Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 26 septembre 2015

Les premiers recueils de Serge Bec

Serge Bec a été souvent l'hôte de ce blog. En juillet 2014 nous avons rendu compte de ses récits fantastiques qui prennent leur source dans son Luberon natal. Mais Serge Bec est avant tout poète et c'est par la poésie qu'il a fait une entrée remarquée dans les Lettres d'Oc.


En juillet 2012 - j'ai tardé à en parler - les éditions Jorn ont eu la bonne idée de réunir en un seul volume ses premiers recueils. Il s'agit de Li Graio negro / Les Corneilles noires (1954), Cants de l'estre fòu / Chants de l'être fou (1957), Miegterrana / Méditerranée (1957), Memòria de la carn, seguit de Auba / Mémoire de la chaire suivi de Aube (1959-1960).
La grande originalité de Serge Bec est d'avoir introduit le surréalisme dans la poésie provençale  ce qui lui valut les incompréhensions des  Félibres et le poussa à s'éloigner de la graphie mistralienne pour adopter la graphie classique. Ce sera pour lui un déchirement dont il ne trouvera jamais l'issue définitive. Il règlera provisoirement la question en adoptant alternativement les deux graphies.
La période 1954-1960 couvre la rencontre de la femme aimée, le service militaire en Algérie en pleine guerre, tout cela étant vécu depuis ou loin de la terre natale. Ce socle d'inspiration qui a alimenté le lyrisme de l'auteur, traverse de part en part cette première partie de son œuvre. Il ne cessera par la suite de travailler en lui. La guerre du Viet Nam ou la guerre du Golfe qui ont fait suite à la guerre d'Algérie seront de puissants déclencheurs pour continuer à écrire son appel à vivre l'amour universel entre les hommes.
Complément :

samedi 19 septembre 2015

À L'ÉVEIL DU JOUR

Il y a peu nous avons accueilli dans ce blog Brigitte Maillard pour qu'elle nous fasse partager son expérience de "poésie au marché". A la fin de l'entretien, elle nous annonçait la sortie prochaine de sa dernière publication que j'ai reçue depuis.


Voici un livre d'une grande force à la fois humaine, poétique et spirituelle. Il s'agit d'un témoignage poignant qui relie la parole poétique et la réflexion à une expérience particulièrement difficile, celle de la maladie qui vient mettre la vie en jeu. Par trois fois celle-ci a livré ses assauts, l'auteure en a triomphé ce qui a libéré en elle : "Un appel à laisser tomber les masques, les histoires figées de nos vies humaines. Un appel à vivre la beauté". L'épreuve est approchée par tout ce qu'elle a permis de positif. Brigitte Maillard écrit : "Il y a quelque chose de mieux que la guérison, c'est découvrir la vie en profondeur." Au fil des pages, on lira des citations de poèmes qui sont venus éclairer et donner de la justesse à ce qui était perçu. Ainsi la poésie retrouve une dimension que les petits jeux sans conséquences de beaucoup de poètes contemporains avaient fait oublier. "Une langue est venue à ma rencontre. Elle m'a tirée vers l'inconnu, m'a tenue en haleine des nuits durant, avec le désir, l'amour, la mort, la souffrance jusqu'à ce que je rencontre "Le principe fondamental de ma vie" dirait Tagore". Un long poème termine ce livre d'espérance par ces vers : "Chanter sans faire d'histoires/ Fille au vent/ Chanter sans repos". 


samedi 12 septembre 2015

La revue Vocatif

Au mois de juin dernier j'ai parlé de la revue Vents & Marées. C'est dans les années quatre-vingt que j'étais en contact avec elle et dans cette même période, plus précisément en 1984 à La Garde, j'ai rencontré Monique Marta qui portait déjà son projet Vocatif. Il y a quelques semaines, elle a eu la gentillesse de me faire parvenir ce qui était alors sa dernière parution.


J'ai eu le plaisir de retrouver dans ce numéro l'esprit qui soufflait dans les pages de Vents & Marées. La poésie y est première sur le discours. Il s'agit de faire aimer des poètes à travers une présentation conséquente de leur œuvre. Cette fois-ci, c'est Brigitte Broc qui fait l'objet d'un copieux dossier introduit par Olympia Alberti. S'y ajoutent des poèmes de Patrick Devaux, Jean Lavoue, Ivan de Monbrison, Roland Nadaus, Bernard Perroy déjà accueilli dans ce blog, Etienne Poiarez et Evelyne Vijava. Quelques illustrations du peintre Annick Manbon-Lesimple les accompagnent. Monique Marta a tenu aussi à rendre hommage dans ce numéro à Jacques Kober récemment disparu.
"Un jour entier/ entre les lignes/ transmettre/ la blancheur, s'ébrouer/ dans les signes" écrit Brigitte Broc. Ses vers sonnent comme une invitation à parcourir les pages de ce numéro et à s'y sentir bien. Le suivant qui vient de paraître invite à un autre voyage puisqu'il est consacré à la poésie bulgare.

