Après avoir rendu hommage à Max Rouquette, nous poursuivons aujourd'hui avec Estève Salendres. Nous montrons ainsi que la poésie en langue d'Oc continue sa course, à la fois dans une fidélité et une reconnaissance aux générations anciennes, et en même temps dans une volonté de renouvellement. Représentant de la jeune génération, il est né en 1978, Estève Salendres participera en juillet prochain au festival Voix Vives de Sète. Par sa présence, il permettra donc une approche des plus directes, des préoccupations et des expressions de la nouvelle poésie occitane. Voici en attendant, extrait de son recueil Camin descaminat / Chemin égaré, un poème dédié à son fils complété par une de ses œuvres picturales .
Dintre mas mans
Mende, lo 15 de genièr de 2007.
A Juli, mon filh
Dintre mas mans aflaquidas de paur
Lo copet tieu aisidament
A sauput prene plaça
Lo pes leugièr de l’existéncia
Lo doç velós a rescaufat ma pèl
Jalada dempuèi de sègles
Per una mòrt prevista,
Los nívols ara
An del solelh la color
Del fuòc, l’etèrna calor
Lo freg tanben me caufa l’esquina
E la pluèja fa beluguejar mos uèlhs paurucats,
Las mai afrosas bèstias
Que dempuèi d’annadas me rosigavan lo ventre
Son devengudas d’amigas
Que calinhejas de ton rire infinit,
Sus mon camin las pèiras ponchudas
An daissat plaça a l’èrba verda e mofla
Ont mos pas an plaser de se pausar,
Lo bosin de la vida es devengut musica
E mos desvelhs de temps per t’agachar
Ton buf caud al cròs de mon aurelha
Sembla paraulas per rescalorir mon arma
Tos uèlhs dubèrts e candes
M’agachan simplament.
Sèm aquí, dos, al mitan del mond,
Vius.
Estève SALENDRES.
A Jules, mon fils,
Entre mes mains affaiblies par la peur / ta nuque sans effort / a su prendre place / Le poids léger de l’existence / le doux velours a réchauffé ma peau / gelée depuis des siècles / par une mort annoncée, / les nuages maintenant / ont, du soleil la couleur / du feu l'éternelle chaleur / Le froid lui aussi me réchauffe l'échine / et la pluie fait étinceler mes yeux effarés / Les plus affreuses bêtes / qui depuis des années me rongeaient le ventre / sont devenues des amies / que tu cajoles avec ton rire infini / Sur mon chemin les pierres pointues / ont laissé place à l’herbe verte et souple / où mes pas se plaisent à se poser / Le tumulte de la vie est devenu musique / et mes insomnies du temps pour te regarder, / ton souffle chaud au creux de mon oreille / semble paroles pour redonner chaleur à mon âme, / tes yeux ouverts et limpides / me regardent en toute simplicité. / Nous sommes ici tous deux, au milieu du monde, / vivants.
Entre mes mains affaiblies par la peur / ta nuque sans effort / a su prendre place / Le poids léger de l’existence / le doux velours a réchauffé ma peau / gelée depuis des siècles / par une mort annoncée, / les nuages maintenant / ont, du soleil la couleur / du feu l'éternelle chaleur / Le froid lui aussi me réchauffe l'échine / et la pluie fait étinceler mes yeux effarés / Les plus affreuses bêtes / qui depuis des années me rongeaient le ventre / sont devenues des amies / que tu cajoles avec ton rire infini / Sur mon chemin les pierres pointues / ont laissé place à l’herbe verte et souple / où mes pas se plaisent à se poser / Le tumulte de la vie est devenu musique / et mes insomnies du temps pour te regarder, / ton souffle chaud au creux de mon oreille / semble paroles pour redonner chaleur à mon âme, / tes yeux ouverts et limpides / me regardent en toute simplicité. / Nous sommes ici tous deux, au milieu du monde, / vivants.
Complément :
- Camin descaminat aux éditions Jorn.