Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 27 octobre 2012

Parler provençal

Dans la chronique précédente était présenté un personnage qui voulait redevenir provençal. Voici un livre qui lui aurait été bien utile dans sa quête d'identité et dans son désir de se réapproprier sa langue originelle.


De manière très vivante et très chaleureuse, Patricia Dupuy nous propose un petit livre qui nous donne les rudiments du parler provençal. Dans un préambule qui retrace la genèse de la langue et sa place dans le contexte linguistique national et européen, elle ne manque pas de rappeler que c'est aux poètes que le provençal doit ses lettres de noblesse, d'abord avec les troubadours, puis avec Frédéric Mistral. Patricia Dupuy nous fournit encore les bases de l'idiome s'attardant sur les étymologies, les différents dialectes, la prononciation et les conjugaisons. Nous entrons ensuite dans les mots et les expressions. Ils concernent la vie quotidienne, la famille, la cuisine, et quelques recettes comme l'aïoli sont données à cette occasion. On continue avec les occupations (travail, loisir, vacances, promenades), les animaux, le corps. Et l'on termine avec la géographie, les villes, les départements, les fleuves de Provence. Nous apprendrons pour conclure les paroles de La Cansoun de Magali et de La Cansoun de la Coupo, airs de ralliement de tous les Provençaux, avant de porter un dernier regard vers Lis astres/Les astres. Si bien que plus qu'un manuel d'initiation à la langue et à la culture provençales, cet ouvrage est une invitation à vivre en lien profond et en harmonie avec la terre qui a vu naître ce parler chantant.

samedi 20 octobre 2012

Un griot en Provence

Dans le prolongement de la chronique précédente qui montrait l'importance pour Max Rouquette des cultures populaires, constitutives des identités des terres d'Oc, voici par Laure Dino un compte-rendu de mon dernier livre Un griot en Provence.

Un Griot en Provence de Jean-Luc Pouliquen, est un récit de jeunesse, qui se retrouve tel un petit sachet de lavande : intact, préservé, au fond d'une armoire provençale. Il a conservé le parfum un peu suranné, mais au fond intemporel d'une "mémoire sans tain", à laquelle j'emprunte cette image. (Comme deux draps blancs, Mémoire sans tain, Jean-Luc Pouliquen, page 140.)

"Auto-fiction , ou "roman personnel", basé sur des éléments réels, il revenait d'Afrique, pour redevenir en Provence. "Moussa" est à la fois un prénom inventé et le symbole de la jeunesse africaine étudiante avec laquelle il a amorcé un dialogue. Plus profondément, il s'agit d'un "roman d'initiation", dans lequel le sujet s'interroge à travers une quête identitaire, sur le rapport de l'homme avec sa terre natale.

"C'est alors que j'eus l'impression que l'on me soufflait quelque chose à l'oreille. Griot, mais oui Moussa tu as raison. Je pourrais être le griot de la Provence...." (Quatrième de couverture. Un Griot en Provence.)

Le Griot, poète et musicien originaire d'Afrique noire, marque une conception plutôt révolutionnaire de la Provence. "Un griot en Provence" est plus qu'un simple provençal, qui le soir ferme les portes et les volets bleus de sa jolie maison aux tuiles rouges. Le "félibre" fige le provençal, dans une conception passéiste et pour l'auteur, il est temps de "faire éclater les catéchismes et les idéologies" . En parallèle avec les tribus d'Amazonie, vivants dans des huttes, il choisit plutôt le cabanon en tant que "lieu de résistance", ou le fébrile poète se réfugie, portant en lui des valeurs soleils, éternelles.

Ce griot provençal, entretient peut-être un "lien secret", avec l'Oiseau de feu du Garlaban. Si le feu est l'un des quatre éléments, il représente également la force primitive, instinctive, spirituelle et même comme l'auteur me l'a confié "la racine cosmique". Un feu ou l'Afrique et la Provence, se retrouvent en amies, pour ne faire qu'un seul soleil, une lumière plus intense...rougeoyante. Fasciné par la dualité du feu, il meurt et renaît à travers cette initiation poétique, qui semble lui conférer les pouvoirs du feu : "il ne me restait plus qu'à tout brûler dans un grand feu"..."Un tas de feuilles qui se consume en automne, au couchant, la fumée qui s'en échappe, reste en suspension dans un ciel cristallin : c'est la plus belle image qui me restera de ce jardin." (p.26)

Griot d'Afrique, dépositaire de la mémoire, le Provençal transmet sa langue, tel un chant, une musique, une poésie, un conte...de génération en génération. La langue soude au pays, cimente le sol de la terre natale. L'auteur avait déjà évoqué cette volonté de réappropriation de la culture des territoires de langues d'oc, qui va bien au-delà de la Provence. "Entre Gascogne et Provence", se trouverait la langue d'or...(Entre Gascogne et Provence. Entretiens avec les poètes Serge Bec et Bernard Manciet. Edisud 1994). Culture au sens propre et figuré, il s'agit aussi de transmettre sa terre, ce qui signifie : préserver le patrimoine de la Provence dans des projets collectifs, proches de la nature, tel que reboiser.

