Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 28 décembre 2013

En hommage à Pierre Sentenac

Au mois de septembre la présentation de l'exposition Collage en pays d'Oc avait été l'occasion de montrer qu'un blog pouvait produire des interactions entre différents créateurs et stimuler des initiatives. En l’occurrence, c'est l'exposition consacrée à Ghislaine Lejard qui avait aidé Frédéric Figeac dans son action pédagogique menée avec ses élèves autour du collage.
Aujourd'hui, nous montrons qu'un nouveau média ne supplante pas un ancien mais au contraire peut lui donner de la force. En effet l'exposition La tête dans les étoiles que nous avions consacré à Pierre Sentenac en août 2010 a donné naissance à un beau livre qui reprend les tableaux présentés ainsi que les textes qui les accompagnaient. S'y ajoutent d'autres éléments dont un entretien de l'artiste avec Michèle Serre et une approche poétique de Laure Dino, toutes les deux bien connues des lecteurs de ce blog.


Nous nous réjouissons de cette parution qui permet d'aller plus loin dans la connaissance d'un artiste discret et exigeant dont les recherches ont exploré à la fois les dessins à l'encre, les collages ainsi que le travail de la couleur. "Admirateur de l'ancienne civilisation chinoise, je crois à la nécessité d'une pratique de l'art dans un esprit de contemplation" confie Pierre Sentenac dans l'entretien tout en faisant part de ses affinités occidentales avec les Impressionnistes, Hartung, Soulages ou encore Tapiès. Mais c'est avant tout dans la relation espace/temps que se met en route chez lui la création. "Ainsi est-il primordial pour moi de saisir dans l'instant ce qui s'offre à moi d'une manière neuve à travers de multiples vibrations." explique-t-il en rappelant plus loin sa fascination pour le ciel avec "ses jeux de couleurs, ses turbulences et ses douceurs, ses rythmes aquatiques...".  C'est là qu'il trouve son plaisir de peindre qui : "surpasse tous les discours autour de la peinture. Quintessence du geste sur la page blanche."

Les espaces lumières, 1976, Huile/bois, 61x83

Complément :
- Ce livre de 58 pages, abondamment illustré d’œuvres de l'artiste, a été tiré à 100 exemplaires numérotés sur papier vergé. Il est vendu 20 € à commander à pierresentenac@orange.fr.

samedi 21 décembre 2013

Le n°30 de Chiendents

La revue Chiendents continue son chemin et j'ai pris du retard pour signaler des numéros concernant des poètes déjà présentés dans ce blog. Ce numéro 30 est consacré à Colette Gibelin et porte en sous-titre : "Entre doute et ferveur".


En voici l'éditorial :

Ce nouveau numéro de Chiendents consacré à Colette Gibelin nous invite à faire un bout de chemin avec une poète qui n'a pas renoncé au lyrisme.
Ce lyrisme, Henri Denis en montre, dans un long article introductif, la dimension ontologique. Les lectures qui suivent viennent compléter par petites touches cette vision d'ensemble et l'éclairer sous différents angles.
Anne Briet voit Dans la ferveur et le doute, un texte testament de grande portée. "Cette réflexion philosophique, métaphysique de l'aventure humaine n'est pas le moindre charme de ce long poème", notera-t-elle.
Chantal Danjou et Jean libis s'attarderont quant à eux sur Un si long parcours. "Fil d'une vie, biographie discrète et en même temps l'indicible que permet le poème, le secret, le silence qui courent sous le dit " remarquera la première. "Malgré le fleuve qui nous emporte nous ne cessons de recommencer. Et cela tu le dis avec une insistance qui me paraît fondamentale et qui se suffit à elle-même..." dira le second.
Puis Jacquette Reboul nous fera partager ses impressions sur Sable et Sel et écrira que "Sa beauté crée une joie incessante, elle émerveille". Comme elle, Roger Gonnet a aimé La grande voix lointaine dont il reconnaîtra que "C'est elle encore qui révèle l'universel, l'immensité qui reste en nous "même si tout s'effrite"".
Afin de goûter à notre tour à la poésie de Colette Gibelin, et de la suivre entre doute et ferveur, un choix de poèmes nous fera entendre sa voix discrète et profonde.

Complément :
- Ce n° 30 est vendu 3€ + 2€ de port, à commander aux Éditions du Petit Véhicule, 20 rue du Coudray - 44000 Nantes.


samedi 14 décembre 2013

Sofia en été

Après m'être attardé à plusieurs reprises sur la Turquie à travers sa poésie, je voudrais aujourd'hui parler de la Bulgarie. Durant l'été 2011, j'ai eu l'occasion de m'y rendre et ce séjour m'a inspiré un livre.


Voici comment Philippe Tancelin l'a présenté en quatrième de couverture :

Jean-Luc Pouliquen nous offre ici plus que des notes sur son voyage à Sofia en Bulgarie mais une série de tableaux vivants sur la ville, ses intellectuels, sa cuisine ; ses jardins et ses odeurs.
Gaston Bachelard est la mine de ce témoignage, Sofia, la surface des rencontres et dans l’intervalle du philosophe et de la ville, Liuba, personnage attachant et guide du poète qui sans cesse tisse la dramaturgie du voyage et du dialogue de l’auteur avec sa propre mémoire des lieux, des journées passées et de la menace persistante de cette échéance du retour sur Roissy.
Il y a dans ce texte une poétique du voyage dont l’auteur témoigne comme d’un bijou précieux dont on ne sait encore à qui on va l’offrir et nous lecteurs jusqu’à la dernière ligne, espérons en avoir été le destinataire privilégié.


