Comme l'an dernier, nous allons réserver ce mois d'août à la présentation des recueils de poésie que nous avions édités aux Cahiers de Garlaban. Cette fois entre décembre 1988 et décembre 1989. Après une première série consacrée à des poètes de langue française, nous avions souhaité mettre en valeur la poésie de langue d'Oc en nous situant au delà des querelles de graphie qui avaient été longtemps un facteur de division entre les "Provençaux" et les "Occitans". Pour nous, c'était la valeur poétique qui primait et le fait d'associer dans la collection des poètes venant des "différents côtés" de la langue d'Oc devait sonner comme un appel à l'unité. Le premier à y répondre fut Jòrgi Reboul, le grand aîné que nous avons déjà eu l'occasion de présenter dans ce blog sous la plume de Jean-Marie Petit. Le second fut André Resplandin, le troisième Charles Galtier et enfin le quatrième Daniel Biga. Nous nous attarderons sur chacun d'entre eux au moment où nous présenterons leur recueil. Mais commençons par celui de Jòrgi Reboul, Mesclas. dont j'ai eu l'occasion de raconter les circonstances de l'édition. C'était en avril 1994 à Septèmes-les-Vallons, lors d'un colloque consacré à Jòrgi Reboul :
... En
1987, nous eûmes l’opportunité de nous lancer dans l’édition. Après une série
de quatre recueils en langue française, nous n’avions qu’une idée, publier des
poètes en Oc et tout naturellement c’est vers Jòrgi Reboul que nous nous sommes
tournés pour ouvrir notre collection.
Notre
principe était simple, proposer à raison
d’un cahier par trimestre, sur une année, quatre recueils consacrés chacun à un
poète, sans parti-pris de graphie, la force poétique étant prioritaire pour
nous. Ainsi sur cette première série étaient prévus : Jòrgi Reboul, André
Resplandin que le Prix Mistral de 1986 avait fait découvrir à un plus large
public, Charles Galtier lié à Jòrgi Reboul, et Daniel Biga, ce poète de Nice, iconoclaste,
présenté pour la circonstance par un long texte de Yves Rouquette,
intitulé : Au dernier des Mohicans.
Se
tracent parfois de nouveaux cercles autour d’hommes déjà réunis dans le passé.
Au sommaire du numéro de juillet à décembre 1963 de la revue Oc[1],
j’ai eu la surprise de trouver les noms de Daniel Biga, Yves Rouquette et Jòrgi
Reboul pour une prose géographique.
Dans la réalisation concrète
de son recueil, Jòrgi Reboul se révéla
être à l’image de sa poésie, à l’image de l’homme debout allant toujours plus
loin devant.
La vie a voulu qu’il retrouve
des forces durant les mois où nous avons travaillé ensemble. Il avait alors 87
ans et n’a cessé de nous émerveiller par sa vitalité d’esprit et son ardeur à
vouloir que tout avance comme il se devait. C’est par exemple, par les
bulletins de souscription adressés qu’il a permis à notre initiative d’aboutir.
Il avait tenu à ce que figure à la fin du recueil la tiera deis amics,
la liste des souscripteurs et l’on peut y trouver plus d’une soixantaine de
noms.
Il m’avait demandé une
préface. Quel geste généreux pour un poète comme lui, adressé à quelqu’un qui
fait ses premiers pas en poésie.
Le recueil fut construit sur
un choix de textes pris parmi ses précédentes publications. Il est intéressant
de noter ce que Jòrgi Reboul a voulu retenir.
Mesclas commence par Marignane
et le célèbre vers : Je suis né longtemps après ma naissance. Il se
termine par Sans adieu dédié à
Antoine Richard, paysan de Trets, écrivain provençal, archéologue. «J’arriverai/coiffé
du rouge bonnet latin/ pareillement à Calendal » lui écrit « Là-haut
plus loin que les étoiles » Jòrgi Reboul en poursuivant :
« Je t’apporterai
de mes Restanques que tu
parrainais
des roses sauvages
pour fleurir nos propos.
