
De la mort de Michel Miniussi à l’année 2005
Malgré quelques changements, toute la période qui commence après la disparition de Michel Miniussi et se poursuit jusqu’au printemps 2005 correspond à une étape unique, au cours de laquelle, plus que jamais, Manciet donne à la revue le « visage » qu’elle a . Dans les assemblées générales et les conseils de rédaction, à Toulouse, Manciet accueille les jeunes, poursuivant en cela l’œuvre de Girard, et surtout il ouvre systématiquement de nouvelles perspectives, visant à renforcer la présence des littératures étrangères, à susciter une critique d’œuvres qui ne soient pas exclusivement littéraires, mais aussi musicales, picturales, cinématographiques. Manciet vient à Bordeaux tous les trois mois, et nous élaborons ensemble le sommaire de chacun des numéros d’OC. L’un des traits qui caractérisent ces sommaires, en rupture avec la présentation de l’ère Miniussi, est le regroupement des textes autour de grands ensembles thématiques. Explicitement voulu par Manciet, ce classement pose des problèmes. De titres, bien sûr, d’abord. Que faire de ces poèmes et proses évoquant des maladies, des douleurs, mais aussi des traitements radicaux ? Et Manciet de s’exclamer : « Eh bien , quoi, mettez Sulfamides , ça ira très bien ! » Plus profondément, cela ne risquait-il pas d’être réducteur pour la portée des textes eux-mêmes, dans leur originalité, leur spécificité, etc ? En fait, les auteurs me disaient souvent, au contraire, que cette présentation avait donné à leurs productions une dimension à laquelle ils ne s’attendaient pas et qui, bien loin de les desservir, faisait valoir leurs textes. Et bien sûr tout cela sans compter l’apport de cette présentation pour la dynamique propre de chaque numéro, dont les « angles d’attaque » thématiques constituent des points forts déployés dans leur variété, leur contraste souvent. Il faut aussi insister sur une autre caractéristique essentielle de la façon dont Manciet concevait l’élaboration de la revue, caractéristique à laquelle il attachait une importance vitale et qu’il avait systématisée, même si, comme nous l’avons dit, Girard, déjà, procédait largement ainsi : il fallait absolument mettre tous les textes au même niveau, dans leur confrontation, c’est-à-dire, aux yeux de Manciet, le niveau le plus haut, qu’il s’agisse de productions d’auteurs déjà confirmés ou de textes des plus jeunes. « Mettez ça là, on verra si ça tient ! » Pas de présentation de l’écrivain, pas d’explication de ce que cela dit, de ce qu’il faudrait comprendre, pas d’appel à la bienveillance. La création pour elle-même, confrontée, dans sa langue, aux autres créations. Mais cette confrontation supposait aussi l’extension de la mise en relation avec des œuvres issues d’autres cultures et d’autres langues.

OC, revue vivante, donc : ce qu’elle compte bien continuer à être, dans sa langue, en ce début de millénaire.
Jean-Pierre Tardif
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