intense...rougeoyante. Fasciné par la dualité du feu, il meurt et renaît à travers cette initiation poétique, qui semble lui conférer les pouvoirs du feu : "il ne me restait plus qu'à tout brûler dans un grand feu"..."Un tas de feuilles qui se consume en automne, au couchant, la fumée qui s'en échappe, reste en suspension dans un ciel cristallin : c'est la plus belle image qui me restera de ce jardin." (p.26)

Griot d'Afrique, dépositaire de la mémoire, le Provençal transmet sa langue, tel un chant, une musique, une poésie, un conte...de génération en génération. La langue soude au pays, cimente le sol de la terre natale. L'auteur avait déjà évoqué cette volonté de réappropriation de la culture des territoires de langues d'oc, qui va bien au-delà de la Provence. "Entre Gascogne et Provence", se trouverait la langue d'or...(Entre Gascogne et Provence. Entretiens avec les poètes Serge Bec et Bernard Manciet. Edisud 1994). Culture au sens propre et figuré, il s'agit aussi de transmettre sa terre, ce qui signifie : préserver le patrimoine de la Provence dans des projets collectifs, proches de la nature, tel que reboiser.

Griot universel. Homme d'ici et d'ailleurs, n'importe qui.... Il ressent le besoin de vivre dans la pauvreté, la simplicité, tel qu'il le fera plus tard au rythme d'un quartier : "La Goutte d'Or" à Paris, en immersion poétique. (A la Goutte d'Or. Paris 18ème - Chroniques pour un quartier. AIDDA éditions, 1997) Si le Griot inscrit l'histoire de sa tribu dans le temps, le poète écrit dans des ateliers avec des enfants, le passé de ce quartier populaire de Paris, au cœur d'un métissage culturel. Plus qu'une immersion, il s'agit d'une véritable mission : construire une identité collective en dépassant les rivalités.

Griot cosmique. Il ouvre ses ailes en Provence, pose et repose ses bagages, mais ce n'est qu'un point de départ, une ancre pour un poète méditerranéen. Le Griot à sa manière voyage sous "l'Empire du soleil" (expression de Frédéric Mistral), de la Provence au Monde entier, comme un pèlerin marchant sur la terre mosaïque, emportant seulement sa Provence, dans son sac à dos...


9 commentaires:

  1. Un griot en Provence ? Qu’en dire si ce n’est en premier que le titre de ce livre est pour le moins surprenant ! Je l’ai lu deux fois d’affilée car j’ai aimé le fond et la forme tout autant ! Pour moi, c’est l’histoire d’un homme à la recherche de soi-même, et qui au bout de dix ans, a fini par découvrir un sens à sa vie, la certitude d’aimer la Provence, ses paysages, sa langue, et les nombreuses « belles âmes » qui lui ont permis de se trouver. Et tout cela, dans un style d’écriture poétique et attachant.

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  2. Au travers de son personnage de Griot provençal, Jean-Luc Pouliquen nous entraîne, avec la poésie qui lui est coutumière, à la découverte de sa Provence, ses traditions, ses paysages, ses personnages si pittoresques et bien sûr son parler millénaire, riche de toute la sagesse des anciens. Et c’est par le biais de cette quête philosophique que nous apprenons qui nous sommes, à l’instar des peuples d’Afrique respectueux de leur passé et leurs traditions, pour mieux vivre l’instant présent et donner un sens à notre avenir. Bien qu’écrit en français, ce récit possède toute la musicalité d’un « racònte provençau » et j’ose espérer qu’il bénéficiera très prochainement d’une traduction en provençal qui nous permettra de savourer dans les deux langues du « país nostral» toute la beauté de l’œuvre. Merci Jean-Luc d’avoir mis à profit tout ton talent pour rendre un superbe hommage à cette « terra amata » que nous ont léguée nos ancêtres et qu’à notre tour, nous offrirons à nos enfants.