Griot universel. Homme d'ici et d'ailleurs, n'importe qui.... Il ressent le besoin de vivre dans la pauvreté, la simplicité, tel qu'il le fera plus tard au rythme d'un quartier : "La Goutte d'Or" à Paris, en immersion poétique. (A la Goutte d'Or. Paris 18ème - Chroniques pour un quartier. AIDDA éditions, 1997) Si le Griot inscrit l'histoire de sa tribu dans le temps, le poète écrit dans des ateliers avec des enfants, le passé de ce quartier populaire de Paris, au cœur d'un métissage culturel. Plus qu'une immersion, il s'agit d'une véritable mission : construire une identité collective en dépassant les rivalités.

Griot cosmique. Il ouvre ses ailes en Provence, pose et repose ses bagages, mais ce n'est qu'un point de départ, une ancre pour un poète méditerranéen. Le Griot à sa manière voyage sous "l'Empire du soleil" (expression de Frédéric Mistral), de la Provence au Monde entier, comme un pèlerin marchant sur la terre mosaïque, emportant seulement sa Provence, dans son sac à dos...


samedi 13 octobre 2012

Max Rouquette parmi nous - II

Dans une chronique précédente datée du 19 mai dernier, nous avions déjà rendu hommage à Max Rouquette à travers la présentation du cinquième cahier que l’Association Amistats Max Rouquette lui avait consacré. Voici aujourd'hui les éléments qui nous permettront de prendre connaissance de la parution suivante. On remarquera que celle-ci est aussi nourrie que la précédente, signe de la richesse de la vie et de l’œuvre de Max Rouquette, dont nous sommes encore loin d'avoir saisi toute l'amplitude. Je remercie Jean-Guilhem Rouquette de m'avoir autorisé à reproduire l'éditorial de ce magnifique numéro.

SOUS LE SIGNE DE LA CHIMÈRE…

Sur la couverture, la Chimère mi-Drac mi-oiseau, la Chimère des anciens songes et des jeunes désirs. Le dessin précis et nerveux de Max Rouquette a hérissé sa silhouette et ciselé son métal…

Une bonne nouvelle : Actes-Sud se charge de la 4ième édition à l’automne de Vert Paradis en français, épuisé depuis 4 ans. On peut donc espérer faire découvrir plus largement aux lecteurs francophones la principale œuvre en prose de Max Rouquette.
Frédéric-Jacques Temple est fêté à Montpellier par un grand hommage qui honore ce poète voyageur souvent présenté comme écrivain occitan de langue française. Sa vie comme son œuvre démontrent la justesse de cette formule.
Fritz Peter Kirsch nous donne en français la postface de sa traduction en allemand de Tout le sable de la mer. Il nous conduit sur le chemin des métamorphoses…
Roland Pécout voyage dans la poésie persane autour d’Omar Khayyam, le poète et mathématicien iranien confronté, au temps des premiers troubadours, à l’intolérance des mollahs, ce qui nous ramène aux menaces du temps présent : Omar Khayyam notre contemporain…
Le fil d’Ariane de ce Cahier est un peu la culture populaire. Sèm fòrça, pièce de Claude Alranq, démontre de façon évidente la puissance d’un théâtre nourri du plus vivant de la tradition populaire et qui se confronte en profondeur aux problématiques les plus actuelles.
Le dossier central rassemble les écrits (articles ou préfaces) de Max Rouquette sur les contes (entr’autres la préface aux Contes de Gascogne de Jean-François Bladé, qui sont le trésor de la tradition orale occitane), et un article de Philippe Gardy, spécialiste à la fois de la poésie de René Nelli et de celle de MR, sur leur rencontre autour de la revue « Folklore » créée par Nelli. Le mot Folklore est devenu péjoratif. Mais Nelli comme MR l’utilisent au sens premier de “culture du peuple”, “science du peuple”.
Jean-Frédéric Brun a bien connu Nelli tout autant que MR, et témoigne de l’admiration qui liait les deux hommes, à travers ses souvenirs personnels et les lettres de Nelli à MR.
La correspondance croisée entre MR et son meilleur ami Henri Frère, entre 1929 et 1937, est un document précieux pour connaître MR jeune homme, qui se cherche et qui doute. On y suit la génèse de Secret de l’herbe, le premier texte de Vert Paradis qu’il écrivit.
Des écrivains plus jeunes se sont nourris de l’œuvre de MR, même si celui-ci ne jouait pas au Maître. Parmi les plus jeunes, Jean-Frédéric Brun voue une admiration sans limite à cette œuvre. Jean-Claude Forêt présente le témoignage de J. F. Brun lui-même sur son amitié avec Max Rouquette et leurs échanges par revue OC interposée.
Serge Carles, traducteur en occitan de André Brink et de Selma Lagërlof, porte un témoignage précieux sur sa rencontre avec MR venu à Toulouse lors d’une représentation de sa Médée au TNT.
L’ethnobotaniste Josiane Ubaud commence une exploration du monde des arbustes de la garrigue, très présents dans les proses de MR. Pour ce Cahier, les bruyères et les cistes.
Lionel Navarro continue fidèlement sa chronique de voyage au Québec, cette fois sur une structure théâtrale atypique de Montréal.
Enfin le Sentier des Poètes, créé par la Coopérative des vins de St Saturnin-de-Lucian où MR avait une maison de famille, serpente dans le village et dans la garrigue avec des poèmes de plusieurs poètes gravés dans la pierre ou le métal. C’est aussi le nom d’un Prix de poésie décerné chaque année depuis 2010. Cette année le thème en était : Au cœur des légendes. Ce qui nous ramène encore à la Chimère.