Et comment Andrea Genovese en a rendu compte dans sa revue Belvedere :

Poète et critique littéraire, amoureux de Bachelard, Jean-Luc Pouliquen a eu la chance de participer à de nombreuses rencontres internationales autour du philosophe, en nouant des liens d’amitié avec quelques uns des participants. Entre ceux-ci Liuba, une femme russe, bulgarisée si on peut ainsi s’exprimer durant le régime soviétique, professeur de lycée, mariée avec un mathématicien informatique au chômage, deux enfants. C’est avec cette famille que Pouliquen passe quinze jours d’un mois d’août à Sofia. Il en a tiré un petit Journal plein de notations quotidiennes, qui s’élèvent souvent à des réflexions culturelles et politiques sur l’histoire millénaire de cette capitale, située à six cent mètres d’altitude aux pieds des Balkans et pas lointaine du Danube, au croisement de plusieurs civilisations, grecque, turque, thrace, romaine et autres, une plénitude tragique et vertigineuse d’invasions et de métissages. La religion orthodoxe rappelle à Pouliquen, à travers l’hérésie bogomile, les Cathares, son origine occitane, tandis que les banlieues lui rappellent son travail d’animateur culturel dans les banlieues parisiennes. Par une excursion à Plovdiv, cité très ancienne au cœur de la Bulgarie, on hume aussi le parfum des petits savons de la célèbre Vallée des Roses. Mais ce sont surtout les promenades dans les bois autour de Sofia à toucher l’âme poétique de Pouliquen, en compagnie de ses hôtes, dont il comprend, impuissant, les difficultés matérielles affrontées avec la fierté d’un peuple habitué depuis des siècles aux avatars de la vie. Dans tout le récit, timide et discret, court un sentiment d’amitié délicat et presque amoureux pour Liuba et son pays.

Compléments :
- Le livre sur le site de l'éditeur.
- Une lecture de Michèle Serre.

samedi 7 décembre 2013

Poésie de Turquie - V

Au cours de la dernière édition des Voix Vives de Sète, en juillet dernier, j'ai fait la connaissance de la poétesse Müesser Yeniay. Cette rencontre a été pour moi une manière de prolonger ce que j'avais vécu à Istanbul au mois de juin et dont j'ai déjà rendu compte dans ce blog. Müesser Yeniay incarne en effet la nouvelle poésie turque et je suis heureux de pouvoir l'inscrire aujourd'hui à la suite des poètes que j'ai déjà présentés.


Müesser Yeniay est née le 5 septembre 1984 à İzmir (Smyrne). Elle a étudié à l'Université d'Ege, est diplômé en langue et littérature anglaise. Elle a déjà reçu plusieurs prix de poésie dont le Prix Attila İlhan en 2007 ainsi que le Prix Ali Rıza Ertan en 2009.
Son premier recueil est paru en 2009. Son deuxième livre, J'ai construit ma maison sur les montagnes, publié en 2010, rassemble ses traductions de poèmes choisis à travers le monde. Sa dernière parution, en 2011, s'intitule J'ai redessiné le ciel.
Müesser Yeniay a traduit le poète persan Behruz Kia, avec le titre Requiem pour les tulipes. Elle-même a été traduite en français, anglais, arabe, hébreu, italien, espagnol, bosniaque et serbe. Elle a par ailleurs participé à plusieurs festivals internationaux de poésie en Bosnie-Herzégovine, Israël, Serbie, États-Unis et Inde.
Enfin, elle s'occupe de la revue de poésie Şiirden tout en continuant ses études supérieures dans le domaine de la littérature turque à l'Université de Bilkent. Elle est membre du Pen-Club ainsi que de  l'Union des Écrivains de Turquie.

Voici quelques uns de ses poèmes traduits par Claire Lajus :

Étrangère surtout à moi-même

Je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi

Je l’observe de ma nuque
de mes cheveux ses cheveux  de mes mains ses mains

les racines de mes mains sont sous terre
je suis au-dessus de moi-même une terre souffrante

combien de fois
j'ai laissé sous la pierre mon esprit opprimé

je dors pour qu'il se repose
je me réveille pour qu'il s'en aille
- que dois-je apprendre du sommeil-

je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi



A présent ne me parlez pas des hommes 


Je souffre tant que
je réveille les pierres souterraines

ma féminité
ma tirelire que l’on remplit de pierres un nid à vers,  à pics verts
descendant sur son corps,  tanière pour les renards,
de nouvelles graines sont parsemées sur mes bras
on recherche l’homme de sa vie, c’est un sérieux problème

ma féminité est mon hors d’œuvre
et mon aine la maison d’une absence le monde s’arrête là
bravo à toi qui t’y jette parmi ses déchets

en arrivant raconte-lui la chair se détachant de l’ongle vécu avec la science de l’arrachement
raconte-lui cette maladie sans pitié

dans vos regards sa chair a froid comme un agneau tondu
moi je ne vous suis pas redevable de l’utérus de votre mère, mon cher ma féminité, un continent usurpé
je ne suis pas non plus un champs à semer… creusez en mon corps cet organe que je n’ai pas si j’avais pu le faire glisser tel la mue d’un serpent vers le crime de ne pas être mère

ce que l’on divise n’est pas la patrie mais le corps des femmes à présent ne me parlez pas des hommes


Deuil originel

Être femme
signifierait avoir été envahi, mère

ils m’ont tout pris

une femme mon enfance  un homme ma féminité
que dieu ne crée pas la femme  dieu ignore l’enfantement
voilà les côtes de tous les hommes ont été cassées

notre nuque est plus fine qu’un cheveu
les hommes comme à un enterrement nous portent sur leurs épaules

nous avons été soumises

nous nous sommes envolées légères comme une plume d’un univers à un néant

même mes paroles sont la trace de leurs pas, mère.


 Complément :
- L'auteure sur le site de son éditeur.