samedi 29 octobre 2011

Serge Bec, un poète provençal dans le siècle

En février 2010, nous avions consacré une chronique à Serge Bec en présentant son livre Femna mon Amor/Femme mon amour. A cette occasion nous avions fait mention de la journée qui lui avait été consacrée en avril 2009 par le département d'Occitan de l'Université Paul Valéry de Montpellier à l'initiative de Marie-jeanne Verny. Les textes des interventions qu'elle avait rassemblés par la suite viennent de paraître dans la Revue des Langues Romanes. Gérard Gouiran responsable de cette publication m'a aimablement autorisé à présenter dans ce blog de larges extraits de l'avant-propos où Marie-Jeanne Verny situe cette journée d'étude dans le contexte de recherche du département d'Occitan et présente le contenu des différentes interventions parmi lesquelles on trouvera la sienne portant sur une analyse très stimulante de la correspondance entre Serge Bec et Robert Lafont. Je les remercie tous les deux.


La journée d’études organisée en 2009 par l’équipe de recherches RedOc / LLACS autour de l’œuvre de Serge Bec, en présence de l’auteur, fut la deuxième initiative d’un programme pluriannuel sur la poésie d’oc des années 1930 à 1960. À la suite des suggestions de Philippe Gardy, il parut évident que les sources du renouveau poétique contemporain étaient à chercher dans cette période. Un premier colloque, en 2008, y fut donc consacré, dont la moitié des communications, centenaire oblige, étudièrent l’œuvre de Max Rouquette. Des regards furent aussi portés sur d’autres écrivains : Robert Allan, Jean Boudou, Charles Camproux, Gumersind Gomila, Denis Saurat, sur la revue Òc ou sur les anthologies, tant de la tradition mistralienne que du renouveau occitan[2]. Un deuxième colloque, en 2010, s'intéressa aux échos du trobar dans la littérature contemporaine, en particulier chez Max Rouquette, Miquèu Camelat, Prosper Estieu, Paul-Louis Grenier, Jeanne Barthès dite Clardeluno, Jean Boudou, René Nelli, et Robert Lafont. Les Actes sont en cours d'édition, dans une collection qui devrait regrouper les travaux sur la réception des troubadours du Moyen Âge à l'époque contemporaine[3]. Depuis ces premières initiatives, les travaux se sont poursuivis : Jean-François Courouau a édité Denis Saurat[4] ; Philippe Gardy a publié des traductions de Lorca par Max Rouquette[5], une étude de la poésie de René Nelli illustrée par un choix de textes et s’est intéressé, dans un numéro de la revue Lenga e Pais d'òc[6] aux débuts poétiques de Robert Lafont ainsi qu'à son travail critique dans les Cahiers du Sud, où l'accueillit Jean Ballard grâce à l'entremise de René Nelli[7] ; l’œuvre poétique complète de Robert Allan (texte établi et annoté par Marie-Jeanne Verny) doit paraître prochainement aux éditions Letras d’òc...

La personnalité de Serge Bec, un des poètes occitans contemporains les plus féconds, jusqu'en ce début du XXIe siècle, et ses débuts poétiques dans les années 50 nous ont paru mériter qu'on lui consacre une journée spéciale, en attendant la réédition des premiers recueils dont il est ici question, devenus introuvables. Ces premières œuvres répondent en effet à l'analyse que faisait Philippe Gardy dans l'introduction des actes du colloque de 2008 :

Entre le début des années 1930 et la fin des années 1950, rien ne change au fond, et cependant tout se modifie dans ce territoire d’écriture dont les dimensions demeurent néanmoins modestes. Des héritages sont là, très présents, parfois trop, juge-t-on. Il en va ainsi du mistralisme et du Félibrige, dont l’ombre, que certains commencent à juger stérilisante, s’est étendue sur toutes les formes d’écriture occitane, et d’abord poétiques. Pour résumer : on admire Mistral, assez uniformément, mais on refuse l’héritage qu’il a pu laisser, à son corps défendant souvent. Et l’on est enclin à se rebeller contre une tradition qui consisterait avant tout à répéter, plus ou moins servilement, et à se conformer aux leçons les plus convenues héritées des générations antérieures.

