Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 29 décembre 2012

Aux sources de l'éclair

A l'aube d'une nouvelle année voici un livre qui vient déchirer les longues nuits de décembre pour y faire jaillir des éclairs de création et d'espérance. Il est signé par Michelle Serre dont nous avons déjà montré dans ce blog combien elle savait être attentive aux parcours poétiques et artistiques féconds et porteurs de lumière. Elle s'est intéressée dans ce nouvel ouvrage à René Char et Hans Hartung et à la manière dont elle se sent liée à eux deux.


  "Contemporaine des deux créateurs que j'ai tellement admirés, je ne peux m'empêcher d'établir des similitudes entre ces personnalités, ces parcours artistiques hors-normes" écrit Michelle Serre en ouverture, puis poursuit "Mus par la même passion exclusive pour la création, ils ont parcouru un cheminement artistique assez proche par son exigence, le goût de la nature et du cosmos, la recherche philosophique, la défense des valeurs humanistes et l'amour de la modernité. Totalement engagés dans leur art, ils n'ont pas cherché à échapper au combat des idéologies et à la dure réalité de la seconde guerre mondiale, pressentant que ce conflit menaçait l'intégrité de l'être humain."
  Elle s’emploie ensuite à nous montrer tout ce qui fait converger l'itinéraire du poète provençal avec celui du peintre d'origine allemande. La deuxième guerre mondiale est le point d'orgue de leur engagement et de leur résistance à la barbarie. Hans Hartung y perdra une jambe. Michelle Serre nous dit comment plus tard l'amitié, la poésie pour l'un et le soutien des proches, la peinture pour l'autre, leur permettront de dépasser les épreuves et d'atteindre une plénitude de vie.
 Elle conclut ainsi son livre : "Aux sources de l'éclair, ils furent deux enfants avides de nature et de beauté et leur parcours d'homme et de créateur suscite notre admiration. Éveilleurs de conscience dans une guerre cruelle, ils ne se sont pas dérobés à leur devoir et ont choisi un chemin de création difficile. Cette petite lumière d'enfance les a guidés tout au long de leur vie, malgré la peur et la souffrance ! Passeurs du temps, ils n'ont jamais abdiqué. Sans doute, la joie de créer leur était-elle essentielle !"

Compléments :
- Il été tiré 100 exemplaires numérotés de ce livre de 68 pages sur papier vergé illustré de 3 œuvres de Pierre Sentenac. Il est vendu 19€ à commander à pierresentenac@orange.fr.
- René Char sur Wikipédia.
- La fondation Hartung Bergman.

samedi 22 décembre 2012

Chemins ouverts sur la poésie occitane

Souvent à l'honneur dans ce blog, la poésie occitane l'est aussi dans de nombreuses parutions grâce au travail obstiné de quelques revues et éditeurs qui s'emploient avec succès à montrer que celle-ci continue à avancer et à offrir des œuvres qui nous touchent. Parmi les revues qui jouent le rôle de découvreur et de promotion de la poésie occitane, nous avons eu l'occasion de présenter la revue OC. Pour ce qui concerne les éditeurs, nous avons déjà salué Jean-Paul Creissac et les éditions Jorn. Nous voudrions aujourd'hui rendre hommage à Jean Eygun au travers de la magnifique anthologie bilingue de la poésie occitane contemporaine Camins dubèrts qu'il a réalisée et fait paraître à l'enseigne de letras d'òc la maison d'édition qu'il dirige.


