samedi 31 mars 2012

Le n°2 de la revue Chiendents

Au mois de décembre dernier, j'ai eu l'occasion de présenter le n°1 de la revue Chiendents. Luc Vidal m'a fait l'amitié de me consacrer le n°2.
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J'ai été heureux de pouvoir mettre en couverture, le portrait qu'a réalisé de moi Jacques Basse. On trouvera à l'intérieur un entretien avec le philosophe et musicien brésilien Gaspar Paz autour de mon parcours à la fois géographique et poétique. Son regard d'outre-atlantique sur la poésie française contemporaine met en relief des aspects de notre culture qui habituellement nous échappent. Laure Dino, Luc Vidal et Michel Capmal rendent compte ensuite de mes trois derniers livres : Mémoire sans tain, Ce lien secret qui les rassemble ainsi que Le poète et le diplomate. Si le premier et le dernier ont déjà été présentés dans ce blog, Ce lien secret... n'a pas encore fait l'objet d'une chronique. J'y parle des poètes qui ont marqué mon itinéraire comme René Guy Cadou, Jean Bouhier, Edmond Humeau, Jòrgi Reboul, Bernard Manciet, Daniel Biga pour ne citer qu'eux ainsi que de mes expériences d'ateliers d'écriture. Le dossier se poursuit par un texte inédit sur Rio de Janeiro où je m'étais rendu en 2003. Il est complété par des extraits de poèmes et une petite notice bio-bibliographique. Suivent les notes de lecture habituelles de la revue et ce beau poème de Cadou intitulé Celui qui entre par hasard. Ce cahier n°2 est disponible par correspondance pour le prix de 3 euros + 2 euros de port soit 5 euros. Format A5 , 40 pages. A commander aux Editions du Petit Véhicule.


Complément:

-Présentation du numéro sur le blog du Petit Véhicule

samedi 24 mars 2012

Les Amis de la Tour du Vent

Dans le prolongement des trois chroniques précédentes, voici une présentation de la revue AVEL IX éditée par Les Amis de la Tour du Vent qui ont su avec bonheur prolonger l'action entreprise par Théophile Briant pour servir au plus juste la poésie.

Lorsque j'ai reçu ce numéro 25, je me suis tout de suite senti en bonne compagnie me rappelant ces années où, dans le bureau-bibliothèque de Jean Bouhier, il me faisait découvrir tous les authentiques foyers de poésie avec lesquels il était en contact à travers la France. Quelque chose a changé depuis dont il faudrait trouver la cause : la perte du sens du bien commun ? Le tout subvention qui a supprimé la générosité et le désintéressement ? Le débat est lancé. En tout cas se plonger dans la lecture d'AVEL IX, c'est sur 80 pages participer à un moment intense de poésie. Le thème du numéro est : Voyageurs... Nomades... Itinérants.
Il commence par un voyage à travers l’œuvre de Christian Charrière, ce romancier poète trop tôt disparu. Il continue par une étude sur la poésie d'Armand Robin (1912-1961) puis par une belle réflexion de Lorand Gaspar sur la relation Nomades/Sédentaires. Suit une petite anthologie de poèmes reprenant le thème du dossier. Il est complété par différentes notes de lectures sur des livres et revues s'inscrivant dans la même constellation poétique que Les Amis de la Tour du Vent. Plus qu'une revue, AVEL IX est le témoignage d'une société d'amis tournée vers une création ouverte et exigeante.

Complément :

- Le numéro est vendu 16 € à commander à l'Association des Amis de la Tour du Vent, 87, avenue John Kennedy - 35400 Saint-Malo - Tél. 02 99 40 26 96

samedi 17 mars 2012

Le souvenir de Théophile Briant - III

Avec cette troisième et dernière chronique, nous pouvons mesurer le rôle de découvreur que joua Théophile Briant. J'ai déjà eu l'occasion de dire que ce lien entre générations était indispensable pour l'avancée de la poésie. Ce qui est intéressant pour nous, qui avons beaucoup parlé dans ce blog de l'Ecole de Rochefort, c'est de remarquer que parmi les poètes qu'édita Jean Bouhier, plusieurs furent encouragés par Théophile Briant. Citons René Guy Cadou, Luc Bérimont, Alain Borne mais encore Pierre Garnier auquel j'ai déjà rendu hommage. Ainsi se dessine par delà le temps une fraternité poétique aux racines profondes et glorieuses.

Remise du prix Le Goéland à la brasserie Lipp

Les prix du Goéland, décernés à Rennes, puis chez LIPP à Paris, auront une notoriété certaine. Théophile BRIANT découvre et révèle la voix franche et fraternelle de CADOU, celle amoureuse et douloureuse d’Alain BORNE, l’érotisme amer de BÉALU, la destinée fulgurante de Georges ALEXANDRE, la générosité verbale de BÉRIMONT, l’extrême sensibilité de la jeune aveugle Angèle VANNIER… BRIANT, malgré sa virulence (Le Goéland-corsaire, disait affectueusement CADOU, n’hésitait pas à stigmatiser les « faussaires » de la poésie) fut vraiment le Saint-Vincent-de-Paul des poètes, ses chers goélandeaux. « Ne me dites pas que j’ai du mérite, répondait-il, c’est à la fois ma vocation et ma destinée ».

