Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 30 juin 2012

Les Voix Vives de Sète - édition 2012

Nous sommes attentifs depuis sa création au festival Voix Vives de Sète durant lequel se retrouveront cette année encore plusieurs poètes présentés dans ce blog, en particulier Colette Gibelin, Esteve Salendres et Philippe Tancelin. Une de nos  dernières chroniques signée par  Danielle Gavin s'intitulait Passage du poète. Durant neuf jours, ceux qui viendront participer à ce festival pourront se confronter à des langues, des styles, représentatifs de tout le pourtour méditerranéen . Ils se feront ainsi, en direct, une idée de la manière dont les poètes d'aujourd'hui ressentent et habitent ce monde, de la façon dont ils y passent pour nourrir leur chant. Membre du comité international de coordination, j'y animerai deux rendez-vous quotidiens. Le premier concernera les poètes de langue d'Oc, le second, la scène ouverte aux Sétois, les habitants de cette cité maritime, dont la variété et la richesse d'expression ne cessent d'année en année de nous émerveiller.

samedi 23 juin 2012

Un poème de Michelle Serre

Pour prolonger la chronique précédente qui nous a fait méditer sur le rôle du poète et le sens de son passage parmi nous, voici un poème de Michelle Serre. Il est extrait de son recueil intitulé Passeurs du temps. Celui-ci est divisé en trois chapitres qui rendent chacun hommage à un poète cher à l'auteur. Ceux-ci se nomment Boris Pasternak, René Guy Cadou et Nikos Kazantzakis. Ils appartiennent à des cultures différentes mais ont en commun une même exigence vis-à-vis de la création et une même manière d'appréhender la vie avec humanité. Ainsi, nous aident-ils tous les trois à traverser le temps en nous allègeant de son poids. Le poème choisi à pour titre Ma sœur la vie et il est dédié à Boris Pasternak.



Ma sœur la vie

Ma sœur la vie
je caresse ta main
sachant que ton étreinte
est brûlante d'amour...


   Couché dans les blés mûrs
   j'ai fait l'apprentissage
   du secret des saisons...


L'orage m'a surpris
à l'orée des grands bois
mais l'eau m'a rafraîchi
et le pain m'a nourri...


   J'ai servi mes amis
   à la table des dieux
   le toit de ma datcha
   m'abrite du grand froid
   et je crois que demain
   est plus fort qu'aujourd'hui


              Michelle Serre



Le recueil Passeurs du temps contient trois illustrations de Pierre Sentenac. Il est vendu au prix de 19 €uros et peut être commandé directement chez l'éditeur Le Bien-Vivre.

Complément:

samedi 16 juin 2012

Passage du poète

A la suite de la chronique de Philippe Tancelin qui explorait les relations secrètes entre la poésie et la philosophie, en voici une autre d'une égale profondeur. Elle nous conduit à une méditation sur le rôle que peut jouer le poète dans la société. Danielle Gavin s'est appuyée pour cela sur le livre de Charles-Ferdinand Ramuz intitulé Passage du poète. Nous nous sommes déjà interrogés dans ce blog sur les manières de rendre présente la poésie dans la cité contemporaine. Les exemples ne manquent pas d'initiatives qui sont prises pour l'inscrire dans le paysage (lectures publiques, résidences, ateliers d'écriture, festivals, printemps des poètes, label "village en poésie", poésie dans le métro, etc., etc.). Ce qui est intéressant ici, c'est que Ramuz nous plonge au cœur même de la question. C'est du poète lui-même que va naître, dans sa dimension sacrée, la poétisation du monde, c'est de son témoignage. Ce que nous tentons de faire aujourd'hui n'est qu'un raffinement logistique et formel qui deviendra vite vide de sens dès lors que le poète aura abandonné sa mission. A l'inverse, il pourra la remplir sans forcément utiliser les estrades et porte-voix qui lui seront proposés et il n'y perdra pas pour autant en "efficacité" si je peux utiliser ce terme. Certes son ego et sa renommée en souffriront mais cela est une autre histoire et paraît bien dérisoire au regard du service même de la poésie, pensons à Rimbaud.
                                                                                                                                  J-L P

La première édition de Passage du poète de Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) date de 1923. De nombreuses rééditions ont suivi. Les citations de cette chronique concernant cette œuvre en particulier sont tirées de C.F. Ramuz, Romans, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005, vol. II.

