Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

mercredi 11 septembre 2024

Un poème de Maria do Sameiro Barroso

Il y a tout juste dix ans, je présentais dans ce blog Maria do Sameiro Barroso. poète su Portugal. Je suis heureux aujourd'hui de donner à lire un de ses poèmes inédits. Dans l'intervalle, Maria n'a cessé d'écrire et de suivre un parcours en poésie particulièrement riche qui a trouvé un écho dans de nombreux pays. Ainsi en 2020, elle a reçu le Prix du Concours International de poésie de l'Académie Européenne des Sciences, des Arts et Lettres (AESAL).

Maria do Sameiro Barroso lors de la remise du Prix décerné par l'Académie Européenne des Sciences, des Arts et Lettres, à Paris, au Palais du Luxembourg en 2020.

Rappelons encore que Maria do Sameiro Barroso est médecin, germaniste et poète multilingue, traductrice, essayiste et chercheuse en littérature portugaise et allemande, en traductologie et en histoire de la médecine. Elle est membre d'honneur de l'association Alia Mundi de Serbie et ambassadrice pour l'alphabétisation et la culture de l'Asim Sasami Indonesia Global Writers d'Indonésie, Présidente intercontinentale des pays de langue portugaise de l'Unión Hispanomundial de Escritores (E.H.E). Elle est devenue Docteur Honoris Causa par la Prodigy Life Academy (États-Unis). Elle est enfin l'auteure de plus de 40 livres de poésie, publiés au Portugal, Brésil, en Espagne, France, Serbie, en Turquie, Belgique, Albanie, aux États-Unis, et auteure également de traductions et de livres d'essais. Ses poèmes sont présents dans plus d'une centaine de revues et anthologies nationales et internationales, publiées dans plus de trente langues, résultant de sa participation à des festivals de poésie et à ses activités internationales


Mais place au poème :

OBSCURAMENTE

                                O mundo não é verdadeiro, mas é real.

                                                              Fernando Pessoa

A tua vida é um longo poema, um romance com muitos capítulos, um livro que nunca se fecha. Habitas nas lendas para além do tempo. És fiel ao teu corpo, às tuas entranhas, és fiel às manhãs de veludo, aos figos doces, às maçãs de Abril.

És um poema, intenso e longo como um vinho, habitas entre trevos selvagens, lapidários enigmáticos, colecções de borboletas exóticas. És o cinzel da noite, livre e fiel aos teus calendários de sonho e brisas serenas.

Oiço os teus passos e sei que o pesadelo é acreditar que os insectos não existem, que as pombas não voam, que as rosas são minúsculas como mãos, mas que não morrem nunca em jarrinhos de vidro.

Oiço os teus passos. Não sei se és um pássaro de papel, uma ária musical, um soneto que escuto quando as tílias florescem. Não sei se existes ou se és real. O teu rosto é obscuro e longo na noite de ébano. O teu nome é um poema de longos silêncios. Não sei se és verdadeiro.

Escrevo-te. E, nas minhas cartas de amor, és real como a vida. 

                                  Maria do Sameiro Barroso


OBSCURÉMENT

                            Le monde n'est pas véridique, mais il est réel.

                                                                       Fernando Pessoa

Ta vie est un long poème, un roman aux multiples chapitres, un livre qui ne se referme jamais. Tu habites des légendes hors du temps. Tu es fidèle à ton corps, à tes entrailles, tu es fidèle aux matins de velours, aux figues sucrées, aux pommes d'avril.

Tu es un poème, intense et long comme un vin, tu habites parmi les trèfles sauvages, les lapidaires énigmatiques, les collections de papillons exotiques. Tu es le ciseau de la nuit, libre et fidèle à tes calendriers de rêves et à tes brises sereines.

J'entends tes pas et je sais que le cauchemar est de croire que les insectes n'existent pas, que les colombes ne volent pas, que les roses sont minuscules comme des mains mais qu'elles ne meurent jamais dans des bocaux de verre.

J'entends tes pas. Je ne sais pas si tu es un oiseau de papier, un air de musique, un sonnet que j'entends quand les tilleuls fleurissent. Je ne sais pas si tu existes ou si tu es réel. Ton visage est sombre et long dans la nuit d'ébène. Ton nom est un poème de longs silences. Je ne sais pas si tu es réel.

Je t'écris. Et dans mes lettres d'amour, tu es aussi réel que la vie.