Complément :

samedi 5 septembre 2015

Poésie au marché

Ce blog aime parler des initiatives visant à donner à la poésie toute sa place dans la société. Il y a peu nous présentions les Parvis Poétiques de Marc Delouze. Aujourd'hui nous allons évoquer avec Brigitte Maillard sa tentative de mêler la poésie à la vie quotidienne en participant à des événements qui la rythment comme les marchés.

Brigitte Maillard au marché de Pont-l'Abbé en Bretagne - été 2015
Photographie de Sophie Denis

Brigitte, il y a chaque année à Paris, le marché de la poésie qui réunit Place Saint-Sulpice tous les éditeurs de poésie. Vous, vous avez choisi une démarche différente, la poésie au marché...

 L’une n’exclut pas l’autre. Mais il est vrai que je privilégie depuis deux ans ce mode de relation avec les lecteurs. C’est en région Bretagne que j’ai découvert cette pratique. Sur des marchés à thème d’abord (avec les poètes de Cornouailles et Les Éditions Sauvages) où se croisent auteurs, créateurs, artisans… puis sur les marchés locaux où se mêlent produits du terroir, fruits et légumes, vêtements, livres etc.

Cette pratique se développe dans nos régions, en lien aussi avec les nouvelles tendances de notre société, inventer des modes de vie alternatifs, chercher de nouveaux appuis en accord avec des valeurs plus essentielles.
 
Des poètes comme Jean Bouhier ou Jean Rousselot  voulaient que le poète soit au milieu du monde.

Le poète a fort à faire pour se remettre au milieu du monde, changer ses habitudes, "sortir du vase clos d'une oeuvre". Je pense à cette pensée de Joë Bousquet dans Le meneur de lune "On n'a pas à cristalliser la beauté dans le vase clos d'une œuvre, nous portons en nous la poésie de tout ce qui est manifesté, nous devons aider la beauté des choses à nous former une conscience poétique." Mais je m'éloigne du sujet !

Oui, tenir les deux bouts de l’histoire, de la richesse et de la pauvreté, de la vie et de la mort, c’est être vraiment « au milieu du monde. »  Comment faire œuvre de poésie sans cette attention ? Ma formation et ma pratique d’assistante sociale en protection de l’enfance m’ont transmis cette nécessité, impérieuse. Je découvre depuis peu, grâce à vous, ces poètes de l’École de Rochefort dont Jean Bouhier est le fondateur.
 

Il est réconfortant de constater qu'une manière de vivre en poésie se poursuit à travers les années. Serge Wellens, de la deuxième génération de Rochefort, animait avec son groupe l'Orphéon des soirées poétiques dans les années cinquante sous des préaux d'école en banlieue parisienne. Mais revenons à notre marché, quel type de rencontres vous a-t-il permis ?
 

Des rencontres heureuses et difficiles. Des rencontres, ces jours de marché, avec un public bien loin de la poésie. Certains s’arrêtent au mot poésie, à nos sourires, pour évoquer le souvenir de l’école, feuilleter le recueil. Beaucoup passent leur chemin. Ces mots de poésie, poème font souvent fuir (ainsi certains poètes préfèrent dans cette situation parler de textes) mais quand ils rapprochent, un dialogue inattendu et à rebondissement (dans la durée) peut s’instaurer. C’est la vertu des marchés, ils ont leur jour. Ils reviennent.

On parle et on écoute beaucoup, sans déclencher la vente du recueil. Pour que les liens se créent, il faut presque l’oublier et se dire qu’on est là, juste pour partager. Sur le marché, j’ai souvent l’impression de perdre mon temps. Et de vivre surtout le déni de poésie.

J’ai tant vécu ces difficultés d’accès à poésie/poème lors de ces marchés ou autres rencontres que je suis intimement convaincue aujourd’hui qu’il est nécessaire de prendre le temps de parler, en poète, l’acte poétique, l’acte qui conduit à l’écriture. C’est ce que je tente de faire avec mon dernier livre À l’éveil du jour.
 
Votre expérience finalement est un bon indicateur de la place qu'occupe aujourd'hui la poésie dans la société et dans les préoccupations de l'ensemble de la population. Dans le même temps elle renvoie le poète à sa condition ce qui peut être douloureux. Restent j'imagine des moments de grâce pour vous dire que l'expérience n'était pas vaine.
 

Oui grâce à elle …  L’expérience est un merveilleux guide ! Rien de tel pour sortir du connu ! Je crois, si je devais la poursuivre,  que je créerais une grande banderole pour attirer l’attention du passant : N’abandonnez pas la poésie aux poètes.  Nous sommes tous poètes dans l’âme (J’ai souvent entendu cette dernière pensée sur le marché.) Mais demeure essentiel de transmettre par la voix (de poésie), la force du poème. Et je me sens définitivement plus à l’aise lors d’un concert/lecture. Mais c’est un autre sujet. Merci à vous Jean-Luc.

Compléments :
- Monde en poésie, le blog de Brigitte Maillard.
- Présentation de À l'éveil du jour, Monde en poésie éditions, son dernier livre.