samedi 31 août 2013

L'Histoire en héritage

A une époque où l'agitation prime sur l'action, où l'instant est préféré à la durée, où le nomadisme l'emporte sur l'enracinement, voici un livre qui nous prend à contre-pied pour nous donner de la hauteur et nous permettre une mise en perspective. Son auteure Michèle Ricard, a eu le privilège de recevoir de son père - le célèbre inventeur de l'apéritif anisé qui porte son nom, l'industriel de génie et le mécène éclairé qui fit rentrer la Provence dans l'âge moderne - une propriété en Camargue. En son hommage, et en celui de son frère Patrick disparu il y a tout juste un an, elle a souhaité restituer l'histoire du domaine à l'occasion de son millième anniversaire.
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Dès lors elle nous entraîne dans une épopée qui commence au Xe siècle de notre ère, quand l'Archevêque d'Arles était aussi propriétaire terrien. Situé au bord de l'étang du Vaccarès, dans un delta du Rhône qui s'est modifié au fil des ans, le domaine tirerait son nom de sa situation médiane à l'origine entre deux bras du fleuve. L'Histoire qu'il a vu se dérouler se superpose avec celle de la Provence, ses invasions, ses luttes de pouvoir, ses épidémies, ses grands fractures... Seront évoqués les Comtes de Provence, les Seigneurs des Baux, Les Templiers, La Maison d'Aiguières devenus tour à tour les maîtres des lieux, tandis que peu à peu le pays se forge ce caractère si particulier et qu'apparaît en 1512 la confrérie des gardians. Des personnages se détachent de cette fresque comme par exemple Bérengère de Barcelone, fille des Comtes de Provence, habile en politique et protectrice des poètes. A l'approche de la Révolution, c'est le Marquis Jean-Baptiste Marie de Piquet qui se distingue. Esprit éclairé, homme de culture, il fit don aux États de Provence des 60 000 volumes de sa bibliothèque à la condition de les mettre à disposition du public dans la ville d'Aix-en-Provence. Il initiait ainsi ce qui allait devenir la Méjanes, cette médiathèque de référence où se trouve aujourd'hui la Fondation Saint-John Perse.
Le livre se conclut sur la période contemporaine, celle qui vit Paul Ricard acheter le domaine en 1939 sur un coup de cœur et en faire ce qu'il est devenu, avec son élevage de taureaux, sa culture du riz qu'il réintroduisit pendant la guerre, ses équipements touristiques :  petit train, arènes, circuits pour promeneurs, cavaliers, etc.
Une riche iconographie accompagne le texte et lui confère relief et force. Toute la dimension familiale que restitue Michèle Ricard en présentant les peintures de son père, des photographies de ses parents, de ses frères et sœurs, de ses enfants, ainsi que du personnel attaché au domaine, rend l'ouvrage encore plus attachant. Il renvoie chacun à son propre parcours, à ce qu'il a reçu des siens et à la manière dont il saura le transmettre. De sorte qu'écoulement du temps signifie "liens et cohésion" et non pas "brisures et éclatement".

Compléments :

samedi 24 août 2013

Les Cahiers de Garlaban - XIII

Pour terminer l'année 1990, Les Cahiers de Garlaban ont publié le 10 décembre un recueil de Michel Manoll intitulé Une fenêtre sur le monde. C'est lors du colloque consacré à Edmond Humeau que j'avais rencontré Thérèse Manoll, l'épouse du poète disparu en 1984, et que nous avions décidé ensemble de cette parution. C'était pour moi très émouvant d'accueillir  dans nos éditions celui qui avait été l'ami le plus proche de René Guy Cadou. Jean-Daniel Manoll, le fils du poète avait quant à lui accepté de se charger de l'illustration de la couverture.


Voici ce que nous avions écrit en quatrième de couverture :

"La terre nous donne ses bruits comme les signes éclatants de sa vitalité et de sa réalité", écrit Michel MANOLL en ouverture de ce recueil.
Souhaitant réduire la distance que "notre siècle de citadins installe entre nous et la nature, il nous entraîne vers ce point ultime que peut atteindre le poète lorsqu'il ouvre la fenêtre de ses sens et de son esprit sur le monde. Tout y entre alors en vibration : de la source à l'océan, du feuillage à l'oiseau, et les présences se multiplient. Mais "le voyageur du crépuscule" qui nous conduit, "ce personnage singulier qui se détache de l'ombre comme une écorce" porte aussi en lui sa propre symphonie dont les mouvements ont été dictés par sa vie.
Une raison supplémentaire d'écouter sa voix dans ces poèmes inédits où "celui-là même qui sourit / Plus tard, retrouvant son attente / Se rappellera que la nuit / L'entraîna seul hors du voyage."

