22 décembre 2012
Cependant, les dégâts sont si considérables qu’avant tout passage à l’acte, en l’occurrence à l’acte d’écrire, il nous faudra franchir une épreuve. Devenir, ne serait-ce que pour une matinée ou une nuit de pleine lune, un personnage aphasique marchant à pas lents dans les rues, et s’arrêtant longuement à certains carrefours. Un mime aux lèvres closes sur le secret du langage. Il ne présenterait pas une « performance » de plus, mais inscrirait dans l’espace une calligraphie relevant de la haute magie. Il rendrait visible autant que sensible et audible, la vibration retrouvée de chaque lettre, la richesse de sens de chaque mot. Et annoncerait l’invention d’une syntaxe inouïe et véridique pour toute tentative à venir de libération de la conscience. Par réaction en chaîne ou arborescence, l’électricité mentale (l’énergie vitale la plus affinée) qu’on aurait cru éteinte à jamais chez nombre de citoyens atomisés, séparés d’eux-mêmes et des autres, resurgirait ; se prolongeant dans un renversement de perspective de la plus grande ampleur. Cela alors réaccordé avec une parole impérieuse, intempestive, créatrice d’un monde habitable.
Le grand geste accompli, nous commencerons à nous libérer aussi des images. Pour se tenir au plus près du réel. Dans la présence. Et inverser le courant de ce désastre incommensurable : le déficit existentiel, le manque d’être. Pas de prophéties stupides ni d’espoirs fallacieux mais libre à nous de voir le temps intérieur, en connivence avec son autre versant redevenu « historique », ouvert sur le grand temps cosmique. La poésie, le plasma du réel absolu.
7 janvier 2013
Michel Capmal