Comme d'autres poètes d'oc de Provence, à commencer par Robert Lafont lui-même, le jeune Bec fréquenta d'abord des cercles félibréens, avant de prendre violemment son autonomie, avec son compère et voisin Pierre Pessemesse. En témoigne sa correspondance avec Robert Lafont, dont cette lettre de 1954 : « Il faut soulever la croûte et racler la chair une fois pour toutes. Il faut faire saigner !... » qui est à peu de choses près la traduction littérale d'une formule de l'introduction du recueil Li Graio negro cosigné Pessemesse, Bec et Max Fayet : « Fau grafigna la rusco, metre la plaga au viéu e faire sauna... ».

Le premier article, signé de Philippe Martel, fait l’histoire de cette période de durcissement des conflits entre les deux camps qui allaient désormais s’opposer pendant des décennies, tout en tentant périodiquement des rapprochements. Martel n’oublie pas cependant le contexte plus large des « temps qui changent », contexte historique « riche en péripéties » entre guerres et mutations sociales, techniques et mentales, qui marque l’entrée en littérature du jeune auteur. La fin de la période étudiée correspond à la confrontation avec la guerre d’Algérie, celle qui ne voulait d'abord pas dire son nom, et qui obligea Bec, en 1957, à quitter la femme aimée, ce qui nous a valu des cris d'amour déchirants adressés à « Anna l'amor ».

C’est à une autre forme de mise en contexte que se livre Jean-Claude Forêt qui propose une lecture de la trajectoire poétique de Bec lui-même, depuis les premiers textes publiés jusqu’aux plus récents, soit une vingtaine de recueils, à partir des deux motifs poétiques principaux qui parcourent l’œuvre : La femme et le pays. Forêt suit, de recueil en recueil « cet itinéraire de parole » après avoir analysé la continuité poétique de ces grands motifs, que croise souvent la hantise de la mort. Bec est replacé à la fois dans la continuité du joi d’amour des troubadours et dans la perspective du surréalisme (Breton, Éluard, Aragon) auquel s’ajoute l’influence de Char.

C’est à partir d’un autre angle d’attaque que Philippe Gardy situe dans son temps l’œuvre de Serge Bec : il la met en parallèle avec celle de son presque contemporain Yves Rouquette, tous les deux témoignant des « retours du lyrisme dans la poésie d’oc des années 1950 ». L’analyse de ces deux voix poétiques, toutes deux lyriques, mais dans des tonalités très différentes, s’éclaire du recensement minutieux de leurs sources possibles ou clairement revendiquées, de la description du contexte éditorial dans lequel sont publiées leurs ouvrages et de leur réception.

Autre éclairage encore, celui que nous apporte le dépouillement de la correspondance croisée entre Serge Bec et Robert Lafont. On y découvre les coulisses où se bâtissait l’entreprise éditoriale de la poésie occitane de ces années 50, une entreprise dans laquelle Lafont jouait un grand rôle ; il ne servait pas seulement de conseiller linguistique et littéraire avant l’édition mais également de critique après celle-ci. On y découvre aussi les sentiments intimes du jeune Bec avant qu’ils ne soient voilés / dévoilés) par leur expression poétique : enthousiasme amoureux et douleur presque physique de l’absence de l’être aimé…

Cette qualité d’une expression presque physique des sentiments doit beaucoup au foisonnement des images poétiques et à leur surgissement inattendu. On comprend mieux l’art du poète après l’étude précise des métaphores que conduit presque avec minutie, Paul Peyre, un fin connaisseur de l’œuvre du poète.

Cet ensemble d’éclairages sur l’œuvre de Bec et son contexte se complète d’un témoignage, celui de Jean-Luc Pouliquen, lui-même poète, critique et éditeur, à qui l’on doit un ouvrage de conversations croisées entre Bec et Manciet[8]. Il nous livre ici ses souvenirs personnels de son compagnonnage poétique et éditorial avec Serge Bec...

