Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 28 décembre 2013

En hommage à Pierre Sentenac

Au mois de septembre la présentation de l'exposition Collage en pays d'Oc avait été l'occasion de montrer qu'un blog pouvait produire des interactions entre différents créateurs et stimuler des initiatives. En l’occurrence, c'est l'exposition consacrée à Ghislaine Lejard qui avait aidé Frédéric Figeac dans son action pédagogique menée avec ses élèves autour du collage.
Aujourd'hui, nous montrons qu'un nouveau média ne supplante pas un ancien mais au contraire peut lui donner de la force. En effet l'exposition La tête dans les étoiles que nous avions consacré à Pierre Sentenac en août 2010 a donné naissance à un beau livre qui reprend les tableaux présentés ainsi que les textes qui les accompagnaient. S'y ajoutent d'autres éléments dont un entretien de l'artiste avec Michèle Serre et une approche poétique de Laure Dino, toutes les deux bien connues des lecteurs de ce blog.


Nous nous réjouissons de cette parution qui permet d'aller plus loin dans la connaissance d'un artiste discret et exigeant dont les recherches ont exploré à la fois les dessins à l'encre, les collages ainsi que le travail de la couleur. "Admirateur de l'ancienne civilisation chinoise, je crois à la nécessité d'une pratique de l'art dans un esprit de contemplation" confie Pierre Sentenac dans l'entretien tout en faisant part de ses affinités occidentales avec les Impressionnistes, Hartung, Soulages ou encore Tapiès. Mais c'est avant tout dans la relation espace/temps que se met en route chez lui la création. "Ainsi est-il primordial pour moi de saisir dans l'instant ce qui s'offre à moi d'une manière neuve à travers de multiples vibrations." explique-t-il en rappelant plus loin sa fascination pour le ciel avec "ses jeux de couleurs, ses turbulences et ses douceurs, ses rythmes aquatiques...".  C'est là qu'il trouve son plaisir de peindre qui : "surpasse tous les discours autour de la peinture. Quintessence du geste sur la page blanche."

Les espaces lumières, 1976, Huile/bois, 61x83

Complément :
- Ce livre de 58 pages, abondamment illustré d’œuvres de l'artiste, a été tiré à 100 exemplaires numérotés sur papier vergé. Il est vendu 20 € à commander à pierresentenac@orange.fr.

samedi 21 décembre 2013

Le n°30 de Chiendents

La revue Chiendents continue son chemin et j'ai pris du retard pour signaler des numéros concernant des poètes déjà présentés dans ce blog. Ce numéro 30 est consacré à Colette Gibelin et porte en sous-titre : "Entre doute et ferveur".


En voici l'éditorial :

Ce nouveau numéro de Chiendents consacré à Colette Gibelin nous invite à faire un bout de chemin avec une poète qui n'a pas renoncé au lyrisme.
Ce lyrisme, Henri Denis en montre, dans un long article introductif, la dimension ontologique. Les lectures qui suivent viennent compléter par petites touches cette vision d'ensemble et l'éclairer sous différents angles.
Anne Briet voit Dans la ferveur et le doute, un texte testament de grande portée. "Cette réflexion philosophique, métaphysique de l'aventure humaine n'est pas le moindre charme de ce long poème", notera-t-elle.
Chantal Danjou et Jean libis s'attarderont quant à eux sur Un si long parcours. "Fil d'une vie, biographie discrète et en même temps l'indicible que permet le poème, le secret, le silence qui courent sous le dit " remarquera la première. "Malgré le fleuve qui nous emporte nous ne cessons de recommencer. Et cela tu le dis avec une insistance qui me paraît fondamentale et qui se suffit à elle-même..." dira le second.
Puis Jacquette Reboul nous fera partager ses impressions sur Sable et Sel et écrira que "Sa beauté crée une joie incessante, elle émerveille". Comme elle, Roger Gonnet a aimé La grande voix lointaine dont il reconnaîtra que "C'est elle encore qui révèle l'universel, l'immensité qui reste en nous "même si tout s'effrite"".
Afin de goûter à notre tour à la poésie de Colette Gibelin, et de la suivre entre doute et ferveur, un choix de poèmes nous fera entendre sa voix discrète et profonde.

Complément :
- Ce n° 30 est vendu 3€ + 2€ de port, à commander aux Éditions du Petit Véhicule, 20 rue du Coudray - 44000 Nantes.


samedi 14 décembre 2013

Sofia en été

Après m'être attardé à plusieurs reprises sur la Turquie à travers sa poésie, je voudrais aujourd'hui parler de la Bulgarie. Durant l'été 2011, j'ai eu l'occasion de m'y rendre et ce séjour m'a inspiré un livre.


Voici comment Philippe Tancelin l'a présenté en quatrième de couverture :

Jean-Luc Pouliquen nous offre ici plus que des notes sur son voyage à Sofia en Bulgarie mais une série de tableaux vivants sur la ville, ses intellectuels, sa cuisine ; ses jardins et ses odeurs.
Gaston Bachelard est la mine de ce témoignage, Sofia, la surface des rencontres et dans l’intervalle du philosophe et de la ville, Liuba, personnage attachant et guide du poète qui sans cesse tisse la dramaturgie du voyage et du dialogue de l’auteur avec sa propre mémoire des lieux, des journées passées et de la menace persistante de cette échéance du retour sur Roissy.
Il y a dans ce texte une poétique du voyage dont l’auteur témoigne comme d’un bijou précieux dont on ne sait encore à qui on va l’offrir et nous lecteurs jusqu’à la dernière ligne, espérons en avoir été le destinataire privilégié.