                                 Maria do Sameiro Barroso                  (Traduction de Jean-Luc Pouliquen révisée par Ivan Frias)


mercredi 19 juin 2024

En souvenir de Marcel Béalu

Le 19 juin 1993 disparaissait Marcel Béalu au moment du "Marché de la poésie" qui se tenait place Saint-Sulpice non loin de sa librairie Le Pont traversé sise au 62 de la rue de Vaugirard. L'annonce de sa mort créa une grande émotion parmi les poètes et tous les amoureux de la poésie qui avaient l'habitude de venir lui acheter des livres. Dix années auparavant, je lui avais rendu visite pour qu'il me dédicace le troisième tome de ses mémoires - intitulées Le Chapeau magique - qui venait de paraître et lui transmettre les amitiés de Jean Bouhier qui avait partagé avec lui l'aventure de L'Ecole de Rochefort.


Pour moi Marcel Béalu représentait avant tout l'ami de Max Jacob et de René Guy Cadou. Ecoutons-le évoquer son amitié avec le poète de Louisfert :


Mais ce serait réducteur de n'approcher Marcel Béalu qu'au travers de Max Jacob, René Guy Cadou et L'Ecole de Rochefort. Son propre parcours poétique nous entraîne entre rêve et réalité, romantisme et surréalisme, fantastique et merveilleux :


J'ai retrouvé un article de Gérard Meudal écrit pour Libération en 1983 lors de la parution de Présent définitif dans lequel étaient reproduits ces propos de Jean Paulhan : "Lire une page de Marcel Béalu, c'est pénétrer dans un pays singulier, un pays qui pourtant doit bien exister quelque part, plus haut ou plus bas que la terre, le pays de derrière la glace, ou de derrière l'eau, ou de derrière le ciel, ou de derrière nous".
Marcel Béalu admirait beaucoup Jean Paulhan qui avait été son éditeur chez Gallimard et à qui il avait rendu hommage en donnant à sa librairie le nom d'un de ses ouvrages. Pour l'anecdote je devais à partir de 1998 retrouver Gérard Meudal à Lodève puis à Sète lors des festivals Voix de la Méditerranée et Voix Vives où nous animions tous les deux des rendez-vous avec les poètes.

Complément :
 

samedi 25 mai 2024

En souvenir de Jacques Arnold

Je voudrais aujourd'hui rendre hommage à Jacques Arnold qui m'encouragea lorsque je faisais mes débuts en poésie, à la fois en écrivant mes propres textes et en éditant Les Cahiers de Garlaban.

Il m'accueillit dans la revue Jointure dont il était président du comité de lecture, secondé par une équipe exigeante dans laquelle on retrouvait notamment Jean-Pierre Desthuilliers, Georges Friedenkraft, Michel Martin et Daniel Sauvalle.

     

Aujourd'hui, repensant à son itinéraire poétique et littéraire, me vient une liste de sujets que l'éloignement géographique et le temps ne m'ont pas permis d'aborder avec lui. Ainsi j'aurais été heureux de parler de son amitié avec Armand Lanoux, lauréat du prix Goncourt 1963, de ses rencontres en captivité durant la Deuxième Guerre mondiale avec Julien Gracq, Raymond Abellio, Jacques Fauvet ou encore Patrice de la Tour du Pin. Il m'aurait plu également d'évoquer en sa présence la Société des Gens de lettres au sein de laquelle il présidait la commission Poésie.

Jacques Arnold m'adressa deux de ses recueils, tous les deux édités chez Rougerie, Poèmes donnés et Filantes, avec à chaque fois une dédicace chaleureuse.

Voici un de ses poèmes extrait de Poèmes donnés :  


 IMPROMPTU

    à Nelly Nabajoth

Un poète, vois-tu, c'est toujours jeune

telle que tu l'es, toi,

et devine le monde

et devine sa loi

en regardant le ciel et les oiseaux.



Mais le ciel est changeant

tantôt clair, tantôt sombre.

Les oiseaux sont sans cesse en lutte pour leurs nids

et pour les infinis.



Le poète combat pour conquérir les mots

de sa propre charmille

comme les jeunes gens,

comme toi, jeune fille

pour conquérir vos rêves

Et leur offrir un corps.

A toi, Nelly, d'inventer tes efforts

et pour t'aimer toi-même

et pour que l'autre t'aime :

A toi, Nelly, de forger tes ressorts...


Complément :

- Jacques Arnold sur Wikipédia.