Marie-Jeanne Verny
LLCAS
Université Paul-Valéry
Montpellier III


[2] Voir Philippe Gardy et Marie-Jeanne Verny, Max Rouquette et le renouveau de la poésie occitane : la poésie d’oc dans le concert des écritures poétiques européennes (1930-1960). Presses Universitaires de la Méditerranée (Université Montpellier 3), collection « Études occitanes », 2010.

[3] Dans le cadre d’un programme pluriannuel (2010-2014) intitulé « La réception des troubadours, XIIIe-XXIe siècle », coordonné par l’université de Toulouse II-Le Mirail (UTM), associant les universités d’Aix-Marseille, Barcelone (Universitat Autònoma de Barcelona, UAB), Bordeaux III (Université Michel de Montaigne), Gérone (Universitat de Girona, UdG), Montpellier III (Université Paul Valéry, UPV) et Pau (Université de Pau et des Pays de l’Adour, UPPA). Coordination générale assurée par Daniel Lacroix (UTM) et Jean-François Courouau (UTM).

[4] Denis Saurat, Encaminament catar, P. U. du Mirail, « Interlangues », Toulouse 2010.

[5] Federico García Lorca,

- Romancero gitan, Version occitana de Max Roqueta, editat per Felip Gardy, Toulouse, Letras d’òc, 2009.

- Poèma dau Cante Jondo seguit de Planh per Ignacio Sánchez Mejías e de Divan dau Tamarit, version occitana de Max Roqueta, Edicion establida per Felip Gardy, Toulouse, Letras d’òc, 2010

[6] Lenga e País d’òc, n° double 50-51, CRDP Montpellier, 2011.

[7]Philippe Gardy, René Nelli, la recherche du poème parfait suivi de René Nelli, Choix de poèmes, Carcassonne, GARAE /Hésiode, 2011.

[8] Jean-Luc Pouliquen, Serge Bec, Bernard Manciet, Entre Gascogne et Provence. Itinéraire en lettres d’Oc, Aix-en-Provence, Edisud, 1994.

Complément :

- le site de la Revue des Langues Romanes

samedi 22 octobre 2011

Yves Olry & les éditions Color Gang

Nous poursuivons avec cette chronique notre présentation de l'univers de la poésie et de l'écriture. Aujourd'hui nous donnons la parole à un éditeur à qui Enan Burgos, déjà accueilli dans ce blog, a posé quelques questions épineuses...


Salah Stétié, Enan Burgos et Yves Olry au festival Voix Vives de Sète en juillet 2011

CINQ QUESTIONS ÉPINEUSES POUR YVES OLRY

1 - Vos livres édités, par le choix des formats inusuels, le travail graphique souvent très, très noir, leurs paginations à contre-sens, l’impertinence des textes choisis, leurs titres dithyrambiques et ceux des collections qui les accueillent, témoignent d’une quête de rébellion contre la tyrannie du « beau », des rituels trop souvent gluants et ankylosants liés au monde de l’art et de l’édition ? Suite à ce portrait, la question que s’impose est la suivante : êtes-vous un éditeur révolutionnaire ?

« Un pays qui prend Bernard Tapie pour un entrepreneur, Bernard-Henri Lévy pour un philosophe, Jacques Attali pour un penseur, Claire Chazal pour une journaliste, Alain Minc pour un économiste, etc. ne peut s’étonner d’avoir Nicolas Sarkozy comme président de la République » (Philippe Meyer sur France Culture - septembre 2011). Dans ce pays d’opérette j’apparais quelquefois comme un éditeur révolutionnaire, j’entends souvent aussi « résistant ». / les résistants que j’admire sont morts ou en prison … / moi je n’habite pas dans ce pays là / j’habite ailleurs / dans mon pays les vrais héros n’ont pas vu la fin de la guerre… / je fais juste mon travail / celui d’éditeur / comme j’imagine qu’il doit se faire / sans plus / juste le mieux possible / avec les moyens dont je dispose / c’est tout / pas révolutionnaire / pas résistant / peut-être simplement libre…

2 - Il a circulé récemment par Internet une vidéo étonnante en espagnol, entre parenthèse, c’est vous-même qui me l’avait envoyée. Dans cette vidéo l’auteur avec ironie et humour détourne le code publicitaire utilisé par les promoteurs du livre électronique en faveur du bon vieux livre imprimé sur papier… J’ai comme l’impression que vous, en tant qu’éditeur, vous adhérez au parfum de nostalgie qui se dégage de cette vidéo ?

