samedi 4 septembre 2010

Robert Lafont & Robert Laffont

En moins d'une année, ces deux grandes figures de la culture de notre pays, ont disparu. Leur quasi homonymie a souvent créé la confusion, particulièrement dans le sud de la France, dont ils sont tous les deux originaires. C'est dans les années soixante-dix qu'ils s'étaient inscrits avec plus de force encore dans notre paysage culturel, lui donnant un autre visage et obligeant à le penser différemment. Il faudra certainement encore du temps pour en prendre la mesure mais je voudrais déjà à titre personnel porter témoignage de ce que je dois à l'un et à l'autre.

Commençons par Robert Lafont que j'ai rencontré pour la première fois en 1985 à Marseille à l'occasion d'un colloque consacré à Victor Gelu. Robert Lafont était né le 16 mars 1923, il est mort le 24 juin 2009. Sans lui, la représentation de ce que l'on appelle l'espace occitan ne serait pas ce qu'elle est. Par ses essais, ses romans, sa poésie, son théâtre, ses recherches concernant l'histoire de la littérature et la linguistique, Robert Lafont a contribué à en donner une image cohérente, vivante et argumentée. Et son oeuvre a rejoint dans les années soixante-dix ce courant de contre-culture qui a traversé la France après mai 68. Celui-ci remettait en cause un modèle centralisé qui niait les différences et les minorités. Grâce à Robert Lafont nous avons pu découvrir notamment toutes les richesses et les trésors de la littérature d'Oc. Sa Nouvelle histoire de la littérature occitane, écrite avec Christian Anatole, éditée par les Presses Universitaires de France, a été pour moi un livre déterminant pour entrer dans une création littéraire initiée par les troubadours et qui se poursuit toujours magistralement. Des chroniques précédentes de ce blog sont là pour le vérifier.

Robert Lafont a été un grand universitaire qui a formé de nombreux chercheurs et enseignants. Ces derniers ont commencé un travail pour apprécier l'importance de tous ses travaux. Robert Lafont était aussi un poète et c'est sous cet angle qu'il m'est plus facile de l'évoquer. Par deux fois, j'ai eu l'occasion de l'accueillir dans le cadre des rendez-vous occitans que j'animais l'été à Lodève pour le festival des Voix de la Méditerranée. Un grand moment à chaque fois et beaucoup d'émotion lors de sa venue en 2008, où il était déjà affaibli par la maladie.
Les poètes qu'il a encouragés à leurs débuts : Serge Bec dans les années cinquante, plus tard Joan-Luc Sauvaigo ou Jean-Paul Creissac, m'ont apporté le témoignage du rôle actif que peut jouer un aîné lorsqu'il est à l'écoute de la jeune poésie. Sans cette attention, à la fois exigeante et bienveillante, la poésie occitane n'aurait pu prendre ces chemins novateurs.


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C'est à Marseille également que j'avais pu voir et écouter l'éditeur Robert Laffont. C'était au début des années quatre-vingt. Cela se passait à l'hôpital de la Timone qui invitait des personnalités, qui y avaient été soignées, à venir raconter leur itinéraire. Robert Laffont y était arrivé en enfant du pays puisqu'il était né à Marseille le 30 novembre 1916, y avait passé sa jeunesse et fondé en 1941 ses éditions avant de les transférer à Paris en 1945. C'est à l'hôpital américain de Neuilly qu'il est mort le 19 mai 2010.
Les débuts d'un éditeur sont toujours importants et Robert Laffont nous avait rappelé qu'il avait commencé par la poésie avec la collection "Sous le signe d'Arion". Arion, c'est ce poète grec qui fut sauvé par un dauphin et que l'on peut considérer comme un nouvel Orphée. Cette collection accueillera des poètes de l'Ecole de Rochefort, souvent présentés dans ce blog. La poésie restera toujours associée aux grandes aventures humaines.

On retrouvera dans son livre Une si longue quête paru en 2005, les propos tenus par Robert Laffont quelques vingt années auparavant. Son parcours est désormais entré dans l'Histoire. Ce qui me touche, c'est que dans presque toutes les familles de France, on pouvait dans les années soixante-dix, reconnaître les livres qu'il avait édités. Que ce soit dans la littérature, la psychologie, la santé, le témoignage, les éditions Robert Laffont participaient de ce changement qui modifiait en profondeur nos modes de vie. Et si l'éditeur était celui d'une société de consommation de masse, je n'ai pas le sentiment qu'il ait offert à ses lecteurs des livres qui ne les respectaient pas.

Je revois sur les rayons de la bibliothèque de mon grand-père ou de mes parents, des ouvrages signés Bernard Clavel, Martin Gray, Maurice Mességué, Carl Rogers ou encore Jean-Pierre Chabrol et Claude Marti. Et j'y associe un peu de nostalgie...


Compléments :






- Robert Laffont, une histoire marseillaise par Jean Contrucci


- Robert Laffont s'entretient avec Pierre Assouline

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