*

Il y a lui, le poète, il y a eux : les autres. Lui, un homme comme et pas comme les autres, chargé d’une mission : « refaire », tandis que les autres « font ». Car « ils ont ou auront une fois besoin que quelqu’un dise ce qu’ils font, sans quoi ce qu’ils ont fait n’aura pas été fait entièrement ». Là réside, selon Ramuz, l’inutile utilité de la poésie. Il faut que l’homme puisse se dire « je sais qui je suis, je sais où je suis, et pourquoi j’y suis, je sais d’où je viens. » (Recherche de l’être, pp. 111 et 112 in CF. Ramuz, Œuvres complètes, Genève, Editions Slatkine, vol. XVIII : Écrits autobiographiques).
Passage du poète, expressément sous-titré « roman », est une oeuvre tout à la fois poétique, anthropologique et cosmologique. L’auteur y donne à "voir" un poète "en action", sous la forme d’une métaphore ; le vannier Besson, de passage dans le vignoble du Lavaux, tresse des paniers en osier, sous les yeux des habitants d’un village : ses mains « allaient vite, allaient, allaient encore, avec les signes de leurs doigts comme pour des choses à dire, au-dessus du tablier vert qui s'enfonce entre les genoux » (p. 234) ; ses mains faisaient « beaucoup de petits signes » (p. 232) ; il parlait « une espèce de langue, comme si (ses mains) écrivaient dans l'air des mots et encore des mots» (p. 254), « disant le pays et le refaisant, mettant les lignes de l’osier l’une sur l’autre, comme l’écrivain ses vers ou sa prose » (p. 280).
De leur côté, les vignerons sont de fins observateurs des lois de la nature : « (...) ils ont appris à obéir, mais ont appris aussi à être attentifs et à lire les signes qui sont écrits sur cette page vite tournée, à ce ciel qui est comme un livre qui aurait tellement de pages que la même ne se présenterait jamais deux fois. Le tout petit mot d'un nuage qui est apparu, qui s'en va ; la ligne écrite en gris du brouillard traînant à mi-mont (….) et sur la terre aussi les signes : la limace qui sort, l'araignée qui tisse sa toile, les taons qui sont méchants, l'hirondelle qui vole bas... » (p. 237).
Le poète cependant, silencieusement, insensiblement, va les conduire plus loin que cette première "lecture" du monde : vers une libération de la parole, une libération par la parole ; vers une prise de conscience de leur être véritable, de leur commune appartenance à l’humanité. « Il y avait depuis très longtemps dans sa tête une vérité qui ne pouvait pas venir dehors » mais, grâce au vannier, Bovard le vigneron va se sentir progressivement « délivré » (p. 258) : « (…) ça monte au-dedans de lui tout le temps et ça veut sortir, et ça devient des pensées dans sa tête, et elles vont toutes seules dehors, en sorte que, même s'il voulait s'empêcher de dire, il ne pourrait pas » (p. 290). Cette vérité qui s’impose à lui est définie ainsi par Ramuz dans son essai intitulé Questions : « (...) la vie telle qu’elle est est bien incapable de suffire à l’homme, s’il ne l’agrandit pas d’abord, s’il ne l’embellit pas, même faussement, mais de son mieux. (Questions, Paris, Bernard Grasset, 1936, p. 218).
Le faire (poïesis) de Besson, frère jumeau du poète ? « (Il) prend avec les yeux les choses qui sont et les arrange, de sorte qu’elles sont à nouveau, et elles sont les mêmes et sont autrement » (p. 266). Désormais, pour celui qui est pris dans les mailles du filet de la poésie, « rien ne va plus jamais avoir assez d’être ; plus jamais, rien ne croira exister complètement » (ibidem).
Les vignerons font la part de ce qui leur est imposé par Dieu et de ce qui leur revient en propre ; les vignes et le vin sont leur œuvre : « Ça c’est moi (…) et il n’y a plus que vous dans les vignes, plus rien qui ne soit vous où que vous vous tourniez : alors on connaît le vrai plaisir, celui d’après, celui d’avoir fait, celui d’avoir été les plus forts» (p. 304). Bovard, payé de ses peines, est prêt à mourir sereinement (p. 308). Les paniers de Besson, la belle couleur du vin dans le verre symbolisent la valeur ajoutée par l’homme à son univers.
Passage du poète illustre avant la lettre ce que des psychiatres d’inspiration existentielle, phénoménologique, vont bientôt théoriser, qui replacent eux aussi l’homme au cœur du cosmos :
« (…) le vrai sens anthropologique du langage humain (qui) est l’acte de reconnaître, de nommer, de définir, de saisir l’essence d’un réel, et cela pour l’autre ou avec l’autre, acte spirituel qui est très différent de ce qu’on veut faire aujourd’hui du langage. » (Roger Mucchielli, Analyse existentielle et psychothérapie phénoméno-structurale, Bruxelles, Charles Dessart, 1967, note p. 281.)
Avec fierté Bovard contemple le fruit de son labeur et : « (…) parce qu’il lève son verre, il lève dans le jour du jour ressuscité ; il lève dans la transparence une transparence plus grande. Il lève dans la lumière passagère une lumière définitive et fixe, dans le soleil voilé, un soleil sans nuage, un soleil plus jamais obscurci, un soleil qui ne s’en va pas ; tiré du temps, soustrait au temps. » (p. 291)
La poésie a la faculté d’élever notre cœur et notre esprit à une dimension supérieure, spirituelle. Chez Ramuz, la spiritualité demeure à la "taille de l’homme" (titre d’un de ses essais) : partant de ce qui est « au-dessous de nous» et s’élevant jusque « là-haut », elle s’arrête là où « ça nous dépasse » (p. 291). Mais elle prend la forme d’un chant, d’une salutation aux beautés de la nature.