J’aime comprendre… / la typographie je comprends très bien comment ça marche / j’ai appris le métier pendant quatre ans avec un maître d’apprentissage / j’aime également l’informatique / j’ai possédé tous les modèles de Mac depuis leur mise sur le marché / j’adore me servir d’internet et je ne peux pas passer quatre jours sans consulter ma messagerie / mais j’utilise cet outil comme un singe : je tape sur la touche jaune et j’obtiens une banane / je tape pomme P et ça imprime / je sais m’en servir / mais je ne comprends pas comment ça marche / régulièrement je remplace mes machines par d’autres machines plus performantes / régulièrement je remplace mes imprimantes par d’autres imprimantes parce que la connectique a changé / régulièrement je suis obligé de remettre à jour mes logiciels / l’informatique représente pour moi un asservissement aux fournisseurs de matériel, aux fournisseurs d’accès, aux fournisseurs d’énergie et aux marchands d’encre (on dit que le prix d’un litre d’encre pour imprimante se situe entre 800 et 2500 €) / les contraintes sont les mêmes pour le livre numérique, liseuse et autre tablette / j’habite un monde où il y a trop de tout (y compris trop de livres) / trop de gaspillage / l’expression développement durable a sans aucun doute été inventée par une agence de communication / le recyclage est une foutaise qui ne fait que favoriser la rotation toujours plus effrénée des produits de consommation / je remplace mes ordinateurs tous les deux ans alors que la plus jeune de mes presses typo a 45 ans / elle tourne comme une montre et ne nécessite aucune mise à jour / juste de la graisse de temps en temps / la typographie est un procédé lent / artisanal et peu onéreux / prix du papier + temps / et c’est tout / mon ordinateur contient environ 2 000 polices de caractères et je sais que ma vie s’arrêtera bien avant que je les découvre toutes… / c’est déprimant… / en typo je possède peu de polices / peu de matériel / j’aime les contraintes de cette économie de moyens / ça pousse à l’invention / alors si je suis nostalgique c’est avant tout de cette indépendance là / et des livres bien fait… /.



3 - Cette troisième question va à la rencontre du médiateur culturel que vous êtes, puisque au passage, il s’avère important de signaler que vous avez plusieurs cordes à votre arc : peintre, graveur, sculpteur, création graphique, scénographe, Maître Compagnon dans l’art de la composition typographique et des techniques de l’impression. Vous travaillez également pour le secteur culturel institutionnel, puisque vous êtes responsable de la mission culture de la Ville de Grigny dans la Région Rhône-Alpes près de Lyon. Vous y menez une politique culturelle avec panache, dont un des soucis primordiaux est de démocratiser la culture. Après cette longue introduction, j’essayerai d’être bref : le monde tourne aujourd’hui d’une telle façon que même la culture n’échappe pas aux assauts pervers de la mondialisation, le citoyen est devenu un consommateur, l’art et la culture un produit de consommation. « Le client est roi », dit-on. Devant une telle débâcle, la vieille idée de révolution culturelle vous semble-t-elle d’actualité ? Et si oui comment vous y prenez-vous dans votre rôle de médiateur pour y parvenir ?

Plasticien depuis toujours l’occasion m’a été donnée d'occuper un poste de DAC / de passer de l’autre côté en quelque sorte / le côté du « pouvoir » / de simple artiste j'étais promu au rang de « décideur » / c’était aussi l’occasion de découvrir un autre monde / celui de la mairie et de son fonctionnement compliqué / et puis ensuite les tentatives de faire se rencontrer les deux mondes / celui de l’artistique que je connaissais bien et celui de la mairie que je découvrais petit à petit / grâce à la volonté politique et le soutien de l’équipe municipale en place, de nombreuses opérations ont été menées : symposium de sculpture, concerts de quartier, ateliers du livre, installation d’artistes sur une ancienne friche industrielle, expositions etc / je suis persuadé qu’avec une réelle volonté politique, l’action reste possible / les problèmes apparaîtront avec la mise en œuvre des réformes territoriales / la culture restera-t-elle compétence communale ? / j’en doute / dans les services communication on retrouve des professionnels de la com / alors qu’autrefois on pouvait y croiser des artistes / la technocratie n’épargnera pas le domaine culturel / en attendant la débâcle, comme vous dites, je fais ce qui reste encore possible de faire.