Outre ses éditoriaux, Th. BRIANT a écrit des poèmes, rassemblés dans deux volumes intitulés « Premier recueil » et « Deuxième recueil » de poèmes. Grand lecteur, il était un bon critique et a excellé en préfaçant les recueils de jeunes poètes, en multipliant les conférences et en rédigeant deux biographies magistrales de SAINT-POL-ROUX et de Jehan RICTUS (il projetait d’écrire sur CÉLINE qui le réclamait comme biographe). Admirateur de la Bretagne, terre de ses ancêtres et d’écrivains, il publia « Les Pierres m’ont dit », rencontre des ombres errantes de CHATEAUBRIAND à Saint-Malo et à Combourg, de LAMENNAIS à la Chênaie… et un roman, « Les Amazones de la Chouannerie ». La destruction de sa ville-à-l’ancre en août 1944 lui arracha l’hymne funèbre à Saint-Malo dévasté, illustré par X. de LANGLAIS. « Ici, c’est feue la cité corsaire. C’est la ville assassinée, c’est la gisante au péril de la mer. C’est la baie des pierres trépassées ! (…). La pierre bâtie revient au menhir ». Son « Testament de Merlin », œuvre de longue haleine, véritable testament spirituel et littéraire, ne fut publié qu’après sa mort.

Son aventure terrestre prend fin le 5 août 1956 ; victime d’un accident de voiture – un véhicule qu’il conduisait d’une façon toute particulière pour faire « toucher les épaules aux vieux Saturne ce Krono-maître » - il décède peu après.

samedi 10 mars 2012

Le souvenir de Théophile Briant - II

Avec cette deuxième chronique, nous allons découvrir une publication au service de la poésie comme il n'en existe plus. Nous avons déjà insisté dans ce blog, au travers des revues Incognita, Oc, La Passe, Chiendents, sur le rôle déterminant de ces parutions pour entretenir le feu poétique. Avec Le Goéland, Théophile Briant nous montre comment on pouvait pleinement l'assumer et lui donner son sens le plus fort.


Cette profonde transformation s’accompagne de l’élaboration d’une œuvre, de l’accomplissement d’un véritable sacerdoce poétique. Deux ans après l’installation à la Tour, c’est en effet le lancement du Goéland dont le premier numéro d’une longue série s’envole le 22 juin 1936, solstice d’été. Publication originale qui participe à la fois du journal et de la revue, Le Goéland paraît d’abord tous les quinze jours, puis tous les mois, enfin quatre fois l’an. Mais par sa présentation et son esprit, il s’apparente bien à un journal. La composition ne varie guère : un éditorial rédigé par BRIANT lui-même sur des thèmes essentiels (la pierre, les nombres, le feu, la mort, l’or…), de nombreux poèmes, des articles de critique et d’actualité littéraire et artistique, des documents inédits de grands écrivains, enfin, en dernière page une revue de presse. Le tirage oscille entre 1500 et 2000 exemplaires pour une diffusion étendue, avec des interruptions entre 1939-42 et 44-46. En tout, 120 numéros.

Chevalier-servant de la poésie, tel est le rôle assigné au Goéland : « cette feuille volante est un acte de poésie, une croisade, elle appelle les âmes ». Car Th. BRIANT se fait l’idée la plus haute de la poésie et du poète son médium.

La poésie est un besoin essentiel dans un monde matérialiste ; c’est même « la seule réalité qui vaille de vivre ici-bas » lit-on dans le premier numéro, au ton de manifeste. Quant au poète, véritable guide ou missionnaire, c’est « un homme qui voit plus clair et plus loin que les autres, qui connaît au dernier carat le prix de chaque vie humaine ». Il est en fait « le phare suprême de l’humanité en perdition, le dernier indicateur, qui montre par delà le tunnel de la sottise et de la cruauté la terre promise de la Sagesse et de l’Amour ». Servir la poésie, c’est aussi la défendre : Le Goéland est un journal de combat, aboyant sans relâche contre « l’idiot, le salopard et le faussaire ».

