samedi 24 novembre 2012

Hommage à Jacques Basse - IV

Nous terminons cet hommage à Jacques Basse avec une parution qui fait la synthèse de toutes les activités de l'artiste et du poète évoquées précédemment. Il s'agit du n°14 de Chiendents, revue que j'ai déjà eu l'occasion de présenter et sur laquelle je reviendrai encore.


Ce numéro intitulé Les Traits et les Mots du poète permettra au lecteur d'aller encore plus avant dans la connaissance de l'auteur et de son œuvre. Jacques Basse y explique le sens de sa démarche, nous fournit quelques éléments bio-bibliographiques qui sont complétés par un ensemble de contributions d'amis et de poètes très éclairantes. Les différentes préfaces aux Visages de poésie rassemblées au début du numéro se conjuguent pour dire l'ampleur et l'étendue du projet. Une sélection de portraits viennent les illustrer. Ont été ensuite choisies quelques dédicaces ajoutées par les poètes à leur portrait. "Pour Jacques basse, et ses portraits inspirés qui savent décrypter l'alliance mystérieuse du poète et de l'artiste" avait écrit Bernard Mazo dont la disparition soudaine en juillet dernier nous a tous plongés dans une grande tristesse.
C'est avec la poésie de Jacques Basse que se termine ce numéro de Chiendents. Cinq de ses poèmes y sont reproduits auxquels s'ajoutent des approches signées Laure Dino, Jean Billaud et Paul Sanda. C'est à lui que je laisse la conclusion, avec ces mots écrits à la page 33 : "Fidèle à la mission qu'il s'est donnée, à la préhension même du mystère humain, Jacques Basse, avec ses fragments si intimes, ses vitraux si secrets, s'engage dans une entreprise dont l'issue, la clarté, prépare chaque lecteur à la connaissance nécessaire de son âme : à l'amour de la liberté..."

- Ce numéro est vendu 4€ + 2€ de port à commander aux éditions du Petit Véhicule - 20 rue du Coudray 44000 Nantes.

samedi 17 novembre 2012

Hommage à Jacques Basse - III

Avec ce troisième rendez-vous, nous revenons sur la poésie de Jacques Basse. Laure Dino qui avait déjà proposé dans ce blog une lecture de La courbe d'un souffle, nous offre aujourd'hui une approche de Mots Roses Parfois qui s'inscrit en continuité avec ce qu'elle nous avait fait partager précédemment, signe que les poèmes de l'auteur sont traversés de part en part par une thématique commune.


Dans un jardin secret, un solitaire au crayon gris, se questionne "Faut-il croire en Dieu/pour que soit un prolongement/pour que soit un paradis" (Mystère p.37). Ce non-croyant s'adresse à Dieu : "inclination inquiète le déclin se profile/que puis-je espérer d'un dieu qui se défile" ( Je suis le solitaire. P. 21) en griffonant, sur ses carnets,  quelques poésies chagrines.

Existe t-il un autre mot que mélancolie ou nostalgie, pour dire le regret, la beauté de ne pas croire, de se retirer avec l'ombre. Morosité, il n'est qu' un doux rêveur qui à force de tristesse, colore ses espaces de doutes, de teintes pastels. Poésie de Jacques Basse, plus longue qu'un Haïku , mais trop courte comme une "ode à la joie". Mots roses qui parfois, virent au mauve...

Du romantisme pur, saisir la fulgurante beauté, "Pour que d'un gouffre, se reflète en une seconde, l'encre d'un baiser" (Eventualité. p. 8). Comme un ultime coup de crayon cette fois-ci ne pas la laisser passer "sous l'arbre le printemps/ajuste le pas/il arrive comptant ses feuilles, ses fleurs, ses papillons.../Celui-là je ne le louperai pas/celui-là laissera des traces". (sous l'arbre au printemps.p. 25).

Sous le Clair de lune, il s'interroge...Mots roses :"Est-ce un déluge rayonnant/sans mesure/ou..." Morose "une simple égratignure de l'âme ?" (Le trouble voluptueux. p.13).

Il se dirige vers "l'aurore aux doigts de rose", selon l'expression homèrique. Est-ce cette femme qui le conduirait vers la quête de Dieu. Pour "chercher le divin" "tôt le matin quand le jour se lève/j'aime à croiser le rayon du soleil". (Chercher le divin. p.24).

Juste avant le lever du soleil, il dépose une rose, sur l'escalier du monde, légère, presque invisible, mais qui demeure pensée profonde.