4 - Venons à votre maison d’éditons COLOR GANG, parlons de ses collections. Cinq en total : Chantier, Exercices, Luminaires, têtards, Urgences. Sont-elles reliées par un fils conducteur où chacune suit-elle son chemin propre ?

La collection URGENCES regroupe des textes dont la ligne éditoriale pourrait être d'engager le débat public (Jean-Yves Picq, Perrine Griselin, Claire Rengade, Patrick Dubost, Sébastien Joanniez… ) 
La collection EXERCICES regroupe des textes de pratique théâtrale à destination des établissements scolaires, des conservatoires… Petites Pièces à géométrie variable contient des extraits des pièces de Jean-Yves Picq ainsi qu'un texte intégral : Donc. Dans ces pièces le texte n'est pas toujours associé à des rôles précis. Leur géométrie est variable car ils peuvent être joués à 2, à 3 comme à 15… Petites Pièces à pupitre contient de courts textes à pratiquer de Jean-Yves Picq. Les deux titres de Sylvain Renard Allô et Haut Débit destinées aux adolescents font également partie de cette collection. Allô est recensée dans un manuel scolaire (français, livre unique, 4ème, éditions Nathan).La collection LUMINAIRES rassemble les textes poétiques (Samira Negrouche, Enan Burgos, Michel Thion, Brigitte Baumié, Pierre Soletti…), TETARDS les textes jeune public et enfin CHANTIER tout le reste, l’inclassable… Au regard de ces critères les textes d'un même auteur peuvent se retrouver dans l'une ou dans l'autre collection / on peut dire qu'elles fonctionnent comme des tiroirs / un système de classement.

5 - Votre maison d’édition COLOR GANG, depuis ses aurores, a été connue par son esprit de découverte, son engagement vis-à vis des auteurs jeunes ou peu connus du grand public, éloignés de chapelles et de tendances à la mode… Depuis, certains sont devenus célèbres sur la scène poétique en France, je pense en particulier à Patrick Dubost. J’ai pu constater également, la récente publication dans la collection "Luminaires", d’un poème du poète franco-libanais Salah Stétié : Eros gramophone, une des voix vives les plus connues du paysage hexagonal et international de la poésie… Une question me taraude, la présence d’un tel nom dans votre catalogue est-elle le signe d’une nouvelle ère qui s’ouvre pour COLOR GANG, ou bien le symptôme d’un certain assagissement ?

La fabrication d’Eros Gramophone m’a été proposée par Enan Burgos qui avait envisagé avec Salah Stétié la publication du texte accompagné de ses peintures originales / j’en ai tout simplement assuré l’édition et la réalisation en typographie / Color Gang se promène, fait des rencontres en chemin… / au hasard de ces rencontres un nouveau nom vient s'inscrire au catalogue / mais ça reste rare / avec une dizaine de textes de Jean-Yves Picq, six de Claire Rengade, un septième en cours de Perrine Griselin, cinq de Patrick Dubost, trois de Sylvain Renard, trois de Michel Thion etc, je pense accompagner avec fidélité quelques auteurs que j'aime bien / j'ai l'impression que la route de Color Gang reste droite / tout le reste n'a pas grande importance…


Compléments :

- le site personnel d'Yves Olry

- le site des éditions Color Gang


samedi 15 octobre 2011

Poésie au collège - IV


Je suis le soleil, j’éclaire la terre
Je n’aime pas les nuages qui m’empêchent de la réchauffer