Le livre qui compte 334 pages et propose des textes de quarante et un poètes appartenant à quatre, voire cinq générations différentes (le plus ancien, Sully-André Peyre est né en 1890, la plus jeune Aurélia Lassaque est née en 1983) s'ouvre par une longue préface en Oc de Jean Eygun qui précise dans quel esprit cette anthologie a été réalisée, en même temps qu'elle offre une vue panoramique sur la situation contemporaine.
Pour l'esprit, saluons d'emblée la volonté de Jean Eygun de rendre compte de la diversité de la poésie d'Oc en évoquant avec équité les différents foyers qui l'ont portée et donc les différentes options choisies sur le plan de la graphie et de l'esthétique. Ce respect se traduit dans le livre par la présentation des poèmes dans la graphie où ils ont été écrits (mistralienne ou occitane). Il permet ainsi de revivre sous différents angles cette aventure de création que la géographie et l'histoire ont sans cesse façonnée favorisant son profond renouvellement. Intéressante est la mise en valeur par Jean Eygun de l'Espagne comme source d'influence. Machado, Lorca, la forme poétique du romance, ont marqué plus d'un poète occitan, de Jean Boudou à Robert Allan, en passant par Max Rouquette, Henry Espieux ou encore Jean-Marie Petit. Bien que situées sur le territoire français, les terres d'Oc sont aussi sensibles à leur voisin immédiat dont elles savent accueillir le génie poétique. Celles-ci ne font pas non plus l'économie de l'histoire ce que montre bien la génération des années 70 sensible aux remises en cause qui traversaient à cette période la société, la culture et l'expression poétique. Roland Pecout et Jean-Luc Sauvaigo en sont la preuve manifeste.
En fin connaisseur, Jean Eygun a su pour chaque poète retenu, choisir dans son œuvre un ou plusieurs poèmes particulièrement parlant et chaque pièce est à apprécier, savourer, goûter pour elle-même indépendamment de l'ensemble. Cette anthologie est un ouvrage de référence dans lequel il faudra puiser et puiser encore.
J'ai été personnellement heureux d'y trouver tous les poètes que j'avais édités aux Cahiers de Garlaban : Robert Allan, Serge Bec, Charles Galtier, Fernand Moutet, André Resplandin et Yves Rouquette. Mais aussi beaucoup d'autres dont ce blog a déjà parlés : Frédéric Figeac, Robert Lafont, Aurélia Lassaque, Jean-Marie Petit, Max Rouquette ou encore Jean-Luc Sauvaigo sans compter tous les autres comme Claudio Salvagno par exemple.
Une belle photo de famille en somme !

Jean-Luc Pouliquen

- Le livre sur le site de l'éditeur


samedi 15 décembre 2012

Célébration des cinq sens

L'hommage rendu à Théophile Briant en début d'année, m'avait amené à parler de la revue AVEL IX qui entretient son souvenir et même temps qu'elle prolonge son action au service de la poésie et de l'art. Son dernier numéro consacré aux cinq sens est un vrai régal.


Coordonné par Béatrix Balteg qui nous invite en ouverture à "regarder en face les merveilles de cette terre", la revue commence par le fameux poème de René Guy Cadou Pourquoi n'allez-vous pas à Paris ? où ce dernier préfère "l'odeur des lys la liberté des feuilles" aux attraits de la capitale. Suit un éditorial daté de 1938 de la revue Le Goéland que Théophile Briant avait intitulé : Odeurs du monde. "Des cinq sens qui gouvernent l'homme, l'odorat est sans doute le plus impérieux, celui qui est à la base de ses plus vives impulsions émotionnelles ou esthétiques et qui le dirige - par le bout du nez et souvent à son insu - vers ses préférences essentielles" note-t-il en introduction avant de poursuivre son itinéraire olfactif à travers l'histoire, les civilisations et la littérature. Danièle Auray poursuit en remarquant que : "Nos cinq sens - ces portes ouvertes sur le monde, ces voies d'accès conduisent à l'éveil. Elles nous permettent à la fois, la perception matérielle de la vie ainsi que celle de la dimension ultime."
 Puis Jean-Luc Legros nous propose une étude sur Henry-David Thoreau sous-titrée "Le ravissement des sens". La citation du poète américain choisie en exergue : "Comment extraire son miel de la fleur du monde ? C'est mon travail de chaque jour." indique d'emblée l'orientation de vie de ce "secrétaire des dieux", de ce "sensuel polymorphe" dont la volonté de fusion avec la nature n'a pas empêché un engagement courageux au milieu des hommes puisque il a été un des inspirateurs de Gandhi. Il est aussi considéré comme un des pionniers de l'écologie.
Avec "Henry Moore, celui qui aiguise l'atelier du regard" Serge Bouvier nous entraîne sur les pas du sculpteur britannique en accompagnant son texte de photographies d’œuvres de l'artiste. "Découvrir l’œuvre de Moore, c'est découvrir la nature, la nature humaine, c'est questionner un galet, c'est parler à un coquillage, à une vertèbre. C'est une incitation à l'épure, au minimalisme, à la quintessence" nous confie Serge Bouvier pour qui Henri Moore (1898-1986) a habité le XXe siècle en poète.
Le numéro se complète avec un cahier de poèmes tous consacrés aux 5 sens. On y retrouve quelques noms qui nous sont familiers : Francine Caron, Max Alhau, Moreau du Mans, Anne Bihoreau, Angèle Vannier, Jean-Albert Guénégan et Béatrice Balteig. Yekta, dont la photo est en couverture, conclut avec une suite de poèmes en prose intitulée "L'instinct ravisseur".
La revue se termine par ses rubriques habituelles qui rendent compte des activités de l'association Les Amis de la Tour du Vent, tout comme des nombreuses revues de poésie qu'elle reçoit et des recueils qui viennent de paraître. Elle témoigne ainsi d'un engagement au service d'une poésie qui respire bien fort l'homme et sa façon d'appréhender le monde contemporain.