Laure Dino

- Le recueil est disponible aux éditions Rafaël de Surtis.

samedi 10 novembre 2012

Hommage à Jacques Basse - II

Si nous connaissions, le Jacques Basse portraitiste et poète, ce n'est que tout récemment que nous avons découvert ses talents de critique littéraire et cela à l'occasion de sa série de Portraits. Cette fois chaque recueil n'était consacré qu'à un seul poète. Jacques Basse en présentait six portraits accompagnés de six poèmes de l'auteur qu'il avait choisi de mettre en valeur. Mais il y ajoutait un avant-propos dans lequel il témoignait de l'art de la critique, entendue dans le sens d'un poète qui sait percevoir dans la poésie d'un autre poète ce qui en constitue le noyau le plus irradiant. Au mois de juillet dernier, s'est tenue à Cordes sur Ciel, à l'initiative de Paul Sanda, une rencontre poétique qui a été pour Serge Torri qui figure parmi les poètes de la collection Portaits, l'occasion d'un hommage appuyé à Jacques Basse. Nous en présentons le texte aujourd'hui dans ce blog.



Lettre ouverte à Jacques Basse


        Nous savons, avec Novalis, que parler pour parler, c’est se libérer. Certes, mais encore faut-il que parler soit parler d’une parole qui parle de ce qui la met en œuvre, de ce qui la développe comme de ce qui la conduit vers une origine toujours en avant, origine d’éternité, incessante.
        Une telle parole est, à mon sens, poétique ; et en tout cas telle, qu’elle ne peut être dite que par un poète : parole parlée qui cherche sa passe exprimée, sa pénétration aérienne, son avènement audible à chaque mot, par chaque mot, en chaque mot, même par syncope, parfois en chaque lettre, par bégaiement, en chaque frappe, selon le fameux « nœud rythmique » mallarméen, s’actualisant à chaque inspire, à chaque expire.
        Il faut être au jour pour cela. Au jour des conditions toujours mystérieuses qui en favorisent l’expression..
        Comme il m’a été donné sept minutes, je préfère ne pas prendre le risque d’en brûler la moitié pour tenter une improbable inspiration, et opte de signer, en hommage évident, une lettre ouverte à quelqu’un que tout le monde connaît, que tout le monde apprécie pour son talent reconnu universellement, que tout le monde aime pour çà, mais aussi parce qu’il est un être particulièrement aimable : Jacques Basse.

Mon Cher Jacques,

        C’est encore tout ébloui d’avoir parcouru ta galerie de portraits où tu aurais pu tous nous confondre mais qu’au contraire, où chaque poète, malgré le regard de tous les « autres-soi-mêmes », rayonne d’une ressemblance avec lui-même illuminée, que je n’ai pu résister, pour exprimer mon irrépressible enchantement, au désir de t’écrire ce qui afflue de mon supplément d’âme. En effet comment dire, avec une certaine lumière de force ces reflets d’échos qui égalisent si magistralement le « dé-visagement » jusqu’à l’« en-visagement » que l’on reconnaît à tes dessins qui nous « re-gardent », de nous-mêmes, par nous-mêmes, comme étant un autre et pourtant étant « le même-autre-soi-même » ? Car je parie que c’est d’un seul cop d’œil que tu « vois » le visage à la source même de ce qui, au travers des contractions et des spasmes des plaisirs et des douleurs qui sidèrent la trame d’une existence, en modèlent les masques, en incisent les traits, en patinent la physionomie, que tu sais le visage d’avant le cliché et d’après ! – à cette source même, d’ailleurs, d’où pulse la voix de notre verbe ; et que c’est là, Jacques, qu’après avoir taquiné le fond de l’être, tisonné l’incandescent foisonnement de pixels, que tu butines le graphite alchimique de notre portrait idéal. Et cela, dans le génie délicat de n’incliner au destin aucune hypothèque, aucune inflexion qui en dégauchirait l’écrit, en violerait le secret. Car, n’est-il pas vrai que la magie du dessin peut tracer, des cartes diaphanes dans l’invisible topographie de nos champs existentiels et faire prendre nos lignes de crête pour des talwegs, nos sources pour des trous, nos percées de l’être pour des effondrements de folie, et brouiller gravement tout notre paysage intérieur ? Oh ! oui, l’empathie, ami, est ici un amour supérieur ! Oh ! oui, Jacques, ton amour du poème de la poésie a débordé et inonde l’espace le plus déplissé du poète : en faillait-il autant pour accentuer les courbes du relief de ton émerveillante générosité ; ton incommensurable capacité d’accueil et ta solaire bienveillance ; et exprimer toute la confiance avec laquelle toutes et tous, nous nous sommes livrés à ton « autopsie » artistique ???