Je vois la tour Eiffel
J’entends la musique
J’ai goûté à la fierté


El Dorado

Mes yeux regardent l’univers, je regarde ma famille avant de partir
Ma main va ouvrir la porte du bonheur
Ma bouche mange quelque chose qui est le fruit de la bonté
Mes oreilles écoutent les bons conseils des miens
Mes pieds marchent vers le chemin de la vérité ou de la liberté
Mon nez sent une odeur de bonté ou de délivrance

Mes yeux regardent l’univers, je regarde ma famille avant de partir
Ma main va ouvrir la porte du bonheur
Ma bouche mange quelque chose qui est le fruit de la bonté
Mes oreilles écoutent les bons conseils de mes parents et des autres
Mes pieds marchent sur le chemin de la vérité ou de la liberté
Mon nez sent une odeur de bonté ou de délivrance

Pierre Kervengee

Sahara

Je suis le Sahara, j’ai très chaud et je n’ai pas beaucoup d’habitants.
J’ai le soleil et les palmiers qui donnent de très bonnes dates.
Je n’ai pas beaucoup d’animaux qui respirent avec moi, je n’ai pas de neige mais j’ai du sable qui est jaune le matin, blanc comme l’argent à midi, rose comme une fleur le soir.
Je n’ai pas de mer mais j’ai de l’or noir.
Je suis le Sahara et je suis fier de moi.

La guerre

Je vois les chars les pistolets et les militaires, j’entends le bruit des fusées et les cris des gens.
Je sens la forêt qui brûle et l’odeur du sang.
J’ai touché les morts qui ont défendu leur pays.
J’ai goûté à la guerre.

Poésie

Avec mes yeux, je vois tout, ils sont ma caméra, avec eux je peux différencier les choses, je ne peux pas vivre sans.
Avec mes mains, je peux attraper, je peux manger et écrire et malheureusement je ne peux pas vivre sans elles.
Avec mes oreilles j’entends la musique, le bruit du vent, le souffle des arbres et des animaux. Je ne peux pas vivre sans elles.
Avec mon cœur je vis, parce que c’est le plus important même s’il ne va pas bien, je le protége et il m’emmène plus loin. Quand je vois mon amour, mon cœur bat fort, je ne peux pas vivre sans lui.

Bilel Nadjma


Je suis

Je suis la nature.
Je suis la lumière quand je joue.
Je suis bien quand je travaille à l’école.

Yanis Laiche


Mes yeux

Avec mes yeux je peux lire les livres
Avec eux, je capture la pensée
Avec mes yeux, j’ai vu les choses que j’aime et celle que je n’aime pas.
Mes yeux donnent le soleil à mon cœur,
Ils donnent la lumière à ma vie

Phonnongluang Suttichok

samedi 8 octobre 2011

Poésie au collège - III


Je suis un ordinateur
Parce que je raisonne comme un ordinateur

Je suis un livre
Parce que je parle bien français et mongol comme un dictionnaire

Je suis un lion
Parce que je cours très vite

Je suis un singe
Parce que je suis très fort

Enkhbayar Batmuk



Pourquoi la haine est tout près des hommes ?
Pourquoi détruire au lieu de s’unir ?
Pourquoi les hommes torturent leurs frères ?
Pourquoi le racisme dans le monde ?

L’école

Je vois les élèves
J’entends la sonnerie
Je sens la craie
J’ai touché au casier
J’ai goûté à l’union


Je suis la lumière
Et j’éclaire
Les personnes de bonne volonté

Les personnes qui brillent
Sont dans la vie

Briller avec l’esprit
Briller avec le cœur
C’est mon devoir
Pour perfectionner ce monde.

Josue Eloko Moughiga


Pourquoi

Pourquoi le soleil est-il jaune ?
Pourquoi la terre est-elle ronde ?
Pourquoi j’aime la plage ?
Pourquoi y a-t-il de la violence dans la vie ?

Je suis :

Je suis un bateau, je transporte le monde sur la mer, je suis tout le temps sur la mer, je découvre le monde, et je voyage tout le temps.
Je suis un avion, je suis presque tout le temps dans le ciel, je voyage beaucoup et tout le monde me connaît.
-Je suis une calculatrice, j’aide le gens à résoudre les équations mathématiques et je suis très efficace.