                                                                                                              Jean-Luc Pouliquen

- Le numéro est vendu 16 € à commander à l'Association des Amis de la Tour du Vent, 87, avenue John Kennedy - 35400 Saint-Malo - Tél. 02 99 40 26 96

samedi 8 décembre 2012

Le n°5 de Chiendents

J'ai déjà eu l'occasion de présenter la revue Chiendents dont Luc Vidal poursuit la publication avec le réel souci de faire découvrir de nouveaux créateurs qui servent la poésie, l'art et la littérature avec exigence. Il est entouré pour cela d'un rédacteur en chef : Roger Wallet et d'un comité de rédaction composé de Alain Besson, Alain-Pierre Daguin, Thierry Picquet, Pierre Hamelin, Yves Moulet, Philippe Dossal, Anne-Marie Chollet, Louise de Ravinel, Claire Mizzon, Nicolas Désiré-Frisque, Olivier Delettre et moi-même. Les parutions se succèdent à un rythme plus rapide que les annonces que je peux faire dans ce blog. La collection compte à ce jour plus de vingt numéros. Mais je voudrais aujourd'hui m'attarder sur le cahier consacré à Michel Capmal qui est un familier de ce blog. Pour cela, voici l'éditorial que l'on pourra lire à son sujet dans ce Chiendents n°5.



Ce numéro de Chiendents est consacré à Michel Capmal, un poète rare, décalé, « inactuel » et dont le parcours n’a cessé d’obéir a ses propres exigences intérieures.

Mais que recherche-t-il sur ce chemin-là où l’on peut parfois croiser les grands brûlés de l’existence ? Un chemin où repousse la plus fertile des « mauvaises herbes » ; nourriture spirituelle pour ceux et celles qui ne sauraient vivre sans vouloir approcher un horizon perdu. Peut-être, et sûrement, le sens de la vraie vie qui ne peut s’énoncer que par une parole, un langage, une manière d’être qui dans le meilleur des cas a pour nom poésie. Un chemin de solitude radicale ; par conséquent à l’opposé de l’isolement. Les perspectives et les rencontres y sont fréquentes et inattendues. Écho persistant de voix chères et enfuies, proximité sensible avec certains poètes du siècle dernier ainsi que quelques contemporains encore inconnus de lui. Et puis surgissent par moments des doubles familiers demandant à s’incarner dans l’écriture. À la fois pour conjurer et hâter un grand incendie.