Les sympathies de Th. BRIANT vont d’abord à CORBIÈRE, NERVAL, VILLIERS, HUYSMANS, BARBEY, BLOY, dont il publie des inédits et qu’il contribue à faire (re)connaître en dévoilant certains aspects méconnus, grâce à son complice René MARTINEAU. Il défend de grands poètes amis, dénigrés comme Max JACOB, ou ignorés comme MILOSZ qu’il n’hésite pas à qualifier de « plus grand poète vivant » en lui consacrant un numéro spécial en 1938. Mais la place la plus large au sein du journal et dans son cœur, il la réserve aux jeunes poètes, sans nul doute en souvenir de son fils unique Xavier, mort tragiquement en 1937. Tâche plus difficile encore, d’autant que Le Goéland est très exigeant : il demande certes des poètes mais « pas des rimailleurs égrotants mais des bâtisseurs de monde » dans la lignée des grands frères cités plus haut. « Il n’y a qu’un moyen de connaître les poètes de son temps. C’est de les chercher. Il n’y a qu’un moyen de les trouver. C’est de les aider à vivre » assurait BRIANT. C’est donc pour leur donner la première place mais aussi pour leur éviter le sort de leurs aînées et donc combattre le postulat imbécile de marginalité maudite que Le Goéland – dont « l’Amour et la Foi guident les vols de reconnaissance » offre son aile protectrice aux jeunes poètes.

samedi 3 mars 2012

Le souvenir de Théophile Briant

Au mois de décembre dernier nous avions évoqué le souvenir de Paul Desjardins en mettant en lumière l'esprit qu'il avait réussi à insuffler aux rencontres de Pontigny. Nous continuons aujourd'hui cette approche des personnages du passé qui ont toujours à nous enseigner, en nous intéressant à Théophile Briant. Notre intérêt est renforcé par le fait que la dernière chronique de Michel Capmal se situait à Saint-Malo, là-même où vécut Théophile Briant. Ajoutons encore que nous avons parlé tout récemment de Chateaubriand au travers du livre de Michèle Serre consacré au réalisateur Jean Périssé. Cette évocation de Théophile Briant n'aurait pas été possible sans Béatrix Balteg et Les Amis de la Tour du Vent que je remercie vivement de m'avoir transmis les textes et les photos que l'on trouvera dans cette chronique et les deux autres qui suivront.




En 1936, s’ancra en terre malouine un havre de poésie : la Tour du Vent, ancien moulin côtier, surtout un phare, véritable poste avancé de la poésie. De cette demeure entre ciel et mer, le veilleur des lieux, Théophile BRIANT, fit briller pendant vingt ans une flamme poétique d’une rare intensité à travers Le Goéland, « feuille de poésie et d’art ». L’oiseau des tempêtes s’était donné pour mission de faire rayonner la poésie sur tous les fronts, sous toutes les formes, sur nos pays d’Ouest et bien au-delà des mers. « Gardien d’un phare en Occident », en cette Bretagne qu’il avait choisie et reconnue après une impasse parisienne, Théo, comme l’appelaient affectueusement ses nombreux et célèbres amis, réhabilita les poètes « maudits » et surtout découvrit, encouragea, aida et publia de nombreux jeunes qui comptent aujourd’hui parmi les plus belles voix de la poésie française contemporaine et nous lègue une œuvre personnelle à découvrir.
Th. BRIANT naît en 1891. Enfance à Fougères, études de droit à Paris. Il y ouvre dès 1920, après son mariage, sa première galerie d’art (exposition-vente de toiles de maîtres et de peintres modernes, de manuscrits littéraires, édition d’ouvrages de luxe…). Il fréquente alors le Tout-Paris des peintres, des écrivains, des musiciens, du spectacle et noue des amitiés solides avec COLETTE, Max JACOB. Réussite brillante mais éphémère. Difficultés matérielles certes mais surtout remise en cause profonde, véritable crise d’identité. « Je paie mon désordre, ma vie de hasard, mes inconséquences, mes erreurs (…) Paris est une catastrophe au ralenti, un émiettement, un tournis, un asile de fous bien élevés, une vivisection, un précipité, une ébullition ».
En 1934 il décide de couper les ponts et de répondre à l’appel du large à l’instar de SAINT-POL-ROUX. Théophile s’installe à la Tour du Vent pour « la solitude, la clarification, la mise à nu, la mise à jour, l’essai royal, la cure d’étoiles, d’air pur et de nuit celtique (…). J’ai compris devant la grande leçon du ciel et de la mer bien des choses que je n’avais qu’imaginées ». Cette maison, composée d’un ancien moulin et d’un corps de garde réunis par une vaste bibliothèque, est hautement symbolique pour son occupant qui s’identifie pleinement à elle. « Cette vieille demeure bretonne, ancrée entre terre et mer, est faite pour moi comme je suis fait pour elle (…) une maison est comme un vêtement ». BRIANT cultivera jusqu’à la fin son image de chevalier de la Tour du Vent drapé dans sa pèlerine, qui a fortement marqué les habitants du pays malouin.
Compléments :
- la première photographie montre Théophile Briant devant La Tour du Vent. Sur la seconde, il est avec Colette. Sur la troisième, prise devant le manoir de Saint-Pol Roux à Camaret, il est en compagnie de ce dernier et de sa fille Divine. Rappelons pour l'occasion que Théophile Briant est l'auteur du Saint-Pol Roux de la collection "Poètes d'aujourd'hui" de Pierre Seghers.