samedi 23 mars 2024

Ciné-poèmas / Ciné-poèmes

Au mois de janvier, j'ai parlé de l'année 2024 comme de "l'année Frédéric Mistral", en fait une année qui nous fait faire un retour arrière et nous replonge dans le XIXe siècle. Si génial que fut le poète de Maillane, on ne peut réduire le provençal et la langue d'oc à son œuvre et à son parcours. Elle a été après lui le véhicule d'une expression sans cesse renouvelée qui s'est accordée au contexte nouveau dans lequel se sont trouvés immergés ceux qui avaient choisi de lui rester fidèle.

Parmi les nombreux auteurs d'aujourd'hui qui ont témoigné de ce renouvellement, JànLuc Sauvaigo me paraît le plus exemplaire dans sa capacité à intégrer la modernité. J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans ce blog. Je voudrais par cette chronique en donner un nouvel exemple.

Avec ses Ciné-poèmas, il nous entraîne dans l'univers cinématographique omniprésent dans notre vie quotidienne dont il a fait la matière de son imaginaire, de son écriture et de ses dessins car il est aussi artiste graphique.

Le livre présenté en version bilingue français-nissart se compose de trois parties entrecoupées de nombreux dessins, dont certains en couleurs, relevant de la bande-dessinée.

La première partie s'intitule Lo Cat, lu Piratas & lo Mago / Le Chat, les Pirates & le Magicien. Elle se découpe en 32 images inspirées par Hitchcok, le cinéaste japonais Yasujiro Ozu et Jean-Luc Godard. On y trouvera en particulier de nombreuses références au film d'Hitchcok Les 39 marches.

La deuxième partie a pour titre Jim & JànLuc fan un film / Jim & Jànluc font un film. En fait, ils en feront cinq et le livre nous en donne en quelques lignes un avant-goût. Ces cinq films s'intitulent La Ratapinhata, La Chambre verte, (J.) M le Maudit, Réfléchir l'image - des autres et enfin Bob le Flambeur. On retrouve ici des références à François Truffaut, Fritz Lang, Jean-Pierre Melville. Mais tous se passent à Nice.

Enfin la dernière partie du livre Esquasi blu / Presque bleu est le synopsis inédit d'un conte musical et dansé, écrit pour le projet jazz de Jean-Louis Ruf, lors de "palhon ven", une célébration par la Ville de Nice des 600 ans de la Dédition de 1388.

Derrière cette "accroche" cinématographique se dissimule une interrogation profondément humaine sur notre devenir et sur une identité, ici l'identité nissarte, qui ne veut se dissoudre dans un art - devenu une industrie - d'une puissance phénoménale sur les imaginaires. Ce livre agit en fait comme une tentative de réappropriation par les mots, en détournant à son propre compte la vision du monde proposée. Et la poésie appelée en renfort permet ce miracle :

"Lo pinctor vou s'estar coma un astre perdut / Invisible en quauque luèc dau ciel, dau Blu / Viatjam toi devèrs, delà d'un image"

"Le peintre veut rester comme un astre perdu / Invisible en quelque lieu du ciel, du Bleu / Nous voyageons tous vers, au delà d'une image"

Complément :

- Le livre de 112 pages, format 20,5 cm X 20,5 cm, édité sur papier glacé et contenant de nombreuses illustrations en couleurs et noir et blanc est vendu 26 € (port compris) à commander chez l'auteur :  gracco.ontario@sfr.fr