samedi 7 juin 2014

Echos lointains et proches à la fois

Lors de la dernière édition du festival des Voix Vives de Sète en juillet 2013, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Mohamed Miloud Gharrafi. Cette rencontre avait été précédée par la lecture de Une seule porte et des demeures, recueil du poète égyptien Ahmad Al-Shahawy que j'avais beaucoup apprécié et qu'il avait traduit de l'arabe et préfacé pour sa sortie en France chez L'aile éditions. Aujourd'hui, c'est Mohamed Miloud Garrafi qui fait paraître sa propre poésie chez le même éditeur sous le titre Échos lointains. Le livre est préfacé cette fois par Nicole Drano-Stamberg que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Il est proposé en version bilingue : arabe/français. C'est l'auteur lui-même qui s'est chargé de la traduction. Des calligraphies de Najeh Jegham le complètent. La préface de Nicole, que je reproduis ici avec l'aimable autorisation de l'auteur est la meilleure des invitations à le lire.


Dans la poésie de Mohamed Miloud Gharrafi, il y a l’émanation d’une sorte de sincérité, apparemment naïve, des aspirations à la pureté, des élans de l’âme émouvants et profonds. Il écrit à propos d’une rencontre amoureuse : «Nous voyagerons vers l’absolu. Nous marcherons vers l’eau et courrons comme deux enfants.» et dans un autre poème : «Elle m’entraînait vers des espaces toujours plus loin à l’intérieur, entre obscurité et lumière» Mais voilà ! Le poète, si on peut le reconnaître comme un être sensible, vit en société, dans le réel, et il doit très souvent subir toutes les secousses de notre monde contemporain, ses propositions et ses provocations. Dans ses projets amoureux, exaltés près de la mer, le poème lui rappelle ceci : «la sonnerie de nos téléphones portables nous manquerait» ou encore : «Nous ne consulterions pas d’horoscope aujourd’hui» et pour terminer la belle évocation de l’amoureux transi, le poète clôture le rêve ainsi: «Elle dit : «naturellement ! mais aujourd’hui j’ai envie de certaines choses au magasin Marks & Spencer.»

 Dans d'autres poèmes, il exprime une nostalgie, peut-être ressent-il comme un désarroi dans une civilisation où se mêlent diverses cultures, il faut parfois porter sur soi à regret des soupçons non justifiés : «Sur la place Catalunya / j’ai peur de trahir mes pas / et j’ai peur que se trompe à mon égard cette femme / qui me regarde de travers / et serre son sac à main très fort / contre sa poitrine.» Le racisme, la plaie qu’il faut panser et dénoncer.

C'est une poésie qui semble légère dans la forme mais qui se révèle comme un cheminement où la réflexion est sous-jacente. Nous sommes loin de la poésie arabe traditionnelle classique ou romantique aux longs poèmes inspirés par l’aimé(e), relatant des événements historiques, poésie romantique avec souvent des poèmes de circonstances ou des pensées et des émotions intimes de poètes recherchant la solitude et trouvant quelque consolation dans la nature.

Les poèmes ici sont en prose poétique et ils ont dans l’esprit comme une parenté avec des poètes tels que Jean Tardieu, Henri Michaux, Jacques Prévert qui ont manié l’humour dans leurs œuvres. Ce qui caractérise la poésie d’humour le plus souvent, c’est son pouvoir d’attaque et la force de ses refus, son pouvoir de déshabiller les apparences et les idées reçues avec la parodie, le sourire et la satire.

Nicole Drano-Stamberg

Complément :
- Le livre sur le site de l'éditeur

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