Michel MANOLL (1911-1984), poète, essayiste, encouragé à ses débuts par Pierre REVERDY et Max JACOB, participa en 1941 avec son ami René Guy CADOU à la naissance de l’École de Rochefort fondée par Jean BOUHIER. Homme de radio à partir de 1950, on lui doit la réalisation de nombreuses émissions littéraires et poétiques, ainsi que des entretiens avec, entre autres, Blaise CENDRARS, Francis CARCO, Pierre-Jean JOUVE, Marie NOËL et Alexandra DAVID-NEEL.

Et comme nous l'avions fait pour Edmond Humeau, nous avons reproduit sur la dernière page l'écriture du poète.

Complément: 
 - Pour continuer à cheminer avec le poète, rappelons le bel essai que lui a consacré son ami Jacques Taurand, intitulé Michel Manoll ou l'envol de la lumière paru à L'Harmattan en 1997.

samedi 17 août 2013

Les Cahiers de Garlaban - XII

Le recueil qui a suivi Cœur absolu a été publié en août 1990. Il avait pour titre Dans une attente rouge et était signé Eric Tremellat. Comme pour le précédent, l'illustration de couverture était confiée à José Martin Marcos.


Voici ce qui était écrit en quatrième de couverture :

"Pour Eric Tremellat l'écriture se conçoit avant tout comme un jalon le long d'une quête spirituelle. Elle permet de situer celui qui s'est fixé pour but d'"œuvrer à la faille" et de faire partager aux autres un peu de sa volonté vers la lumières. Et même si la route s'annonce longue, rien n'empêche déjà de la parcourir en "substance émerveillée".

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Plus de vingt ans après sa parution, un poème de ce recueil est venu nourrir l'échange que j'ai eu avec Philippe Tancelin dans Paroles de poètes/Poètes sur parole. En voici l'extrait correspondant :

"Ph. T. : Quand la réalité est en fracture avec le réel c’est-à-dire tente de réduire les potentialités infinies au diktat du prétendu concret, la pensée est mise en demeure, mise en danger de réalisme, interdite de sa critique. Il ne reste plus alors que la poésie comme la saxifrage, elle est cette énergie disloquante dont parle René Char et qui permet l’émergence du grand RÉEL, qui avec sa part d’irrationnel fait reculer les impossibles et ouvre sur l’imaginaire de la création sociale-artistique-poétique

J-L. P. : Lorsque je m’occupais des Cahiers de Garlaban, j’avais édité le recueil d’un jeune poète, Eric Tremellat, qui contenait ces vers : « J’ouvrirai mes veines aux incommensurables possibles / Ce théâtre de léthargie cessera » et plus loin encore il écrivait : « Me poster dans l’image future / Œuvrer à la faille ».

Ph. T. : Quelle magnifique citation que celle-ci : "œuvrer à la faille". Car il s’agit bien de cela pour le poète. Il œuvre en effet à la faille, dans l’interstice de ce qui est connu et de l’inconnaissable, ce qui relève du révéler, ce qui révèle quelque chose des profondeurs sans s’y enfermer par une évaluation.
La profondeur de l’être est incommensurable, elle se promet comme une puissance d’interpellation de l’assurance et du confort de ce qui se fonde et se stabilise dans et sur le rationnel. L’œuvre à la faille est forte de la fragilité qu’elle fait surgir dans l’affirmation péremptoire du donné. Elle permet que soit prononcé et offert à l’autre, à nous-mêmes et au monde, l’ouvert d’un espoir sans fin au milieu des choses les plus désespérantes. L’œuvre -poème est à la faille du certain, de l’accompli, de l’achevé."

Complément :

samedi 10 août 2013

Les Cahiers de Garlaban - XI

Le recueil qui a fait suite à celui d'Edmond Humeau me concernait plus particulièrement. C'était le deuxième que je faisais paraître après Mémoire sans tain, il s'intitulait Cœur absolu, était publié en juin 1990 et c'est le peintre José Martin Marcos qui en avait illustré la couverture.