Le départ

Je vois une valise
J’entends le bruit des avions
Je sens la tristesse
J’ai serré mon billet
J’ai goûté à la peur

Mon corps

Me yeux voient les secrets et la beauté du monde
Sans eux, je ne verrais jamais cette merveille.
Mon cœur garde mes secrets, il bat fort en voyant les gens que j’aime
Sans lui, il n’y a pas de vie.
Mes oreilles écoutent les conseils que l’on me donne,
Avec elle, j’entends de belles musiques et le chant des oiseaux chaque matin.

Imene Bellacel


Dans la mer mes yeux voient des algues
Ma bouche attrape des algues
Ma main touche les dauphins
Comme ils sont beaux
Mes jambes courent, parce que les requins vont me dévorer



Quand je sens l’odeur du pain en passant là-bas, j’ai très faim.

Je touche la poignée du métro. Dans le métro, ça me fait transpirer.

Je ne goûte rien.

Jiacheng Huang


Je suis

Je suis une fleur. Je veux de l’eau et les rayons du soleil.
Je suis très belle. Je m’appelle Rose.
Le soleil arrive et je m’épanouis le matin.
Je suis rouge.
Tout monde s’intéresse à moi.
Je prends toute la place.
J’aime les papillons parce qu’ils viennent à moi.
C’est très beau.

Le jardin

Je vois les plantes et les poissons.
J’entends les oiseaux et les feuilles qui bruissent dans l’air.
Je sens le parfum des fleurs.
Je goûte les fruits.
J’ai touché à la sérénité.


Mes pieds sont partis vers l’église, et ma main a ouvert la porte.
Ma bouche ne parle pas mais mon cœur écoute : j’entends tout

Merin Anton Yeyakhumar

samedi 1 octobre 2011

Poésie au collège - II


Pourquoi ?

Pourquoi la pluie est-elle froide ?
Comment flottent les nuages ?
Pourquoi les humains n’ont-ils pas de queue ?


Je suis…

Je suis un papillon qui se presse pour se nourrir.
Mon cœur est tout petit, mais je sais qu’il ne s’envolera pas.
Mes couleurs se déplacent à chaque fois que je bouge.
C’est pour cela que je suis si brillant…


Je suis une oreille qui entend toute la journée.
Je dis des choses bien, mais parfois pas du tout.
Je communique avec ton cerveau.
Ton cœur. Et tes mains.
Ils sont tous très malins.
Comme toi.
Ils ont tous du cœur
Comme toi.
Tu es là avec moi et, je t’entends…

J’ai touché ton cœur. Il était doux et moelleux.
C’est une aventure pour moi de le toucher car je n’ai jamais touché un cœur.
Pas le tien…

Louise Plasterie


Pourquoi…

Pourquoi mange t-on trois fois par jour ?
Pourquoi le Soleil et la Lune ne peuvent-ils pas être là en même temps ?
Pourquoi décide t-on des choses qu’on peut faire ou ne pas faire ?
Pourquoi les dinosaures sont-ils morts ?


Je suis…

Je suis la pluie, je continue à tomber du ciel sur la Terre à la vitesse des larmes.
Je vois le paysage du monde en cinq secondes.
Je ne peux pas penser, sentir par la vue.
J’espère pouvoir le voir encore et je tombe sans cesse.
Je rêve. J’imagine.
Mon espoir n’arrête pas de courir.

Je suis un crayon.
Je suis de la même taille que les autres.
Je vis à l’inverse des autres personnes. Je ne grandis plus. Je deviens plus petit qu’avant.
Je mets des pistes en utilisant mon corps qui disparaît.
Je m’abîme petit à petit sans ressentir de tristesse.
Je ne pense jamais que je suis pauvre. Ce n’est pas nécessaire.
Je suis fier de moi-même.