Danielle Gavin

Compléments :

- Passage du poète en ligne

- Sous le pseudonyme de Cendrine Merle, Danielle Gavin est l'auteure d'un livre intitulé Vivre une thérapie - Histoire de pères qui explore les chemins que peut prendre le mieux-être psychologique à partir de l'écriture et de la poésie.


samedi 9 juin 2012

Poésie & Philosophie

Dans notre série de chroniques sur Gaston Bachelard, nous avons été amenés à nous interroger sur les relations qui existent entre la poésie et la philosophie. Pour aller plus loin encore, j’ai demandé à Philippe Tancelin, poète-philosophe, professeur des Universités, directeur du Centre International Inter-universitaire Espaces Poétiques et de Recherches ainsi que de la collection Poètes des cinq continents à L’Harmattan, de nous faire partager ses réflexions à la lumière de sa double expérience.

Avant la philosophie (Héraclite) puis avec la naissance de celle-ci en occident avec Socrate-Platon jusqu'à ce jour (Gaston Bachelard, René Char, Yves Bonnefoy...) la poésie et la philosophie n'ont cessé de s'entretenir suivant un dialogue souvent demeuré éloigné de la scène publique. Le XXe et le XXIe siècle voient réapparaître plus clairement un tel dialogue où la créativité philosophique redécouvre grâce à l'utopie vivante du poétique, la dynamique philosophique propre à la vie politique.

Au XIXe, Hölderlin, poète, et à sa suite, au XXe, le philosophe Heidegger, posaient la question pourquoi des poètes en temps de détresse ? A cette question il était répondu que la poésie était seule capable de capter la lumière dans la minuit du monde.
On pourrait de même se poser la question de savoir ce qu'il faudrait attendre aujourd'hui de la philosophie.
A n'en pas douter, hier comme aujourd'hui, et peut-être encore plus aujourd'hui, étant donné une certaine confusion qui s'est introduite dans une pensée qui a perdu ses repères, ce qu'on cherche n'est pas tant la vérité au-dessus des vérités que le chemin qui pourrait mener à une vérité, compte tenu que la vérité est toujours en création, toujours à créer et vient sans cesse fausser des idées pré-établies.
Ce n'est pas tant la connaissance affirmée de quelque chose, que le chemin de la connaissance et les outils que l'on peut forger en cours de route qui sont importants, en même temps que ces outils ne cesseront chemin faisant de remettre en jeu la connaissance.

