vendredi 15 novembre 2019

L'amour de Paul Ricard pour la Camargue

Paul Ricard a déjà été mis à l'honneur dans ce blog. En 2014 nous avions rendu compte d'un colloque qui s'était attaché à mettre en valeur son action occitane entre 1930 et 1950  avec Jòrgi Reboul, Charles Camproux et Max Rouquette. Celle-ci, fruit d'un amour fervent pour la Provence, fut en fait à l’œuvre toute sa vie et s'exerça dans de nombreux domaines aussi bien économiques, qu’artistiques et culturels. Elle se fixa aussi sur différents lieux dont l'industriel de génie fit des centres de rayonnement d'une culture provençale mêlant avec bonheur tradition et modernité. Si l'on associe au nom de Paul Ricard les îles de Bendor et des Embiez sur la côte varoise ainsi qu'un circuit automobile, il est important de rajouter sa propriété de Méjanes qu'il acheta en 1939. En 2013, nous avions présenté le beau livre que sa fille Michèle avait consacré au domaine à l'occasion de son millième anniversaire. Elle le complète aujourd'hui par un autre ouvrage qui illustre l'amour de son père pour la Camargue.


"C'est en Camargue, cette terre qui l'avait ébloui quand il était enfant, que l'on retrouve le mieux les traces de cet homme indomptable, travailleur infatigable, créateur, bâtisseur, écologiste avant l'heure, communicateur, mécène, peintre, visionnaire..." écrit Michèle Ricard dans son avant-propos. Le livre revient sur les circonstances de son implication en force dans le delta du Rhône. Le gouvernement de Vichy ayant interdit les boissons alcoolisées de plus de 16°, il fait de son domaine le lieu d'une reconversion réussie qui  lui permet de sauver son entreprise et de garder son personnel, évitant même à une partie de celui-ci le Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
Il transformera les friches de Méjanes en un Éden verdoyant. Des étables y abriteront désormais des vaches laitières, on y élèvera des porcs et des volailles, produira des légumes, des céréales, récoltera des fruits. Et puis à la suite de travaux d'irrigation sans précédents, Méjanes renouera définitivement avec la culture du riz.
Toutes ces initiatives amèneront Paul Ricard à un "dialogue" plus intime encore avec la Camargue que ses talents de peintre allaient ensuite transcrire.

Les Saintes-Maries-de-la-Mer / 1943 (Huile sur isorel 33 x 41 cm)



  





















Un grand mérite du livre est d'avoir reproduit les tableaux de l'artiste mettant ainsi en lumière sa perception du lieu, de ses paysages, de sa nature, de ses bêtes avec au premier plan les taureaux et les chevaux, de ceux qui y vivent, de leurs pratiques ancestrales, de leurs fêtes et traditions. C'est l'âme de la Camargue, que Paul Ricard a saisie à travers eux et qu'il nous fait partager.

Brivade / 1943 (Huile sur isorel 49,5 x 65 cm)

Nous remercions Michèle Ricard de nous avoir fait entendre à travers cet ouvrage, contenant également de nombreuses photographies de Méjanes d'hier et d'aujourd'hui, le chant d'amour de son père pour " cette terre, élue de son cœur, qui voluptueuse et sauvage ne se lassait pas de s'offrir à lui..." Elle invite ainsi chacun d'entre nous à trouver sa terre d'élection, à l'aimer et à la célébrer tout autant.

Complément :
- Le Domaine de Méjanes.

1 commentaire:


  1. Urus


    O ! temps immémoriaux du delta souverain,
    Aux Camargues épaisses balayées,
    Ces rivages marins de terres déployées,
    Sous l’eau qui sourd d'un principe utérin..

    Dans cette immense plaine agitée et violente,
    Une bête immobile, au souffle amer,
    Songeusement, la tête vers la mer,
    Regardait le ciel fluide aboucher l’eau mouvante…

    Là, l’esprit de la Crau respirait les mistrals !
    Des bourrasques pleines d’oiseaux crachés
    Du flux salin d'abrupts hivers hachés
    Par la nuit fauve et lente et les soleils australs.

    Et tout ici commence, avance et recommence,
    Danse, au mouvoir secret d'avalaisons,
    Le souffle prodigieux d’exhalaisons
    Du long fleuve épandant sa sereine démence ;

    L’alchimique est ici ! Le paradis brutal,
    La terre libre alors d’humanité,
    Où Nature créa, d’éternité,
    Un élan d’absolu dans un creuset vital !

    Par les matins d’air calme avalés par la brume,
    Des Orients où le monde sancit,
    Venait la vague et les sons imprécis
    De géants à fanons s’ébrouant dans l’écume..

    Dans un long jour bleu d’eau, vif, et de sel enfui,
    Le temps d’amour, fatal, et d’agonie,
    S’allongeait une heure étale, infinie,
    Pour l’urgence éternelle où le printemps reluit.

    Sous les stridulations de cent milliards d’insectes,
    Le déclin lourd des étés séraphins
    Nimbait d’or roux les palustres confins,
    Dès l’éveil mystérieux de faunes circonspectes…

    Et les troupeaux dolents, menés d’un instinct sûr,
    En remontant paissaient les noirs méandres,
    La touffe rêche où se mêlaient les cendres
    D’une éruption lointaine obscurcissant l’azur.

    Graus vierges enlacés aux rias échancrées,
    Vie emmêlée au grand espace ouvert
    Sur chaque étoile exquise, et l’univers….
    Ô gigantesques flots ! Diramations nacrées …

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