Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 28 juillet 2012

Mots et couleurs à la recherche de la lumière - IV

Nous terminons cette présentation de la recherche conjointe de Colette Gibelin et Françoise Rohmer en montrant quelques éléments de leur dernière réalisation.

Pour Sable et Sel , sous-titré Cantate pour deux voix, écrit à voix alternées par Jean-Marie Gilory et Colette Gibelin et publié aux éditions Sac à mots, Françoise Rohmer a réalisé une « mise en couleurs » de 14 peintures.

Lui,
d’espace et d’absence
entrevu dans les lointains du soir
comme une image qui s’imprime sur la rétine
puis se délite
À notre insu le monde s’est fermé
Notre terre a pris deuil
Lui,
déchirant la mémoire
Comment y croire encore

Lui,
d’attente et d’étrangeté
en des relents de vies extrêmes,
ou minuscules
Toutes les vies sont minuscules

Brins d’herbe,
poussières d’or
Nous sommes chasseurs de crépuscules, dit-elle

Lui, dans l’intermittence du cœur,
dans les allées venues du rêve et du rugueux,
les dissonances lumineuses
Pas d’avant
Pas d’après
juste l’éclat féroce des pavots

Dans la lumière de midi,
ocre et rousse, fiévreuse,
je serai l’éblouie,
la fervente
J’aurai la mémoire des astres
Je mènerai ma barque
bien au-delà des vagues
parmi les flamboiements de roches ou de dunes,
dans l’intense et le pur

Après l’averse,
j’aurai des arcs en ciel
si bouleversants,
qu’il les devinera,
peut-être, à l’autre bout du monde
J’en nourrirai son rêve

Ce qu’il faudrait, dit-elle,
c’est parcourir le monde avec des mains
pleines d’espace,
traverser, cœur en liesse,
les orages étincelants,
et creuser dans le lit du temps
des sillons parfumés

Mais l’horizon s’est changé en frontière
Faudra-t-il renoncer à l’illimité ?
Gerçures violacées,
blessures pourpre, et traînées d’or,
les couleurs du couchant nous parlent de l’exode
et de chasseurs chassés
Nous sommes aux abois

Trop de souffrance pour aimer
Trop de regrets
Le passé se fait lourd
comme une armure

Ce qu’il faudrait, c’est n’avoir de mémoire
que pour le ciel et l’allégresse,
chanter les jours, non les compter
Il en reste si peu mais ils seront de braise
et de silence qui couve sous la cendre
et de simple espérance
dans l’aube quotidienne

Il n’y a pas de bois sacré,
ni d’anges, ni d’edens
Seuls quelques oasis en notre aridité
quelques scintillements dans les mots partagés

Et c’est assez pour vivre

(Poèmes de Colette Gibelin, Images de Françoise Rohmer)

Compléments :

- Contact Colette Gibelin : colette.gibelin@laposte.net
- Le site de Françoise Rohmer : http://francoiserohmer.e-monsite.com/

samedi 21 juillet 2012

Mots et couleurs à la recherche de la lumière - III

Le livre d’artiste intitulé Par delà toute nuit , poèmes de Colette Gibelin, peintures de Françoise Rohmer, a été réalisé en deux exemplaires seulement par les éditions Télo-Martius.

Chaque exemplaire intègre une peinture originale.

Accroché aux étoiles
comme une moule à son rocher,
un lierre grimpant clair,
cet espoir têtu
au front d’enfant rebelle

Apre lumière
Qui taillade la nuit
En longues traînées blanches

Bruissements
Vibrations
Les ailes du vent palpitent

L’obscur cherche le jour
Le fracas cherche le silence
Dans la patience de l’hiver
Un monde se prépare

Ce qui s’achève a goût d’étoiles
filantes dans la nuit
et paroles d’écume

Ce qui s’achève est saveur sur la langue
Sel et sucre confondus
Sang et sable
Tous les sucs
Toutes les sèves

Ce qui s’achève est longue marche
rompue
mais rayonnante

Nul ne peut retenir la lumière
Source et blessure
Elle coule et dévore le temps

Ce qui s’achève ne cesse pas
Ne cède pas

Ne refuse pas l’infini,
son goût d’ailleurs,
sa démesure
Il n’a pas de contours,
pas de marge où se taire
Il t’explose au visage
Il brûle dans tes veines

On dirait une plante qui s’acharne à vivre
par-dessus l’abîme
Pauvre est la terre, et caillouteuse
Sans limites est l’espoir
L’immensité des terres arides
renouvelle le regard

On dirait l’aube
On dirait le commencement de toutes choses
et, toujours,
leur incessant naufrage
dans les remous du temps

(Poèmes de Colette Gibelin, Images de Françoise Rohmer)

samedi 14 juillet 2012

Mots et couleurs à la recherche de la lumière - II

Dans Souffles et Songes , publié aux éditions Sac à mots, l’encre tourmentée de Françoise Rohmer répond au poème de Colette Gibelin.

