Bien que toutes les publications que nous présentons dans ce blog ne passent pas par le circuit des librairies, pour des raisons d’ailleurs qu’il serait intéressant de développer, celui-ci nous paraît être, malgré la vente en ligne, l’élément-clef pour la diffusion d’une littérature de qualité. Encore faut-il que les libraires y exercent leur métier avec cet objectif et n’y réduisent pas le livre à un simple objet de consommation. J’ai rencontré Camille Fénérol, de la librairie Charlemagne à Hyères, pour approfondir le sujet.
Camille Fénérol comment envisagez-vous le métier du libraire d’aujourd’hui ?
Le libraire est d’abord un relais de la production littéraire contemporaine. Il donne des conseils de lecture à ses clients dans sa librairie qui est aussi un lieu d’accueil pour des manifestations culturelles en lien avec le livre.
Qu’est-ce qu’il est important pour vous de relayer ?
D’abord les ouvrages qui profiteront d'une promotion media (tv, radio, presse) : « J’entends parler d’un livre, cela me donne envie, je veux me le procurer rapidement". À côté de cela, j’ai à cœur de positionner des titres de plus petits éditeurs qui donnent aussi une couleur plus singulière à l'offre de notre librairie.
Merci de donner leur chance aux petits éditeurs. Mais arrivez-vous à entraîner des lecteurs vers leur production ?
Il m’est parfois plus simple de proposer un ouvrage dont personne n’a entendu parler. Si le texte est bon, on peut très bien en vendre autant qu'un best seller, voir plus. Paraître chez un grand éditeur ne garantit en rien des ventes en quantité.
Voilà des paroles bien réconfortantes. Et qu’en est-il pour la poésie ?
Pour la poésie un fond "classique" type "poésie Gallimard" fonctionne très bien. Pour la poésie contemporaine, il est nécessaire de faire des mises en avant de l'éditeur (comme nous avons fait par exemple cet été avec les éditions Cheyne).
Ces quelques mots suffisent, je pense, pour mesurer et comprendre ce que les auteurs dont nous parlons dans ce blog, peuvent attendre d’une relation avec leur libraire, lorsqu’il est, comme vous, attentif à toute la création littéraire de son temps, même si elle ne passe pas par les grands éditeurs. En conclusion, auriez-vous quelques conseils ou recommandations à faire pour que les livres émanant de petits éditeurs, y compris de poésie, trouvent plus facilement leur place en librairie ?
Que les auteurs insistent auprès de leurs éditeurs pour qu'ils fassent un vrai travail de service commercial. Dans le cas d'une collection de poésie, que l'éditeur soit capable de proposer aux libraires une ligne éditoriale qui donne les arguments nécessaires pour la présentation que nous faisons des textes à nos lecteurs. Un titre isolé c'est toujours difficile. La "collection" fait la force. !
Camille Fénérol, merci !
Compléments :
- Camille Fénérol sur Web TV Culture
- Le site des librairies Charlemagne
Entretien intéressant qui montre le rôle du libraire et la nécessité de s'appuyer sur un service commercial (donc un diffuseur)ce qui complique le travail de l'éditeur.
RépondreSupprimerLes éditions Cheyne font un travail régulier auprès des libraires de différentes régions et sont déjà un éditeur reconnu par les institutions.
En outre les auteurs qui participent à la ligne éditoriale de ces éditions sont pour la plupart déjà repérés par des éditions plus importantes.
Il faut donc compter sur des librairies alternatives ou sur des libraires suffisamment informés et ouverts pour faire le lien avec les petits éditeurs non reconnus.
La librairie est une médiation indispensable.
RépondreSupprimerLa diffusion-distribution est de toute évidence le gros problème des petits éditeurs. Le rôle du libraire reste appréciable dans la transmission d'une demande (ou d'une exigence) de qualité et de vraie création littéraire. Savoir qu'il existe encore des libraires qui connaissent bien ce qu'ils vendent est réconfortant.
Michel Capmal
Lettre au ministre de la culture de l'An 10 000
RépondreSupprimerConnaissez-vous cette réalité ?
