samedi 3 avril 2010

Joan-Luc Sauvaigo, poète nissart

Pour prendre la mesure de la richesse de la création occitane contemporaine, il est nécessaire d'ajouter à l'intérêt pour la langue, une curiosité géographique. On découvrira ainsi, attaché à chaque lieu, des artistes qu'une simple fréquentation des livres nous aurait fait oublier ou minorer. C'est encore plus vrai pour les marges du territoire de la langue d'Oc, souvent perçues sous un angle qui nous en fait oublier son caractère premier. Nice est en cela un bon exemple car l'image que l'on en a relève d'avantage des représentations relatives à la Côte d'Azur que de son passé occitan. Pourtant la racine existe bien que des poètes s'emploient toujours à rappeler avec le génie propre qui lui correspond. On compte parmi eux Joan-Luc Sauvaigo dont les nombreux talents ont permis une expression neuve et originale en phase avec le bouillonnement culturel que nous avons connu à partir des années soixante. Poète, chanteur, musicien, dessinateur, il a décliné toutes ses possibilités de création au service d'une nissarditude indissoluble dans la modernité. Bien au contraire, il lui a donné ses lettres de noblesse en sachant reprendre pour son compte les rythmes et les images qui nous étaient adressés d'outre-atlantique. Là est bien le signe de la vitalité d'une culture qui sait faire son propre miel de ce que le monde nous envoie pour s'enrichir et se régénérer. Concernant sa poésie, on peut aujourd'hui en retrouver l'essentiel dans Compendi derisori dau desidèri / Compendium dérisoire du désir édité en 2007 par les éditions Jorn. On y retrouvera ce cri profond d'un homme en révolte qui ne peut accepter qu'une vie se réduise à ce qu'une société sans âme a décidé pour elle. Ce même message traverse ses chansons nourries de blues et de folk qu'il interprète seul ou accompagné de l'Ontàrio Blues Band. Ses derniers disques ont pour titre : Ràdio Babazouc, Palhasso universal, Esquasi ou encore Sola Sòla . Mais Joan-Luc Sauvaigo est aussi dessinateur et il fut parmi les premiers à introduire la BD dans la presse occitane. A partir de 1976, il a animé la revue nissarde La Ratapinhata dans laquelle on a pu suivre les péripéties de Gracchus Ontario, niçois immigré aux Etats-Unis, personnage fictif qui relève de la mythologie familiale de l'auteur. L'impact de cette revue populaire fut à l'époque significatif car elle toucha plusieurs milliers de lecteurs. N'allons pas croire que la période dans laquelle nous vivons ait éteint tous ces feux, toutes ces poussées de révoltes et d'utopies, même si c'est sous la forme d'un écho assourdi qu'elles nous parviennent aujourd'hui. La poésie, la musique et l'art sont toujours là pour nous transmettre cette part irréductible de l'être qui porte en elle son immortalité.

1 commentaire:

  1. Merci beaucoup pour cet hommage rendu à la nissartitude et à l'immense créativité niçoise des années 70 à travers l'un de ses plus brillants représentants, JL Sauvaigo.
    Vous avez raison de dire qu'on l'oublie trop souvent, faisant passer Nice pour une ville uniquement touristique. Dieu merci, certains merveilleux artistes sont encore là pour faire en sorte qu'elle ne perde pas complètement son âme qui est bien présente, contrairement à ceux que beaucoup croient.

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