        Pour ce qui me concerne, combien j’ai été surpris, aussi, que ton avant-propos de Portrait éclaire encore mieux ce que tu as deviné, peut-être inconsciemment, ou à ton insu, au travers des photos, puisque ton écriture traçante de notre réalité braque un projecteur de lumière qui perce jusque dans l’encre d’une diction, dont l’esprit reflète savamment les expression de tes « interprétations » comme les représentations et la reconnaissance au mieux de cette « intuition poétique » dont André Breton nous a dit qu’elle était la voie royale qui nous « remet sur le chemin de la Gnose, en tant que connaissance de la Réalité suprasensible ».
        Ainsi, hors de l’écoulement du temps, de la ronde des jours et des nuits, de l’émotion esthétique et de ses traductions multiples, c’est dans l’interrogation toujours renouvelée du mystérieux « apparaissant – disparaissant » heideggérien, comme magiquement suspendu dans son dessin, son dessein, et sans doute son dasein, que ton art, maintenant porté au plus vif, est comme celui du poète « un métier de pointe » aurait dit René Char. Puisque, nous l’avons vu plu haut, c’est par ton fusain que tu démasques la lente évanescence des vies qui modèlent la changeante plasticité de la manifestation ; en pince les fils aux extrémités les plus fines ; en saisit la sublime vibration singulière ; en fixe le médium unique dans une synthèse vivante qui en révèle l’âme et la relève de ses plus hautes profondeurs.
        Ô adéquation magique de ton souci affectueux de l’autre, de ta délicatesse, de goût esthétique, de la marque de ton amical attachement à l’humain, en général ici au poète, les échos en miroirs comme les miroirs en échos de l’écrit et du dessin accentuent encore le trait de ta sensibilité éclairée avec laquelle tu as su placer le tracé du visage dans les traits du poème, la voix du poème dans la bouche de l’« en-visagé » ; exhaussant ainsi l’être de sa dimension la plus sacrée jusqu’à l’étant le plus fugace.
        A la lumière de la convocation du koan zen qui interroge : - « quel était ton visage avant que tes parents ne se connaissent ? », tu t’opposes magistralement à ce que le grand Baudelaire énonçait des dessinateurs à savoir qu’ils sont des « abstracteurs de quintessence ». Tu t’opposes et frappes d’obsolescence absolue la sentence baudelairienne, puisque tu parviens à faire sourdre l’essence d’avant cette quintessence : celle d’avant l’essence de l’être qui s’enchâsse dans la béance de son incarnation.

        Et donc, pour finir, si l’on met en concurrence la photo (par nature figée dans l’insipidité glacée d’un carton), celle-ci n’y tient pas et cède aussitôt au portrait, lui accordant les rayons de sa gloire telle qu’il en est rendu encore plus radiant que le modèle, en révélant ainsi son calque originel.

                                                Serge Torri

samedi 3 novembre 2012

Hommage à Jacques Basse

J'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de mettre Jacques Basse à l'honneur dans ce blog. Je voudrais tout au long de ce mois lui rendre hommage pour souligner sa manière originale et si exceptionnelle d’œuvrer pour la poésie.
C'est bien sûr par son anthologie Visages de poésie que Jacques Basse s'est fait connaître. Aujourd'hui, celle-ci compte six tomes qui contiennent chacun cent portraits dédicacés de poètes accompagnés d'un poème le plus souvent autographe ainsi que d'une notice bio-bibliographique. J'en ai déjà présenté le principe et ce qu'il sous-tendait en terme de générosité et d'ouverture à l'autre.


Mais Jacques Basse n'est pas seulement un portraitiste, il est aussi un poète qui a déjà publié à ce jour huit recueils. Voici, pour goûter à son talent d'écriture, un poème extrait de sa toute dernière parution intitulée Le temps des Résonances :


LE BAISER

ô vous divine discrète
réservée jusqu’à l’extrême
qui osera faire vibrer l’intime
à l’émoi dissimulé si sublime

ô vous tourterelle sur sa tige
au seuil du vertige

le baiser qui tout à coup se livre
perturbe et trouble tout équilibre
troubadour de l’espace il soupire
après cette vérité qui l’inspire

troublante envolée sensible
vers les limites du cessible

sur la margelle du cœur
là il paresse avec douceur
il tisse la pensée dans un rêve
Inattendu en se donnant à Eve

Tenter un baiser est une avancée troublante
c’est un peu comme cueillir une étoile filante


Jacques Basse 

- Tous les livres présentés dans cette chronique ont été édités aux éditions  Rafaël de Surtis - 7 rue Saint-Michel - 81170 Cordes sur Ciel.