Sur la chaîne du livre. Une solidarité objective qui ne correspond pas à la réalité du terrain.
L’auteur envoie son manuscrit. L’éditeur le choisit, le travaille, le maquette, l’édite, le diffuse, le distribue ou le fait diffuser et distribuer.
Comment se répartissent les fonds engendrés par la vente d’un livre dans le système de diffusion/distribution classique ?
Part du libraire : 35%
Part du diffuseur/distributeur : 23%
Part de l'imprimeur : 15%
Part salariale (maquettiste, correctrice) :15%
Part de l'auteur : 8%
Ce qu’il reste à l’éditeur : 4%!
Cette répartition est indicative. Parfois la part libraire demandée est plus importante (40% demandés par certaines Fnac). Quand le livre est stocké chez le diffuseur/distributeur, l’éditeur loue l’espace.
Autrement dit : ce n’est pas avec cette façon que l’éditeur gagne son pain de livre. Ajoutons qu’avant de percevoir ce qui lui revient, le diffuseur bloque 20% (environ) pour amortir les retours c’est-à-dire les invendus. Car un livre n’est jamais acheté définitivement par la librairie. Un livre non vendu est remboursé par l’éditeur soit directement soit sous forme d’avoir. Autant dire que les 4% indiqués plus haut peuvent fondre comme neige au soleil en cas de mévente. Seuls les gros tirages peuvent faire gagner de l’argent car le coût de fabrication du livre à l’unité est moins cher.
Il y a donc des intérêts complémentaires et contradictoires. Au bout du compte, si il y a mévente, le prix à payer est à la totale charge de l’éditeur. L’éditeur se doit de développer d’autres manières de faire connaître le livre édité, soit par les ventes directes (fichier, internet, conférence, vente en ligne, etc.), soit par la présence dans les salons, soit directement chez le libraire pour avoir une marge plus importante par un dépôt (mais cela reste limité car il faut bien payer une personne, d’où la nécessité d’une politique des pouvoirs publics d’aide diverse et variée, souple, impartiale, juste avec le souci constant de tenir compte des spécificités de chacun et de tous).
La loi sur les marchés publics a changé, depuis quelques années, la donne. Il y a quasi obligation de faire des appels d’offre pour l’achat de livres et de passer par la librairie qui elle-même passe par un diffuseur distributeur ou du moins les institutions trouvent aujourd’hui plus commode de traiter ainsi. Le souci est de favoriser et de défendre la librairie. Avant nous avions un diffuseur qui allait à la rencontre des bibliothèques et vendait directement. Comment alors, devant un flot de nouveautés ininterrompues, faire connaître des livres même à petit tirage ? Cette possibilité directe est pratiquement inexistante, aujourd’hui. Dans la pratique, une médiathèque ou une bibliothèque désirant se procurer des livres en petite quantité (2 ou 3 livres) d’un « petit éditeur », commande le ou les livres à son libraire. Car il faut faire vivre les libraires. Cette commande paradoxalement peut coûter de l’argent au libraire. Pourquoi ? Parce que sur sa marge des 35 %, il va laisser 9% pour la bibliothèque, 6% pour les droits d’auteur, il lui reste donc 20 % de marge. Si on compte les frais de port, le libraire est de sa poche. Un diffuseur ne mettra pas à son catalogue le catalogue d’un petit ou bien quelques titres, etc. C’est l’expérience qui le montre. Sans parler des difficultés à se faire régler les factures en cas de ventes réelles.
Toutes bonnes solutions capables de casser ce cercle infernal sont les bienvenues.
La librairie en ligne est peut-être la solution. La brocante active, Place Viarme à Nantes , ou à Honolulu (?). La librairie du vent, c’est encore plus sûre (?).
Le petit véhicule, le 22 février 2012
Cet article très documenté nous donne une idée précise de la difficulté des métiers du livre. C'est une passion et l'auteur est le premier et le dernier maillon de la chaîne. Longue vie à nos librairies...
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