Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 25 octobre 2014

Le souvenir de Martins Correia - IV

Notre hommage se termine avec les derniers paragraphes débordant de poésie qu'a écrits Maria do Sameiro Barroso à propos de Martins Correia qu'elle a eu le privilège de connaître :

 L'art était la source et la vie dont il a parlé avec la passion, qui transfigure les chevaux, les champs, les moissons, les fruits, les femmes, les choses simples, par les lignes épurées de sa synthèse lumineuse.

Composition sculpturale

La vérité était le sang vert avec lequel il écrivait la sève et les fruits de la passion inquiète qui le dévorait. La matière, qu'il travaillait, brûlait dans les entrailles chaudes de l'argile, du bronze, précipitant et prolongeant la combustion de la vie. L'amour était une exaltation naturelle de la symbiose magique des choses transformées.

Composition sculpturale

Aux grands créateurs, tout est accordé. C'est pour cela qu'ils volent le feu, allument le geste prométhéen, apportent de la joie à l'homme, harcelé et blessé, prisonnier de limites qu'il s'est lui-même imposé.

Dessin (encre de Chine)

Pour ces raisons, l'art est thérapie, il s'inscrit dans le flux éternel, où les sources de l'être se créent et se renouvellent. L'art du Sculpteur Martins Correia a brisé le monde avec sa force, instaurant sa propre vision sereine, dépouillée, puissante, turbulente. Et les mots jaillissent des teintes qui nous imprègnent. Elles sont chair et poème, musique, périple et baume qui vivent en nous, dans la séduction suprême, la magie intemporelle des racines pures.

Sculpture en bronze polychrome - Musée municipal Martins Correia
Maria do Sameiro Barroso

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Martins Correia a exposé en France en 1991 à la Galerie Magellan située au 37 de la rue Richard-Lenoir dans le onzième arrondissement de Paris. Seule galerie portugaise au monde, cette galerie qui n'existe plus avait été créée par des entrepreneurs portugais préoccupés de l'image du Portugal auprès des Français. Elle était destinée à promouvoir des artistes plasticiens portugais, ainsi que ceux issus de l'immigration et visait à l'échange culturel entre les deux pays.

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 Et pour conclure, ce film afin de compléter notre présentation des œuvres de l'artiste : 



samedi 18 octobre 2014

Le souvenir de Martins Correia - III

Nous continuons notre hommage à Martins Correia avec la suite du texte que lui a consacré Maria do Sameiro Barroso :

 Comme il l'a dit dans son poème Cavalo branco, parfois la racine de l'herbe était blessée à cause d'une pierre. Alors des nuages d'échassiers volaient vers la terre bleue de Golegã et des chevaux, agiles et puissants, déplaçaient l'obstacle qui l'empêchait d'accéder à la lumière.

Pastel

Titanesque était son être, seulement réglé par l'ingénuité de sa force intérieure. Dans son regard, tout était digne, plastic et musical. Le monde était sublime et libre dans sa verticalité, fruit de sa synthèse pure de l'aventure intense et vive, atteinte dans la claire découverte de ses yeux qui pénétraient, retournaient et transformaient tout.

Anilina

L'univers était la dimension totale de ses formes qui se transmettaient par les contours, les fenêtres, les fragments, les poèmes du regard. La poésie était le centre et le sein qui réunit le passé, le présent, l'héritage classique et la sagesse, dans une tradition étonnamment rénovée et recréée.

Peinture (sans titre)

(à suivre)

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Martins Correia était aussi poète, voici le poème Cavalo branco qui a été évoqué plus haut. Il est extrait d'un recueil intitulé Poemas do Escultor Martins Correia paru en 1951 :


A raiz da erva estava ferida:
O sol do dia
não chegava lá,
por causa duma pedra
que ao lado da erva
tapava o sol de cá.

Mas um dia,
outro dia,
um animal,
cavalo branco,
de muita beleza,
tendo visto a erva presa,
tirou a pedra e pensou:

"O sol poderoso
nem sempre aquece
muitas vezes esquece
o que a terra gerou."