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  3. Avec ce griot de Provence, le poète doué d'un cœur toujours en éveil a merveilleusement décrit notre quête perpétuelle d'une terre où bien vivre. Merci à Jean Luc Pouliquen pour ce bon moment dans l'attente du prochain.

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  4. J. Luc Pouliquen a une façon d'écrire très attachante. Au fur et à mesure qu'il écrit, (il écrit sûrement comme il parle, je ne le connais pas bien...), il fait référence à un lieu, une anecdote, un souvenir. On entre dans ses textes comme on entre dans un carnet de voyage, avec des couleurs, des images.
    Pour continuer avec ce voyageur qui à la Provence attachée à ses semelles, il y a aussi “La Goutte d'Or“, souvenirs parisiens, souvenirs de rencontres qui permet d'apprécier encore mieux le style très personnel de Jean-Luc P.

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  5. "Un Griot en Provence" un livre petit mais dense. Chaque phrase est pesée, l'intérêt est soutenu grâce à un plan bien construit, ce qui n'empêche pas la richesse des émotions exprimées et de la langue. On lit et relit ce livre avec plaisir.
    Dans la première partie nous vivons avec le héros son contact avec la Provence, après un séjour en Afrique. Arrivant du Nord "passé Valence il y a le bleu" de la Provence. Dans la deuxième partie nous sommes en compagnie de personnages pittoresques qui l’initient à la vraie vie de la Provence et manient encore la langue provençale.
    Il trouve enfin sa voie, comme Moussa, le Griot africain qu'il a connu, il sera le "Griot de Provence".

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  6. Je l'ai lu, enfin! votre Griot en Provence, avec plaisir. À peine commencé, on a envie d'en savoir plus, on ne peut s'empêcher de le lire jusqu'au bout.
    Préserver le passé, non pour le momifier, mais pour nourrir le présent : voilà qui est aussi difficile qu'indispensable. Garder le meilleur, certes avec nostalgie, mais sans arrêter le temps ... quelle belle tâche vous avez endossée!

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  7. Une sympathie naturelle me lie à l'auteur et à l'homme, tous deux requis par le souci de transmission
    des richesses de la culture provençale

    Pierre sentenac

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  8. L’été dernier à Bénidorme, je mesurais une fois de plus à quel point l’occitan n’habitait plus nulle part. J’avais embarqué un Griot en Provence comme antidote possible à mes états d’âmes. Grand bien à moi.
    Je reprenais chaque jour le sentier inventé par Jean-Luc, n’allant pas trop loin ni trop vite
    pour m’y balader le plus longtemps possible.
    Avec douceur et bienveillance, l’auteur donnait à l'ancienne langue parlée un pouvoir chamanique de savoir et de guérison. A peine posé sur la Provence, Jean-Luc y trouvait une perle, l’inventait et par là se sauvait d’une terrible mécanique.
    Tout est faux, bien sur, dans cette épopée, sauf ce petit triomphe, aussi renversant que réel.

    michel destieu

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    Réponses
    1. Provence


      Il fait frais l'air est vif et le soleil chauffe ;
      Tout est clair dans le grand ciel bleu du matin ;
      L'or contraste, au biotope adamantin,
      En tons verts, jusques à la montagne chauve.

      Puis le cuivre et l'ambre brun, plus près, grillés,
      Parsemés, au flot touffu des brousses sèches,
      Gros clous roux clouant de compacts tapis grèges
      Ces maquis, de tons virides habillés :

      Le Vivant ! cette merveille de garrigue.
      Et des bruits, des tracteurs et des aboiements ;
      Ça pépie, aux buissons et dans les sarments,
      Et vraiment, c'est l'art que la nature brigue !



      Or hélas, c'est la chasse ! On tire ! au fusil.
      C'est mortel ! Toute haie est dès lors létale.
      J'entends les chiens ! Peu s'en faut que je détale !
      Tout se fige – et je n'ose bouger un cil...






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