Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

jeudi 17 octobre 2024

En souvenir de Jean Rousselot

 Il y a peu j'ai rendu hommage à Marcel Béalu. Comme lui, Jean Rousselot fait partie du premier cercle de L'École de Rochefort. C'est par Jean Bouhier, dont il était le frère en poésie, que j'ai fait sa connaissance.

La première fois que j'ai vu Jean Rousselot, c'était à Lyon en 1986 où l'association Poésie-Rencontres avait organisé des manifestations autour de L'École de Rochefort. Je l'ai retrouvé ensuite à Agen en 1991 pour un des nombreux événements qui accompagnèrent le cinquantenaire de L'École de Rochefort. Quelques années après je conduisais Jean Bouhier dans le Luberon pour qu'il revoit son compagnon de la première heure sur son lieu de vacances. Le poète provençal Serge Bec comptait aussi parmi les invités et les échanges furent chaleureux et nourris durant le déjeuner qu'Yvonne Rousselot avait préparé avec amour.

Une autre fois encore je profitais d'un séjour à Paris pour rendre visite à Jean Rousselot dans sa demeure de L'Étang-la-ville en bordure de la forêt de Marly. J'en rendrai compte dans mon livre sur La Goutte d'Or, évoquant son amitié avec Max Jacob qui habita un temps Boulevard Barbès.

Une correspondance et l'envoi de ses livres dédicacés complèteront ces rencontres. Jean Rousselot restera jusqu'au bout cet homme fraternel, attentif à l'autre et à la souffrance humaine.

Dans un volume de la collection Poètes d'aujourd'hui, André Marissel a brossé de lui un portrait fidèle, complété par un choix de ses poèmes.

On retrouvera les éléments qui composent ce portrait racontés par Jean Rousselot lui-même dans une émission de radio. Il y sera question entre autres de son enfance et de sa jeunesse à Poitiers, de sa rencontre avec Louis Parrot, de son action dans la Résistance, de son amitié avec Max Jacob qu'il essaiera de soustraire aux griffes des Nazis, de ses compagnons de Rochefort, en particulier de René Guy Cadou, mort pratiquement dans ses bras, d'une vie entière d'engagements et de poésie.


En 1976, Pierre Seghers publiera un important volume préfacé par Alain Bosquet rassemblant quarante années de poésie de l'auteur. On y trouvera notamment son grand poème Juin écrit en novembre 1942 dans la nuit de l'Occupation.


Compléments :
- La jeune génération lui a manifesté sa reconnaissance, en particulier Jean-Noël Guéno avec son livre Jean Rousselot, un poète à l'écoute des hommes et du monde (éd. Info-Poésie, 1985), François Huglo avec Jean Rousselot ou la volonté de mémoire (Le Dé bleu, 1995) et Christophe Dauphin avec Jean Rousselot, le poète qui n’a pas oublié d’être (Le livre du centenaire, éditions Rafael de Surtis, 2013).

mercredi 11 septembre 2024

Un poème de Maria do Sameiro Barroso

Il y a tout juste dix ans, je présentais dans ce blog Maria do Sameiro Barroso. poète su Portugal. Je suis heureux aujourd'hui de donner à lire un de ses poèmes inédits. Dans l'intervalle, Maria n'a cessé d'écrire et de suivre un parcours en poésie particulièrement riche qui a trouvé un écho dans de nombreux pays. Ainsi en 2020, elle a reçu le Prix du Concours International de poésie de l'Académie Européenne des Sciences, des Arts et Lettres (AESAL).

Maria do Sameiro Barroso lors de la remise du Prix décerné par l'Académie Européenne des Sciences, des Arts et Lettres, à Paris, au Palais du Luxembourg en 2020.

Rappelons encore que Maria do Sameiro Barroso est médecin, germaniste et poète multilingue, traductrice, essayiste et chercheuse en littérature portugaise et allemande, en traductologie et en histoire de la médecine. Elle est membre d'honneur de l'association Alia Mundi de Serbie et ambassadrice pour l'alphabétisation et la culture de l'Asim Sasami Indonesia Global Writers d'Indonésie, Présidente intercontinentale des pays de langue portugaise de l'Unión Hispanomundial de Escritores (E.H.E). Elle est devenue Docteur Honoris Causa par la Prodigy Life Academy (États-Unis). Elle est enfin l'auteure de plus de 40 livres de poésie, publiés au Portugal, Brésil, en Espagne, France, Serbie, en Turquie, Belgique, Albanie, aux États-Unis, et auteure également de traductions et de livres d'essais. Ses poèmes sont présents dans plus d'une centaine de revues et anthologies nationales et internationales, publiées dans plus de trente langues, résultant de sa participation à des festivals de poésie et à ses activités internationales


Mais place au poème :

OBSCURAMENTE

                                O mundo não é verdadeiro, mas é real.