Compléments :

- La commande de ce Cahier n° 6 peut se faire directement sur le site de l'association : http://www.max-rouquette.org/cahiers ou en écrivant à :  Association Amistats Max Rouquette, 9 rue des Sœurs Noires, 34000 Montpellier. Le prix du Cahier est de 20 €.

samedi 6 octobre 2012

Cultivons la paix !

En juin 2011 était présenté dans ce blog, le livre Le poète et le diplomate que j'ai écrit avec Wernfried Koeffler. Ce dialogue sur les relations que peuvent entretenir la poésie et la diplomatie commence avec un prologue d'Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix. Au mois de mai dernier, Adolfo Pérez Esquivel est venu quelques jours en France, ce qui nous a permis avec Wernfried Koeffler de le rencontrer et de faire avec lui une présentation du livre à l'ambassade d'Argentine à Paris.


Approcher un homme qui œuvre au niveau de la planète à la paix et à la justice est un rare privilège, c'est aussi faire l'expérience d'une force d'espérance qui a un véritable pouvoir de transformation sur notre monde dès lors que nous l'accompagnons et nous l'amplifions. Cette espérance, Adolfo Pérez Esquivel la puise dans une spiritualité chrétienne émanant d'une Église au service des plus pauvres. Pour mieux connaître son parcours, je ne peux qu'inviter à lire son livre Cultivons la paix paru en France en 2000 et qui résulte d'entretiens avec Philippe de Dinechin.


 Ce petit livre est d'une densité rare. Il contient des pages terribles sur les quatorze mois durant lesquels Adolfo Pérez Esquivel a été fait prisonnier et torturé par la dictature argentine entre 1976 et 1977. L'épisode du vol de la mort dont il est miraculeusement revenu, souligne, s'il en est encore besoin, l'importance des mobilisations internationales et le rôle qu'elles peuvent jouer sur les régimes en apparence les plus sourds à l'opinion mondiale. Ce qui différencie Adolfo Pérez Esquivel d'autres grandes figures d'Amérique latine dans sa volonté de changer les choses, c'est son action non-violente. Il s'inscrit en ce sens dans la lignée de Gandhi. On trouvera dans l'ouvrage mille renseignements sur ses origines, sa mère indienne, son activité artistique et pédagogique, son rapport à l’Église, ses difficultés pour alerter Jean-Paul II sur le sort des martyrs de la dictature, sur son action pour tourner la page dans la justice et le pardon, sur les circonstances de l'attribution de son Prix Nobel et la tentative d'assassinat qui en a résultée à Buenos Aires, etc. La conclusion du livre, qui a pour sous-titre : "Trouver sa pierre philosophale", renvoie chacun d'entre nous à sa recherche pour donner un sens à son existence. Elle se termine par ces lignes : "Je ne crois pas dans le fatalisme historique. Un poète disait : "Je remercie la vie, mais je ne lui dois rien parce que je suis l'architecte de mon propre destin. Vie, je ne te dois rien." Je suis en paix. Je crois que la pire des choses qui pourrait m'arriver serait de finir ma vie les mains vides, de ne rien faire, de mourir sans être aimé." 

- Le livre sur le site de l'éditeur 
- Le site officiel d'Adolfo Pérez Esquivel