Avec ce quatrième tome de son anthologie Visages de poésie Jacques Basse accroît encore les dimensions de ce que l’on peut considérer comme un véritable phénomène dans la vie poétique française de ce début de XXIe siècle.
Penser que chaque volume contient cent portraits de poètes, que chacun de ces portraits a été dédicacé par le poète lui-même, et que celui-ci est complété par un poème souvent écrit à la main par son auteur, auquel s’ajoute une note biobibliographique, nous fait mesurer le caractère inédit de l’ouvrage.
Il fallait vraiment aimer les poètes pour se lancer dans une telle entreprise et la mener sur une distance aussi longue. Elle témoigne d’une constance qui est révélatrice des liens profonds qui relient Jacques Basse à la poésie. Il est d’ailleurs intéressant de se rappeler qu’à l’origine celui-ci s’était intéressé à des personnalités du monde politique, scientifique, médical ou culturel sans préférence particulière. Ce n’est qu’au fil des portraits qu’il s’est rapproché de la communauté des poètes, s’y sentant en bonne compagnie, peut-être même parmi les siens, ut pictura poesis…
La nature même de ce projet d’anthologie, renforcée par l’approche graphique de l’auteur, a permis à ce dernier d’occuper une position particulièrement intéressante dans le paysage poétique français. Il est parti sans a priori passant d’un poète à l’autre en suivant le mystérieux réseau des amitiés et des affinités. Ainsi, son voyage dans l’écriture s’est doublé d’une découverte des territoires où celle-ci avait pris corps. C’est le gage pour nous d’une restitution complète de l’activité poétique actuelle dans notre pays.
Pour réaliser une telle restitution, en plus des qualités artistiques, des qualités humaines étaient nécessaires. Il fallait beaucoup de générosité et une exceptionnelle capacité d’accueil. C’est une évidence de dire qu’aujourd’hui tout cela aurait tendance à manquer.
Sur un autre registre, celui de la critique littéraire, Gaston Bachelard exerça ses talents dans un esprit similaire. Ses livres de poétique fourmillent de citations empruntées aux recueils que lui adressaient les poètes de son temps. Et beaucoup doivent leur postérité à ce choix que fit un philosophe peu soucieux des hiérarchisations et plus sensible à la qualité d’un vers ou d’une image qu’à la renommée de son auteur.
Si nous n’avons pas encore le recul du temps sur l’anthologie de Jacques Basse, nous pouvons déjà dire que lui aussi s’est laissé guider par l’influx poétique qu’il ressentait au contact de son interlocuteur. À notre tour nous devons le rechercher pour atteindre cette restitution complète de la création poétique qui ne peut à l’évidence être contenue dans l’écriture d’un seul poète, si prestigieux soit-il.
Aussi, à travers tous ces visages, c’est le visage de la poésie qu’a dessiné Jacques Basse, un visage qui change au gré des heures, de la lumière qui l’éclaire, de l’univers qui l’entoure. Et c’est en prenant le temps d’y poser notre regard, de nous en approcher, de nous en éloigner puis d’y revenir, avec la même bienveillance enveloppante de l’artiste, que nous aurons quelques chances d’en capter les mystères.
Jean-Luc Pouliquen
Compléments :
- L'ouvrage est vendu 25€ à commander aux éditions Rafael de Surtis, 7 rue Saint-Michel, 81170 Cordes sur ciel.
- Jacques Basse a également fait paraître chez le même éditeur dans la collection "Pour Une Terre Interdite" un émouvant recueil de poésie intitulé La Courbe d'un Souffle.
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