                                                              Fernando Pessoa

A tua vida é um longo poema, um romance com muitos capítulos, um livro que nunca se fecha. Habitas nas lendas para além do tempo. És fiel ao teu corpo, às tuas entranhas, és fiel às manhãs de veludo, aos figos doces, às maçãs de Abril.

És um poema, intenso e longo como um vinho, habitas entre trevos selvagens, lapidários enigmáticos, colecções de borboletas exóticas. És o cinzel da noite, livre e fiel aos teus calendários de sonho e brisas serenas.

Oiço os teus passos e sei que o pesadelo é acreditar que os insectos não existem, que as pombas não voam, que as rosas são minúsculas como mãos, mas que não morrem nunca em jarrinhos de vidro.

Oiço os teus passos. Não sei se és um pássaro de papel, uma ária musical, um soneto que escuto quando as tílias florescem. Não sei se existes ou se és real. O teu rosto é obscuro e longo na noite de ébano. O teu nome é um poema de longos silêncios. Não sei se és verdadeiro.

Escrevo-te. E, nas minhas cartas de amor, és real como a vida. 

                                  Maria do Sameiro Barroso


OBSCURÉMENT

                            Le monde n'est pas véridique, mais il est réel.

                                                                       Fernando Pessoa

Ta vie est un long poème, un roman aux multiples chapitres, un livre qui ne se referme jamais. Tu habites des légendes hors du temps. Tu es fidèle à ton corps, à tes entrailles, tu es fidèle aux matins de velours, aux figues sucrées, aux pommes d'avril.

Tu es un poème, intense et long comme un vin, tu habites parmi les trèfles sauvages, les lapidaires énigmatiques, les collections de papillons exotiques. Tu es le ciseau de la nuit, libre et fidèle à tes calendriers de rêves et à tes brises sereines.

J'entends tes pas et je sais que le cauchemar est de croire que les insectes n'existent pas, que les colombes ne volent pas, que les roses sont minuscules comme des mains mais qu'elles ne meurent jamais dans des bocaux de verre.

J'entends tes pas. Je ne sais pas si tu es un oiseau de papier, un air de musique, un sonnet que j'entends quand les tilleuls fleurissent. Je ne sais pas si tu existes ou si tu es réel. Ton visage est sombre et long dans la nuit d'ébène. Ton nom est un poème de longs silences. Je ne sais pas si tu es réel.

Je t'écris. Et dans mes lettres d'amour, tu es aussi réel que la vie.

                                 Maria do Sameiro Barroso                  (Traduction de Jean-Luc Pouliquen révisée par Ivan Frias)


mercredi 19 juin 2024

En souvenir de Marcel Béalu

Le 19 juin 1993 disparaissait Marcel Béalu au moment du "Marché de la poésie" qui se tenait place Saint-Sulpice non loin de sa librairie Le Pont traversé sise au 62 de la rue de Vaugirard. L'annonce de sa mort créa une grande émotion parmi les poètes et tous les amoureux de la poésie qui avaient l'habitude de venir lui acheter des livres. Dix années auparavant, je lui avais rendu visite pour qu'il me dédicace le troisième tome de ses mémoires - intitulées Le Chapeau magique - qui venait de paraître et lui transmettre les amitiés de Jean Bouhier qui avait partagé avec lui l'aventure de L'Ecole de Rochefort.


Pour moi Marcel Béalu représentait avant tout l'ami de Max Jacob et de René Guy Cadou. Ecoutons-le évoquer son amitié avec le poète de Louisfert :


Mais ce serait réducteur de n'approcher Marcel Béalu qu'au travers de Max Jacob, René Guy Cadou et L'Ecole de Rochefort. Son propre parcours poétique nous entraîne entre rêve et réalité, romantisme et surréalisme, fantastique et merveilleux :


J'ai retrouvé un article de Gérard Meudal écrit pour Libération en 1983 lors de la parution de Présent définitif dans lequel étaient reproduits ces propos de Jean Paulhan : "Lire une page de Marcel Béalu, c'est pénétrer dans un pays singulier, un pays qui pourtant doit bien exister quelque part, plus haut ou plus bas que la terre, le pays de derrière la glace, ou de derrière l'eau, ou de derrière le ciel, ou de derrière nous".
Marcel Béalu admirait beaucoup Jean Paulhan qui avait été son éditeur chez Gallimard et à qui il avait rendu hommage en donnant à sa librairie le nom d'un de ses ouvrages. Pour l'anecdote je devais à partir de 1998 retrouver Gérard Meudal à Lodève puis à Sète lors des festivals Voix de la Méditerranée et Voix Vives où nous animions tous les deux des rendez-vous avec les poètes.

Complément :