Je suis la chanson sans parole.
J’apporte le bonheur mais parfois la tristesse à ceux qui m’entendent.
Ce n’est pas moi qui choisis. Ce sont ceux qui m’écoutent.
Si quelqu’un vit une journée triste, je lui donne de la tristesse, si quelqu’un a passé une journée heureuse, je lui offre le bonheur.
Moi, je suis très irréelle. Je donne de l’émotion selon l’humeur de chacun.
En fait je peux m’appeler le serviteur de l’âme.
Je suis content de partager l’émotion.


Je suis un nuage. Je ressemble à une barbe à papa.
Tu peux tendre tes mains vers moi sans jamais m’attraper.
Tu peux t’endormir avec moi sans jamais me toucher.
Ce n’est pas moi qui bouge dans le ciel. C’est le vent qui me porte.
Parfois il est en colère contre moi alors il me pousse jusqu’à la fin du ciel sans que je puisse réagir…
C’est pour ça que je pleure parfois.
Quand tu me vois de la Terre, je me transforme comme tu m’imagines.
Je peux porter ton rêve.
Je me trouve entre la Terre et le Soleil ou la Lune. J’écoute tout le temps ce qu’ils me racontent.
Selon leurs paroles, je pleure, je ris, je me fâche, je disparais…

Mes pieds sont mon transport. Ils m’amènent où je veux aller et parfois là où je ne veux pas aller.

Mes yeux sont mon meilleur appareil de photo.
Personne ne peut sentir mon regard, parce qu’il n’y a que moi qui l’aie dans ce monde.
Je prends les photos de ma vie grâce à lui.
Je ne peux pas prendre de vidéo, je peux prendre des photos à la suite mais je ne peux enregistrer, je ne retiens que des instants.
Réfléchis : peux-tu allumer une vidéo passée ?
Moi non, mes souvenirs sont faits d’instants.
Je pense que toi aussi tu ne te souviens que des scènes de ta vidéo.
Alors je prends des photos de ma vie juste pour moi.
Avant de mourir, je vais sortir des photos de mon appareil.


Le trajet de l’école à la maison.

Je vois des personnes qui rentrent comme moi et des pigeons mystérieux.
Je ne sais pas du tout ce qu’ils pensent.
Très mystérieux.

J’entends des conversations personnelles, à la fermeture de la porte du métro,
paroles de mendiants.

Je sens la compassion, la fatigue et l’odeur du pain lors du passage des correspondances du métro.
Quand je sens l’odeur du pain en passant là-bas, j’ai très faim.

Je touche la poignée du métro. Dans le métro, ça me fait transpirer.

Je ne goûte rien.

Jung Su Kim


Je suis :

Je suis ton sourire
Je suis celle qui réchauffe ton cœur
Je suis celle que tu aimes

Je suis celle qui hante la nuit de l’autre côté de ta fenêtre
Je suis le bruit que tu hais et parfois celui que tout le monde admire
Je suis le hibou de tes cauchemars

Je sens :

Je sens ses poils sur mon visage,
Mon nez commence à me chatouiller,
Mes yeux restent fermés pour sentir ce moment le plus longtemps possible.
Mon cœur se réchauffe à son odeur et sa présence près de moi
Que j’adore mon vieux chien lupin

Karen Parisot


Pourquoi :

Pourquoi ne peut-on pas faire tout ce qu’on veut ?
Pourquoi n’est-on pas tout le temps heureux ?
Pourquoi la violence existe t-elle ?
Pourquoi perd-on tout ce qu’on aime ?

Je suis :

Je suis le soleil qui donne l’espoir au gens
Je suis la paix qui arrête les guerres
Je suis ma mère qui m’aide constamment
Je suis l’eau sans laquelle on ne peut pas vivre


La fleur

Je vois la rose
J’entends les papillons
Je sens l’odeur douce
J’ai touché ses pétales
J’ai goûté à la beauté


Mes yeux sont partis ailleurs
Mes yeux voient ma famille
Mes yeux rêvent

Nesrine Soltani



Mes yeux
Grâce mes yeux, je vois ma mère.
Grâce à mes yeux, je vois ma vie.

Mes mains
Grâce à mes mains, je touche mon frère.
Grâce à mes mains, je touche et je mange.

Mes pieds
Grâce à mes pieds, je vais vers mon futur.

Alli Abbes