Je crois que malgré une époque de réponse à tout, de certitudes acquises, ce qui importe c'est la remise en cause de ses certitudes, la remise en cause de ces vérités. Cette remise en cause n’est pas un moment, une étape de la pensée sur le chemin de la connaissance, mais un mode de pensée même, un mode de pensée dont on pourrait dire qu'il peut nous guérir de la peur de penser.

Nous traversons une époque d'acculturation et d'opposition radicale des systèmes de communication à ce qui est de l'ordre de la création, parce que "créer c'est résister" disait Deleuze non seulement à la mort mais à ce qui veut rendre impossible tous bouillonnements souterrains de l'intelligence et de l'imagination.
Depuis Rimbaud, on le sait, la poésie ne rythme pas l'action, la poésie n'embellit pas les choses et les êtres, la poésie n’ornemente pas la réalité. La poésie est en fait en avant, résolument moderne disait Rimbaud, c'est-à-dire voyante à l'inverse de l'action, de l'activisme, de l'agitation qui sont plutôt aveugles.
La philosophie prépare donc les outils de la connaissance et l'illumination poétique, guide cette connaissance au-delà des choses tangibles. Poésie et philosophie sont donc liées même si dans l'histoire de la pensée occidentale et de la philosophie, la tendance a plutôt été de les séparer. Une exception cependant au XXe siècle, la plus éloquente par son implication dans l'histoire et en particulier l'histoire de la résistance, est sans doute celle de René Char, plus récemment encore on peut citer Yves Bonnefoy, poète et philosophe.

Si la philosophie pose la question de savoir forger les outils, de créer des concepts pour penser le monde, la poésie elle, s'attache à penser le monde non pas tel qu'il nous est donné mais tel qu'il pourrait être en avant même des espoirs et des désirs que l'on pourrait avoir.
La poésie ne s'occupe guère de la réalité, elle la transgresse en parlant de l'irréel comme possible. À l'inverse d'embellir la réalité pour nous la faire accepter dans toutes ses turpitudes, la poésie nous immerge dans une réalité transformée par le réel des possibles.

La philosophie cherche à comprendre et pour cela elle questionne, elle met en doute, elle dit non, avant d'acquiescer et elle est troublante, elle perturbe, elle déstabilise les pouvoirs dans les vérités qu’ils veulent asséner aux hommes sans qu’ils y comprennent quelque chose. C’est d’ailleurs pour cette raison que le philosophe dans l’histoire de notre pensée, lorsqu’il prend la parole sur la place publique prend le risque de se la faire couper, trancher à vif et cruellement.

Dans l’histoire de la pensée en occident, la philosophie n’est pas séparée de la poésie. Socrate parle par allégories, Nietzsche par maximes.

Aujourd'hui on pourrait dire que risquer la parole, en prendre le vrai risque, ce serait de résister à la parlotte, à la communication, de détourner la parole communicante qui ne dit rien mais communique des ordres et entend vérifier à travers les faux débats que les ordres ont bien été entendus... La communication contemporaine contrôle et pervertit la parole.... Ce sont peut-être des espaces de silence dont on a besoin aujourd'hui.... Du silence pour créer du temps qui permet de penser de réfléchir.... Il n'est qu'à regarder entendre les médias, les blancs, les silences sont interdits.... parce que subversifs, c'est-à-dire interruption pour réfléchir et donc résister à la non-pensée toute faite de la réponse immédiate aux questions.... Un dialogue sans silence, sans interruption, une parole pleine sans vide, c'est un soliloque comme en font sans cesse les politiques aujourd'hui..
Comme la philosophie, la poésie n'acquiesce pas, elle parle l'urgence de penser et de vivre autrement.
Elles s’entretiennent donc l’une l’autre, elles se poursuivent. Cet entretien me paraît évident lorsque je mène pour ma part simultanément le questionnement philosophique et l'écriture poétique.

J'ai pu en cela mesurer comment à certains moments dans la tentative de comprendre ce qui se passe dans ce monde, on rencontre une sorte de mur, une obstruction engendrée par la complexification du raisonnement, de la raison et à cet instant la poésie vient au secours... ( le philosophe des sciences Gaston Bachelard en parle très bien. Il montre comment l’intuition de la poésie, elle seule, peut lever cette obstruction grâce à sa liberté de penser sans entrave et en particulier sans contrainte de la rationalité).

