Luc Bérimont dont nous avons parlé à l'occasion de la sortie de la revue 303, nous a donné l'occasion d'évoquer les relations qui existent entre la chanson et la poésie. Dans les archives de l'INA, indiquées plus bas, on pourra retrouver un débat au cours duquel il veut montrer à Georges Moustaki ce qui différencie les deux modes d'expression. A sa manière, Michèle Serre reprend ici ce sujet pour rappeler ce qui demeure le bien propre de la poésie. Nous n'en gardons pas moins une tendresse pour tous les interprètes d'une véritable chanson poétique, elle aussi réduite à la portion congrue.
De la poésie et de la chanson
Voici des années, il était de bon ton de proclamer la mort de la poésie et le triomphe inéluctable de la chanson. Seule, elle pouvait assurer et assumer la diffusion du courant poétique de notre époque ! Seule, elle était susceptible d’atteindre le peuple !
Qu’en est-il aujourd’hui ?
« La chanson est poésie » affirme-t-on de tous côtés !
Toute la poésie ? Et en ce cas, pourquoi continue-t-on à écrire des poèmes qui ne seront jamais chansons, qui ne seront peut-être jamais lus ou connus ?
Quand on sait le peu d’audience des livres de poèmes, la mise à l’écart (volontaire ou involontaire) des poètes de la vie de la cité, le pari dangereux des rares éditeurs de poésie, nous dirons que dans notre bonne société occidentale, il est tout simplement suicidaire de continuer à n’écrire que de la poésie ; car enfin, cette reine exilée, non seulement ne passera pas les ondes du petit écran, mais fera toujours écran à notre désir de paraître !
Faite pour le silence, le secret, la pause du temps, la flânerie lente et interminable, au contraire de la chanson, éphémère, passionnée, instinctive …
Certes, la chanson peut-être poétique, celles de Brassens le sont indéniablement, mais lui-même se nourrissant des poètes du passé, affirmait le caractère intemporel de la poésie.
La poésie, c’est le face à face avec nous-mêmes, avec la nature, avec les autres et ce face à face se poursuit inlassablement, sans brisures, à travers les pays et les siècles.
Elle n’a nul besoin « des trompettes de la renommée » c’est pourquoi aujourd’hui, elle subit l’exil mais elle n’est point morte.
La chanson est partage direct, communication facile et émotionnelle ; elle est la sœur la plus conviée de toutes nos fêtes. Pourtant, lorsque l’écho de celle-ci faiblit et s’éteint peu à peu et qu’il ne nous reste alors que la nostalgie, on a envie de se tourner vers la poésie, sœur plus étrange, moins facile à apprivoiser et dont le mystère est toujours aussi grand.
« Chaque jour dit le Renard au petit Prince tu t’assoiras un peu plus près de moi… »
Ainsi s’adresse à tout homme la poésie, tissant avec nous des liens fortement humains et irremplaçables.
Cette longue patience qui monte en nous comme la sève dans l’arbre, est source de bien des joies, de déchirantes confrontations. Mais une fois qu’on l’a connue, on ne peut l’oublier sans mourir.
Michèle Serre
Quelques pas avec Michèle Serre :
Michèle Serre découvre très tôt la poésie et obtient des prix littéraires aux Jeux floraux de Perpignan (institution très vivante dans les années 60). Cette participation lui permet des rencontres avec d’autres poètes français et catalans mais aussi étrangers notamment Léopold Senghor et Maurice Carême.
Après des études littéraires elle rentre dans une vie professionnelle mais poursuit une expression personnelle sous la forme de poèmes et de nouvelles. Très impressionnée par le livre de Roger Caillois et Jean Clarence Lambert sur le Trésor de la poésie universelle, elle entreprend une recherche approfondie sur les poètes du passé mais aussi sur la poésie actuelle française et étrangère.
Elle publie alors dans des anthologies de poésie aux éditions St Germain des Prés. Malgré des sollicitations elle n’accepte pas cependant les publications à compte d’auteur. Très vite consciente des difficultés d’édition de la poésie, elle crée avec son mari Pierre Sentenac (artiste peintre) des manifestations de poésie-peinture, ce qui lui donne l’occasion d’une mise en valeur de ces deux expressions dans des catalogues.
En 1991, ils concrétisent un projet d’édition confidentielle de livres d’artistes : Le Bien-Vivre, et poursuivent cette tâche jusqu’à aujourd'hui.
Cette édition leur permet d’intégrer d’autres créateurs avec un intérêt particulier pour les livres d’enfants mais aussi à travers une collection : « Passeurs du temps », un approfondissement poétique des chemins de la création de quelques poètes et artistes, le dernier en date : Hartung, un éclair dans la nuit.
La diffusion des livres s’effectue à travers des expositions mais aussi une participation aux salons de poésie notamment à Lodève durant les Voix de la Méditerranée. (Contact Michèle Serre et éditions Le Bien-Vivre : pierresentenac@orange.fr)
Compléments :
- A ses débuts notre groupe des Cahiers de Garlaban a travaillé avec le chanteur Jean-Jacques Boitard qui avait mis plusieurs de nos poèmes en chansons :