La racine de l’herbe était blessée :
Le soleil du jour
n’arrivait pas jusqu''à elle,
à cause d'une pierre
qui à côté de l'herbe
lui cachait le soleil.
 

Mais un jour,
un autre jour,
un animal,
un cheval blanc,
d'une rare beauté,
en voyant l'herbe prise

enleva la pierre et pensa :

"Le soleil puissant
ne réchauffe pas toujours

et oublie souvent
ce que la terre a engendré. "


Martins Correia

samedi 11 octobre 2014

Le souvenir de Martins Correia - II

Pour continuer à cheminer avec Martins Correia, voici un texte qu'a écrit à son sujet Maria do Sameiro Barrosa. Il a pour titre O universo do olhar : périplo, poema, e bálsamo c'est à dire L'univers du regard : périple, poème et baume. Je l'ai traduit en français et l'auteure qui possède parfaitement notre langue en a assuré la révision. En voici les trois premiers paragraphes :

L’œuvre du sculpteur Martins Correia interpelle, inquiète, fascine, paralyse. Je l'ai rencontré au début des années 90 et j'ai suivi son périple depuis ses expositions, à partir de son atelier, ou à travers les images qui me revenaient  de ses sculptures signalant une présence portugaise à Goa, au Japon, au Brésil, à Terre-Neuve. C'étaient des sculptures géantes où se réfugiait son inquiétude et se posait sa légèreté.

Statue en bronze de Camões à Goa

Dans son œuvre immense défilaient des personnalités de notre histoire, littérature, médecine et diplomatie. Plus près et plus loin, les gens simples moissonnaient, vivaient, chantaient, les nymphes descendaient à nouveau sur la terre et les dieux revenaient dans les nouvelles couleurs de ses formes, moulant des mythologies secrètes, des végétaux, des champs, des villes.

Pomona, sculpture en bronze polychrome, station de métro de Picoas (Lisbonne)

Lentement, se dévoilaient aussi ses toiles, ses panneaux, où  il a pratiqué avec maestria la grammaire des rêves et a introduit la magie primitive, la pulsion tellurique, dans la contrainte de la couleur, de l'harmonie de la forme, en donnant voix et volume à nos valeurs, aux nôtres.

Femmes du peuple

(à suivre)

samedi 4 octobre 2014

Le souvenir de Martins Correia

Nous nous sommes déjà intéressé à la sculpture à travers la personne de Jean Bercy. Durant tout ce mois d'octobre nous allons évoquer cette fois le souvenir du sculpteur portugais Martins Correia. Cette réalisation n'aurait pas été possible sans l'aide de Maria do Sameiro Barroso, récemment présentée dans ce blog, ainsi que le soutien d'Elsa Martins Correia, sa fille. Je les remercie chaleureusement toutes les deux pour l'occasion. 


Martins Correia est né en 1910 à Golegã où se trouve aujourd'hui un musée qui lui est consacré. Il est mort à Lisbonne en 1999. Il a suivi son cursus secondaire à la Casa Pia de Lisbonne dans laquelle il sera plus tard professeur, il est aussi titulaire d'une licence de sculpture de l’École des Beaux-Arts de Lisbonne où il enseignera également la sculpture.


Autoportrait 

De 1936 à 1963, il est professeur dans l'Enseignement technique professionnel. Il commence à exposer en 1938. C'est en 1940 qu'il obtient le prix Nacional da IV Missão Estética de Viana do Castelo qui sera le premier d'une série de distinctions qui consacreront Martins Correia comme un des grands sculpteurs portugais contemporains. En 1990, le Président de la République, Mário Soares, lui remettra le titre de Grande Oficial da Ordem de Santiago Espada. Il a réalisé de nombreuses commandes publiques représentant de grandes figures historiques de son pays. La vidéo qui suit nous détaille les étapes de son parcours :