Et puis… nous attendrons les
autres. »
Les autres et tout ce qui est le plus précieux au
cœur, à la pensée, dans la mémoire de Jòrgi Reboul est consigné dans ce
recueil.
Je ne peux citer les 26
poèmes choisis. Voici simplement quelques titres qui parlent d’eux-mêmes :
A Gil[2],
Je partirai, A la jeunesse, L’Homme à la martelière (aux
poètes de Marsyas), Jaillissement, J’ai suivi l’étroit sentier,
Aller loin toujours, Notre frère (le poème est dédié à Charles
Camproux), Guy Martin, La vieille ne voulait jamais mourir, Le
sarcophage (dédié à Madame Joseph d’Arbaud[3]).
Nous avions prévu une table
des matières, tout simplement, pour présenter les poèmes contenus dans le
recueil. Je revois encore Jòrgi Reboul chercher un mot plus original, se
plonger dans le Trésor du Felibrige[4]
et proposer Cabedeu, une sorte de petite pelote. On tire un fil comme on
tire un poème et les autres suivent.
Il
fallait aussi trouver un illustrateur pour la couverture. Il y avait dans notre
entourage un peintre dont le parcours ne pouvait que plaire à Jòrgi Reboul. Né en
1908, René Monteix qui offrit le dessin du village de Reillane, situé dans les
Alpes de Haute-Provence, était originaire d’Auvergne.
Il
avait été tout d’abord instituteur, avant de devenir professeur d’éducation
physique puis médecin et enfin professeur de cardiologie à la Faculté de Médecine de
Marseille, sans jamais abandonner ses activités picturales.
Mieux,
il s’était trouvé à une époque dans le même établissement d’enseignement que
Jòrgi Reboul, rue des Remparts, à Marseille, où il l’avait connu.
Le
recueil fut bien sûr accueilli favorablement. Je l’avais adressé à Robert
Sabatier, romancier, membre de l’Académie Goncourt, mais surtout pour nous,
poète et auteur d’une impressionnante Histoire de la poésie française en
neuf volumes[5], où
la poésie d’Oc y figure en bonne place.
Sa
réponse fut de bon augure pour nos éditions, et il est permis de penser qu’elle
compta parmi les dernières grandes joies littéraires de Jòrgi Reboul.
« Je
viens de recevoir Mesclas et je veux vous dire quel grand plaisir vous me
faîtes » lui écrivait Robert Sabatier. « Bien que connaissant
peu l’occitan » poursuivait-il « (mon grand-père me l’avait
appris), je peux le lire et je suis émerveillé par la beauté de vos poèmes et
par leur modernité ».
Quel
bel hommage et quel encouragement pour nous à poursuivre. C’est à l’occasion de
la parution de Mesclas que nous entrions en contact avec Serge Bec, que
se mettait en place une amitié avec des poètes que nous ne connaissions
jusqu’alors que par leurs écrits.
Si
aujourd’hui nos publications, en plus des titres signés Charles Galtier, André
Resplandin, Daniel Biga, comptent des auteurs comme Serge Bec, Yves Rouquette
et Fernand Moutet[6],
c’est à Jòrgi Reboul qu’elles le doivent, à un grand poète qui un jour de 1987,
nous ouvrit la voie en nous accordant sa confiance.
Jean-Luc Pouliquen
Compléments :
Compléments :
- Leis amics de Mesclum, éditeur des actes du colloque.
- Ce lien secret qui les rassemble, livre où a été repris mon texte sur Jòrgi Reboul.
- René Monteix sur Wikipédia.
- Ce lien secret qui les rassemble, livre où a été repris mon texte sur Jòrgi Reboul.
- René Monteix sur Wikipédia.
[1] N° 229-230 contenant un
dossier intitulé Niça niçarda.
[2] Il s’agit de son épouse.
[3]
Joseph d’Arbaud (1874-1950) est essentiellement connu pour son
chef-d’œuvre La Bestio
dou Vacares/ La Bête du Vacarès, 1926.
[4] Dictionnaire établi par
Frédéric Mistral de tous les parlers d’Oc.
[5] Editée par Albin Michel.
[6] Il faudrait ajouter le nom
de Robert Allan.
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