samedi 18 mars 2017

Istanbul/Paris avec Sevgi Türker-Terlemez - II

En ayant travaillé à l'édition en France du livre L'image de l'univers de Behçet Necatigil, Sevgi Türker-Terlemez a voulu combler un vide et rendre hommage à celui qu'elle considère comme un pionnier de la littérature turque moderne. Elle s'est adjoint pour la traduction les compétences de Bruno Cany. Mustafa Balel et sa fille Serpilekin Adeline Terlemez ont aussi apporté leur concours à la réalisation de cet ouvrage.


"Je suis heureuse de vous proposer un poète dont la poésie hermétique, très personnelle est riche de métaphores, de mythes, d’images métaphysiques, de sentiments indicibles. Cette poésie entrouvre la porte de l’invisible, touche notre intérieur profond ; va aux limites de la langue ; nous rend la traduction presque impossible tout en nous provoquant à la réaliser malgré toutes les difficultés de transmission de cette langue (le turc) à la langue d’accueil (français). Oui, je suis fière de vous proposer ce poète-enseignant de langue et littérature turque, ce poète-traducteur, cet écrivain qui fut mon professeur, à qui je dois le goût de la poésie, de la traduction, des langues, de la littérature et de l’impossible possible. Sa poésie occupe une place importante sur la scène poétique turque par la richesse de ses « petits mots », évoquant la vie des humbles, parlant de sa solitude et de son insuffisance face aux problèmes de son existence, à son destin, à la mort incontournable." écrit Sevgi dans sa présentation de Behçet Necatigil ( 1916-1979).
Elle prendra soin par la suite de montrer les liens profonds qui unissent le poète à Istanbul tout en détaillant les différentes étapes de son parcours intimement lié à la poésie de son peuple à laquelle peu à peu il ajoutera la singularité de sa voix.
C'était un défi que de pouvoir faire passer le message poétique de Behçet Negaticil en français. Bruno Cany le raconte dans sa postface en indiquant les chemins qu'il a emprunté pour le relever : "La plus grande difficulté n’est donc pas tant, me semble-t-il, le passage d’une langue à l’autre que le passage du non-mot au mot, du saut de l’impensé dans le pensé, de l’indicible dans le dicible, lequel se saisit dans la pensée du poème, et doit être impérativement refait par le traducteur dans la langue d’accueil." 
Le livre se termine par un ensemble de documents (photographies et fac-simile de manuscrit) qui ajoutent une note supplémentaire d'humanité à cet hommage très chaleureux.

Behçet Necatigil

Lisons maintenant le poète dans sa langue d'origine et dans la langue d'accueil :

CİHANNÜMÂ

Bir çan gibi sallandığı zamanlar
Yoğun sis - - nerdeydiniz limanlar
İnsan önce çevresinde ölür
Açık deniz, batak kuytu ormanlar.

Akşamı çökertmeye bu ne çok çaba
Bir gün çektirilerde kurşun gökyüzü
Ayaklar altında bir cihannümâ
Ey geçilen yolları yoksayanlar.


L’IMAGE DE L’UNIVERS

Où étiez-vous les ports - - quand le brouillard
Intense se balançait comme un glas  
L’homme meurt d’abord dans son environnement
La mer ouverte, les forêts marécageuses isolées.
            
Que d’acharnement pour détruire la soirée
Un jour dans les galères un ciel de plomb
Sous les pieds l’image de l’univers
Hé ! Vous qui ignorez les chemins parcourus.

(Yeni Dergi, 86, novembre 1971)

Compléments :
- Le livre sur le site de l'éditeur. 
-Une soirée d'hommage au poète à l'ambassade de Turquie à Paris.

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