samedi 23 août 2014

Les Cahiers de Garlaban - XVII

En mai 1992 paraissait Cellula 13, en version bilingue, français/occitan de Ives Rouquette. Le recueil contenait 72 pages, la couverture était de Jacques Bringuier qui avait également illustré les pages intérieures. Il commençait par cette note de l'auteur qui en expliquait la genèse :


Je dois à Bernard Tournois d'avoir pu passer en 1984-1985 une année de vacances, aux frais du ministère de la culture, à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon en qualité d'écrivain résident. En vérité, j'ai bien peu résidé dans la Cellule n°13 où m'avaient précédé m'a-t-on dit Bernard Noël et Claude Gaignebet. Tout au plus, en un an, y aurai-je passé une douzaine de nuits. J'y ai tenu, tout à fait en marge, d'autres travaux, une espèce de journal de bord dont sont extraits les textes suivants.

En voici un extrait :
……
4. Al potz en cairat de la clastra vièlha, quand
lo lum es mai tombat drech sus las doas ròsas
en boton de ma fenèstra, al gèl crespadas,
me soi sarrat del potz.

Sus l’aiga del ferrat pausat
al pè del peiral
aviái vist un visatge tremblar.

E ai pensat qu’éra lo meu
de davant las lagremas,
mos uèlhs de sord
en fàcia del lièch voide
de la platja sens fin dels lençòls.

Mas èra sa boca, a ela,
nuda, palla, longa, longa,
éran sos pòts
que lo plaser regurça
per de crits entre dos nonres.

« Ò, brutla-me, neteja-me !
Passa mos pòts al cremat de ta lenga !
Diga-me las paraulas que sauvan !
Ensnha-me a aimar qual me vòl ! »

I aviá pas pus dejà sus l’aiga planièra
que lo cèl voide,
las muralhas quilhadas
d’una cort en cairat,
lo silenci blanc de dètz oras.


…..
4. Au puits carré de l’ancien cloître, quand
la lumière est tombée droite sur les deux roses
en bouton de ma fenêtre au gel crispées,
je me suis approché du puits.

Sur l’eau du seau posé
au pied de la margelle
j’avais vu un visage trembler.

J’ai cru le mien
d’avant les larmes
mes yeux de sourd
face au lit vide,
à la plage infinie des draps.

C’était sa bouche à elle
nue, pâle et longue,
c’était ses lèvres
que le plaisir retrousse
pour des cris entre rien et rien.

« Oh : brûle-moi ! Oh ! nettoie-moi !
passe ma langue au tison de ta langue !
Enseigne-moi les mots qui sauvent !
Apprends-moi à aimer qui me veut ! »

Déjà il n’y avait plus sur l’eau plate
que le ciel vide,
les murs dressés
d’une cour en carré,
le silence blanc de dix heures.


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