Echevelé,
bousculé, secoué,
tous les vents s’y sont mis,
l’arbre résiste
Il s’accroche,
ne veut pas de la dérive des racines,
du grand remuement des branches arrachées
Il veut sa place, ici,
dans la roche dure qui l’enserre,
parmi ses semblables,
buissons et brins d’herbe
Il veut sa place,
archet tendu vers le ciel,
rêveur d’inaccessible
L’arbre
vacille parfois
La quête est douloureuse,
les oiseaux et les fleurs s’échappent
Le doute gémit en lui,
sifflement désespéré
Tous les vents s’y sont mis
Lumière,
pourquoi m’as-tu abandonné ?
Résister, résister,
entrer en dissidence
L’obscur ne triomphera pas

*
Dans la belle collection raffia des éditions Alain Benoit, consacrée à des poèmes sur les jardins, Françoise Rohmer a réalisé plusieurs encres sur papier pour accompagner le recueil de Colette Gibelin : Comme un chant de fontaine. En voici trois exemples :

Jardin d’hiver
Arbres cassés, souffrant sans cri,
sans geste
La neige règne sur l’univers

Un grand silence s’est figé
sur le chaos des branches
On a cessé de s’émouvoir

Une blancheur voluptueuse et tragique
engloutit la beauté du désastre,
immobilise les désirs

Où sont enfuis les temps tumultueux
où la sève tourbillonnait,
virevolte des couleurs et des songes ?


Nuit lente
éblouie de silence
Le vent traîne sur nous un regard de poussière
Il effleure les pétunias,
parle d’averses à venir

On voudrait retrouver les sables
et le vertige des étoiles
la délivrance et le feu clairvoyant

Premiers crocus
illuminant le jardin
comme une bouteille à la mer

Il faut y croire encore une fois
Même si l’espoir
n’est qu’un grand soleil fou
que la nuit, la goulue,
happera comme une huître

(Poèmes de Colette Gibelin, encres de Françoise Rohmer)

samedi 7 juillet 2012

Mots et couleurs à la recherche de la lumière

La recherche de la lumière est un axe fort qui traverse ce blog. Nous la retrouvons dans les poèmes que nous aimons mettre en ligne, les livres dont nous parlons ou plus explicitement encore dans les tableaux que nous montrons. L'exposition d'Enan Burgos se présentait comme un Journal intime de la lumière, un livre d'Annie Salager avait pour titre Travaux de lumière. Mais la lumière était encore présente dans les poèmes de Laure Dino, de Michelle Serre et les peintures de Pierre Sentenac ou de Douceline Bertrand. Aujourd'hui c'est une recherche conjointe que nous proposons puisqu'elle associe un poète, Colette Gibelin, et une plasticienne, Françoise Rohmer. Colette Gibelin a déjà été l'hôte de ce blog en novembre dernier. Toutes deux seront présentes dans ces pages tout au long de ce mois de juillet.


Françoise Rohmer, peintre, présidente de l’association Couleurs de la Méditerranée, et Colette Gibelin, poète née au Maroc, qui habitent le même village du Var, Camps la Source, ont souvent travaillé ensemble, cherchant à établir des correspondances entre leurs créations respectives, à mettre en résonance peintures et poèmes.
En voici un premier exemple.


Balbutiement du vivre
sur ces terres abruptes
Parole d’ombre ou de raisins trop mûrs
La mer se fait silence
Le silence soleil

Terres rousses
espérant un grand feu de joie
La vie surgit sur ces boues
et ces traces
De l’océan ne reste que l’écume

Terres brunes
entêtées d’absolu
refusant la douceur des pluies
et le miroitement des fleurs
Toute facilité détourne

Terres promises
dans la blancheur de l’aube
et le lent songe végétal
De ces matins qui chantent
faudra-t-il s’éveiller ?

Terres frémissantes et floues
Tous les chemins s’effacent
L’horizon s’est perdu
Le rêve seul tient lieu d’espoir


(Poèmes de Colette Gibelin, Images de Françoise Rohmer)

Complément :
- Colette Gibelin sera du 20 au 28 juillet l'invitée du festival Voix Vives de Sète.