Dans l’entretien qui suit, avec Jean-Luc Pouliquen, sont évoqués les lignes de force de l’itinéraire d’un voyageur, souvent immobile, entre son Languedoc natal et Paris, au début des années 70. Il avait compris et vécu la remise en cause de tout survenue deux années plus tôt comme un salutaire appel d’air. Depuis, il se défend de faire œuvre littéraire et d’avoir « son univers personnel », et pourtant ce qu’il nous dit au cours de cet entretien laisserait à penser que l’acte d’écrire est devenu pour lui cet engagement pour lequel on ne doit pas hésiter à brûler ses vaisseaux. Surréalité, Hyperborée, Hautes terres, voilà des mots, des signes, des images, des images-concepts exprimant une volonté de résistance devant le monde contemporain qui a la prétention de s’approprier le principe de réalité de façon absolue et définitive. Un monde où la vie, la vie vivante est, a ses yeux, partout et à tout moment menacée.
Trois proses (comme on dit) nous sont présentées avec ce numéro 4. Trois inédits qui sont des fragments d’ouvrages en cours. Le titre du premier (que l’on découvrira plus loin) ne serait-il pas quelque peu chargé d’ironie ? Un homme parle une nuit entière devant un étrange auditoire de hasard. Il parle de tout, de lui et du monde contemporain. Pour le deuxième, il s’agirait, apparemment, d’un retour au pays de l’enfance avec le souvenir du père aujourd’hui disparu qui lui permettrait d’approcher l’autre monde, ou bien, et pour lui c’est dans le fond la même chose, une autre dimension du réel ? Une dimension que peuvent parfois nous rendre perceptible les ressorts et ressources, le plus souvent ignorés, du psychisme humain. Dans le troisième, nous pourrons lire l’introduction, écrite voici déjà une dizaine d’années, d’un récit fort singulier.  « Je suis un chat » dit-il avec un aimable goût de la provocation. Et ce chat aura beaucoup à dire aux humains ; surtout à ceux devenus ivres d’anthropocentrisme.

Le chemin brûlé est le nom qu’il a donné à une toute petite maison d’édition. Nous avons perdu les hautes terres, notre errance est infinie, c’est le titre du livre dans lequel il a rassemblé la majeure partie de ses poèmes.  

- Ce numéro est vendu 3€ + 2€ de port à commander aux éditions du Petit Véhicule - 20 rue du Coudray 44000 Nantes.










samedi 1 décembre 2012

Roselyne Camelio et l'indicible de la beauté

Nous nous étions intéressés jusque-là à la recherche de la lumière et cela aussi bien au travers d’œuvres peintes comme par exemple celles de Pierre Sentenac, Enan Burgos ou Françoise Rohmer, que d’œuvres écrites comme celles d'Annie Salager ou Colette Gibelin. Bien qu'elle y soit sous-entendue la recherche de la beauté n'y avait jamais été explicitement avouée. Avec Roselyne Camelio la voici exprimée et illustrée dans une référence méditerranéenne et antique qui lui sied bien. Mais laissons la parole à l'artiste pour nous présenter sa démarche.

Nymphe

Je n'ai retenu de mes voyages sur les sites archéologiques mis à nus par les fouilles, que le souvenir de fragments et d'empreintes. Leur indicible beauté m'émeut aux larmes.

L'Arbre à grenades

Soumis à l'effacement du temps, ils acquièrent une nouvelle signification lorsqu'ils pénètrent notre conscience, pour se métamorphoser en autant de mystères.

Passage
J'ai pris à chacun ce qu'il y a de plus beau et l'ai projeté sur la toile. Impression étrange de les voir pour la première fois comme s'ils n'avaient pas été composés, retravaillés par moi.

Course de biges
Dans cette construction d'un rêve antique, fondée sur toutes les manifestations du désir, n'y cherchez pas de vérité historique ni d'aveu psychologique.

La métamorphose
Ce qui compte, c'est qu'il nous soit toujours possible de continuer à tracer à même le sol mosaïqué avec des tesselles de différentes couleurs, la chevelure abondante d'une jeune femme ou le pli d'une tunique.

(Images et textes de Roselyne Camelio)

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