La poésie n’est pas une méditation secrète de l’ego de chacun sur lui-même, elle ouvre le dialogue entre des consciences qui ne sont plus séparées par des systèmes de pensée, des idéologies.
En luttant contre le mensonge des systèmes qui isolent les hommes les uns par rapport aux autres, la poésie dégage une visée philosophique dans ce contexte. Cette visée c'est l'utopie politique, cette utopie d'un partage de vérité qui est propre au seul dialogue entre les hommes.

Ce dialogue, cette parole, sont aujourd’hui un mode de résistance contre la démocratie libérale qui fait taire la conscience de ses échecs, qui fait silence sur les causes profondes de ce qui arrive aujourd’hui à travers le monde et transforme chaque citoyen en caisse d'enregistrement de performances, de mensonges et de manipulations.
La poésie jointe à la réflexion philosophique sur l'expérience pragmatique et sensible du quotidien, restaure la capacité de chacun à percevoir la réalité comme insupportable .
La poésie et la philosophie qui joignent la jouissance politique à la critique produisent ainsi ce qu’on pourrait appeler « les transes poétiques de la vérité ».
Par de telles transes s’opère une sorte de thérapie douce de l'esprit qui rend à nouveau sensible et proche, à nouveau tangible, tout ce à quoi la dénaturation du politique nous a rendu indifférents.
La créativité philosophique redécouvre grâce à l'utopie vivante du poétique, la dynamique philosophique propre à la vie politique, celle qui cherche un monde du partage de vérité qui rend la vie humaine possible.

Philippe Tancelin
Janvier 2012

-Complément :

-L’œuvre de Philippe Tancelin, autant philosophique que poétique, a été publiée chez plusieurs éditeurs dont Hachette, Seghers, Le Mercure de France et L'Harmattan. Du 20 au 28 juillet prochain, il sera l'invité du festival de poésie Voix Vives de Sète.

samedi 2 juin 2012

Lire et relire Bachelard - V

Dans une précédente chronique, nous avions évoqué les manières différentes que pouvaient avoir un poète et un philosophe de lire Gaston Bachelard. Il ne s'agissait pas bien sûr pour nous d'établir une hiérarchie, ni de procéder à une séparation tranchée et exclusive. Le poète peut lire Bachelard en y intégrant une dimension philosophique et le philosophe peut faire de même en activant en lui ce qu'il y a de poétique. Simplement nous voulions insister sur la différence de perspectives. Du poète va jaillir avant tout de la poésie, du philosophe va s'échapper en premier lieu de la pensée. Poésie à dimension philosophique, philosophie à dimension poétique, il faudra revenir sur cette question importante. Mais poètes et philosophes, ne puiseraient-ils pas finalement à la même source ?

Voici un livre qui va réunir poètes et philosophes pour une lecture encore plus approfondie de Gaston Bachelard. Il s'agit en fait d'un index bibliographique général de l’œuvre du philosophe. Voici donc un outil très utile qui n'existait pas jusqu'à présent. Certes quelques livres de Bachelard possédaient déjà un index des noms cités, mais pas tous. Désormais, il sera possible de connaître toutes les références utilisées par l'auteur. L'ouvrage est très bien fait. Les noms apparaissent comme il se doit par ordre alphabétique, quelques mots donnent la qualité de la personne, ses dates de naissance et de décès, le livre et la page où elle figure.
Une présentation de l'ouvrage nous apprend que deux tiers des noms relèvent du domaine scientifique, le reste est relatif au champ poétique et littéraire. On sait que l’œuvre de Gaston Bachelard compte un volet épistémologique et un volet poétique auquel s'ajoute encore une partie métaphysique.
A chacun, au gré de ses intérêts, de parcourir l'ouvrage, d'y choisir un nom et de voir ensuite comment il croise ou traverse l’œuvre du philosophe : rencontre occasionnelle ou plus durable. De ces intersections devraient naître de nouvelles perceptions et au final une connaissance plus juste et plus intime du cheminement philosophique et poétique de Gaston Bachelard.

Complément :

- Le livre a été réalisé sous la direction de Jean Libis, par Fabio Ferreira, Catherine Gublin, Sarah Mezaguer, avec la collaboration technique de Marie-Thérèse Gorin. Il est édité par les Presses universitaires de Franche-Comté et vendu au prix de 7 €uros.