Voici le texte de la quatrième de couverture :

"Les liens qui se tissent entre un être et l'univers ne sont jamais fortuits. Lorsqu'on choisit, comme le recommandait Max JACOB, de "changer son cœur en encrier", le poème devient le lieu privilégié pour mettre au grand jour ses choix et préférences.
Au lecteur dès lors de suivre l'itinéraire d'un poète qui refuse de faire dans l'abstraction et la littérature, souhaitant que l'amour garde l'initiative en toute conduite sur cette terre."

Complément :

samedi 3 août 2013

Les Cahiers de Garlaban - X

Nous allons profiter de ce mois d'août pour reprendre la présentation des publications des Cahiers de Garlaban comme nous l'avions fait l'an dernier à la même époque. En février 1990, nous avons publié L'ensemble se tient à quinze lustres dans ma vie (1907-1984) de Edmond Humeau. Dans Ce lien secret qui les rassemble, j'ai été amené à raconter les circonstances de l'édition de ce recueil et ce qui en a suivi. Je reproduis ici l'extrait qui y correspond :

"C’est à une soirée poétique organisée en 1984, à La Garde dans le Var, où m’avait entraîné Jean Bouhier que je fis sa connaissance. Mais notre échange ne commença véritablement qu’en 1988. Il fut encouragé par Jeanne Monteil qui animait à Anglet avec beaucoup de générosité la revue Vents et Marées.
Cet échange me conduisit à éditer aux Cahiers de Garlaban son recueil L’ensemble se tient à quinze lustres dans ma vie (1907-1984). En fait Guy Chambelland l’avait déjà édité, mais cette première version s’arrêtait en 1973. Mes éditions offraient à Edmond Humeau la possibilité de dérouler un peu plus le fil de sa vie.
En 1983, le Centre de Recherches de Littérature et de Linguistique sur l’Anjou et les Bocages dirigé par Georges Cesbron, organisa un colloque de trois journées sur l’Ecole de Rochefort . S’ouvrait ainsi une série de rencontres à l’Université d’Angers où poètes et universitaires allaient pouvoir célébrer, étudier, débattre autour d’un mouvement littéraire qui rentrait dans l’Histoire.
A l’approche collective, succédèrent bientôt des colloques centrés sur un seul poète. En mai 1990, vint le tour pour Edmond Humeau de se soumettre à ce rituel et il accepta que je vienne proposer une lecture de L’ensemble se tient… paru quelques mois auparavant. C’est cette lecture que l’on trouvera dans ce livre pour évoquer ce poète flamboyant. Ce colloque fut un moment rare de poésie, d’amitié et d’émotion. Lors d’une réception à la mairie de  Saint-Florent-le-Vieil, village natal d’Edmond Humeau, ce dernier eut le bonheur de retrouver un condisciple de la communale, connu en littérature sous le nom de Julien Gracq."


 Voici ce que nous écrivions en quatrième de couverture pour présenter le recueil :

" En quinze lustre, la distance a été donnée à Edmond HUMEAU pour pouvoir libérer les énergies de son art. Baroque, lyrique, enracinée dans l'Ouest paysan mais ouverte sur le monde entier, son œuvre occupe un large pan de la poésie contemporaine. Elle vient à nous comme une fresque peinte en plusieurs dimensions qui lie à la fois l'itinéraire personnaliste d'un homme et la marche turbulente du XXème siècle. Sur ce parcours, l'histoire des idées et des lettres retiendra la participation du poète à la naissance de la revue ESPRIT au côté d'Emmanuel MOUNIER, sa fréquentation buissonnière de l'Ecole de Rochefort-sur-Loire ou encore le rôle important qu'il prit à animer le Tour de Feu avec Adrien MIATLEV. Mais ces repères trop discursifs ne sauraient rendre compte de la totalité du cheminement d'Edmond HUMEAU. Aussi lirons-nous avec la plus grande attention L'ENSEMBLE SE TIENT A QUINZE LUSTRES DANS MA VIE (1907-1984). Qui mieux que l'auteur pouvait nous donner plus foisonnante image de sa vie ?"

Pour donner une touche plus humaine encore à cette parution, nous avions demandé à Edmond Humeau d'écrire la dernière page de sa main :


Compléments :