samedi 23 mars 2013

L'Amandier

Au moment où nous entrons dans le printemps voici un texte que m'avait envoyé, à la suite d'un séjour en Provence, Sookhee Chae. Elle était une brillante universitaire de Corée du Sud où elle y enseignait notre littérature. A plusieurs reprises, elle était venue en France faire partager son approche particulièrement éclairante de quelques uns de nos grands auteurs et penseurs comme Albert Camus, Henri Bosco ou encore Gaston Bachelard.  Chez chacun d'eux, elle s'était employé à relever ce qui dans leur approche du monde pouvait s'apparenter au Bouddhisme. Sookhee Chae est morte des suites d'une longue maladie en décembre 2011 et je tenais à lui rendre hommage.

L'AMANDIER
Michel et moi, nous avons marché longtemps. Le soleil brillait et le ciel était clair et limpide. Le mistral avait chassé les nuages. Un jour de mi-février, une ville du Midi de la France. Nous avons  grimpé les ruelles en pente derrière sa maison. À mesure que nous  montions, les maisons perchées sur les hauteurs se montraient avec leurs toits rouges et leurs volets blancs. Laissant le village derrière nous, nous  nous  sommes engagés tout de suite dans un des sentiers menant  vers  les collines. Au bord de la route poussaient les romarins et les thyms en exhalant déjà leur parfum sec. Les arbustes odorants poussent partout en Provence. À chaque détour, apparaissait un nouveau paysage. Tout en bas, devant les vestiges laissés par les Grecs, la mer venait se heurter sans cesse aux rochers. Plus haut, un château du moyen-âge se montrait dans son état de ruine. Lorsque j’ai levé les yeux, j’ai aperçu loin, très loin, les longues bandes noires des crêtes qui s’enchaînaient jusqu’au fin fond du ciel. De temps en temps, au milieu, de grosses roches blanches donnant une impression mystérieuse, venaient barrer la vue.


Michel me racontait à voix basse, la nature et l’histoire de la région. Il évoquait aussi ses rencontres avec les écrivains de la ville et ses propres recherches.

Nous avons marché longtemps sans trop parler. Le soleil répandait  généreusement ses rayons splendides sur ces collines plongées dans le silence absolu. Nous avons marché ainsi en sentant les parfums des arbres, des herbes, le soleil  et le vent dans tout notre corps. Je devenais de plus en plus gaie  et mon visage brillait d’une vivacité juvénile. Au bord de la route, lorsque nous rencontrions un endroit propice, nous nous asseyions pour passer quelques minutes à contempler ce paysage d’une beauté inexprimable.


Le long de ces chemins, il apparaissait de temps à autre quelque chose qui attirait mes yeux ; c’était un arbre couvert de fleurs blanches. Pourtant ce n’était pas encore le printemps. Quel était cet arbre ? Je me suis laissé capter malgré moi. C’était un amandier. Ah, l’amandier ! Cet amandier qui est décrit si souvent dans les romans de Jean Giono, de Pagnol et de Camus ! La forme de sa fleur ressemblait beaucoup à celle des cerisiers mais la taille en était plus grande. Sa façon d’être attachée aux tiges, était plus proche de celle des pruniers, qui chez moi nous charment toujours au commencement du printemps. Eblouie par la beauté de ces fleurs et fixant les yeux sur leurs pétales, incroyables de finesse et de pureté, qui dansaient délicatement contre le ciel bleu, j’étais plongée un instant dans la béatitude. Je pensais à ce moment-là, au printemps de la Corée, à ses montagnes et ses rivières. Ces voûtes de fleurs blanches, formant ainsi un long tunnel fleuri! Cette route de cerisiers qui longe le fleuve de Seomjinn, cheminant vers le temple de Sanggyesa, un merveilleux temple situé au pied de la Montagne de Jiri. Et encore cette route de cerisiers qui conduit à l’intérieur de l’Ile de Namhae... Je revoyais toutes ces images du printemps de mon pays.

Un moment après, j’ai baissé les yeux et j’ai trouvé par terre des amandes tombées l’année dernière. « Oui, tu vois, c’est bien un amandier. » ai-je dit alors en souriant à Michel qui se trouvait derrière moi.
                                                                                                                                           Sookhee Chae
                                                                                                                                          
    Complément :

- Une étude de Sookhee Chae sur la base Loxias de l'Université de Nice.
                            

1 commentaire:

  1. C'est un bel hommage avec la magnificence des fleurs d'amandiers offert à Sookhee Chae.

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