Et comment Andrea Genovese en a rendu compte dans sa revue Belvedere :

Poète et critique littéraire, amoureux de Bachelard, Jean-Luc Pouliquen a eu la chance de participer à de nombreuses rencontres internationales autour du philosophe, en nouant des liens d’amitié avec quelques uns des participants. Entre ceux-ci Liuba, une femme russe, bulgarisée si on peut ainsi s’exprimer durant le régime soviétique, professeur de lycée, mariée avec un mathématicien informatique au chômage, deux enfants. C’est avec cette famille que Pouliquen passe quinze jours d’un mois d’août à Sofia. Il en a tiré un petit Journal plein de notations quotidiennes, qui s’élèvent souvent à des réflexions culturelles et politiques sur l’histoire millénaire de cette capitale, située à six cent mètres d’altitude aux pieds des Balkans et pas lointaine du Danube, au croisement de plusieurs civilisations, grecque, turque, thrace, romaine et autres, une plénitude tragique et vertigineuse d’invasions et de métissages. La religion orthodoxe rappelle à Pouliquen, à travers l’hérésie bogomile, les Cathares, son origine occitane, tandis que les banlieues lui rappellent son travail d’animateur culturel dans les banlieues parisiennes. Par une excursion à Plovdiv, cité très ancienne au cœur de la Bulgarie, on hume aussi le parfum des petits savons de la célèbre Vallée des Roses. Mais ce sont surtout les promenades dans les bois autour de Sofia à toucher l’âme poétique de Pouliquen, en compagnie de ses hôtes, dont il comprend, impuissant, les difficultés matérielles affrontées avec la fierté d’un peuple habitué depuis des siècles aux avatars de la vie. Dans tout le récit, timide et discret, court un sentiment d’amitié délicat et presque amoureux pour Liuba et son pays.

Compléments :
- Le livre sur le site de l'éditeur.
- Une lecture de Michèle Serre.

samedi 7 décembre 2013

Poésie de Turquie - V

Au cours de la dernière édition des Voix Vives de Sète, en juillet dernier, j'ai fait la connaissance de la poétesse Müesser Yeniay. Cette rencontre a été pour moi une manière de prolonger ce que j'avais vécu à Istanbul au mois de juin et dont j'ai déjà rendu compte dans ce blog. Müesser Yeniay incarne en effet la nouvelle poésie turque et je suis heureux de pouvoir l'inscrire aujourd'hui à la suite des poètes que j'ai déjà présentés.


Müesser Yeniay est née le 5 septembre 1984 à İzmir (Smyrne). Elle a étudié à l'Université d'Ege, est diplômé en langue et littérature anglaise. Elle a déjà reçu plusieurs prix de poésie dont le Prix Attila İlhan en 2007 ainsi que le Prix Ali Rıza Ertan en 2009.
Son premier recueil est paru en 2009. Son deuxième livre, J'ai construit ma maison sur les montagnes, publié en 2010, rassemble ses traductions de poèmes choisis à travers le monde. Sa dernière parution, en 2011, s'intitule J'ai redessiné le ciel.
Müesser Yeniay a traduit le poète persan Behruz Kia, avec le titre Requiem pour les tulipes. Elle-même a été traduite en français, anglais, arabe, hébreu, italien, espagnol, bosniaque et serbe. Elle a par ailleurs participé à plusieurs festivals internationaux de poésie en Bosnie-Herzégovine, Israël, Serbie, États-Unis et Inde.
Enfin, elle s'occupe de la revue de poésie Şiirden tout en continuant ses études supérieures dans le domaine de la littérature turque à l'Université de Bilkent. Elle est membre du Pen-Club ainsi que de  l'Union des Écrivains de Turquie.

Voici quelques uns de ses poèmes traduits par Claire Lajus :

Étrangère surtout à moi-même

Je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi

Je l’observe de ma nuque
de mes cheveux ses cheveux  de mes mains ses mains

les racines de mes mains sont sous terre
je suis au-dessus de moi-même une terre souffrante

combien de fois
j'ai laissé sous la pierre mon esprit opprimé

je dors pour qu'il se repose
je me réveille pour qu'il s'en aille
- que dois-je apprendre du sommeil-

je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi



A présent ne me parlez pas des hommes 


Je souffre tant que
je réveille les pierres souterraines

ma féminité
ma tirelire que l’on remplit de pierres un nid à vers,  à pics verts
descendant sur son corps,  tanière pour les renards,
de nouvelles graines sont parsemées sur mes bras
on recherche l’homme de sa vie, c’est un sérieux problème

ma féminité est mon hors d’œuvre
et mon aine la maison d’une absence le monde s’arrête là
bravo à toi qui t’y jette parmi ses déchets

en arrivant raconte-lui la chair se détachant de l’ongle vécu avec la science de l’arrachement
raconte-lui cette maladie sans pitié

dans vos regards sa chair a froid comme un agneau tondu
moi je ne vous suis pas redevable de l’utérus de votre mère, mon cher ma féminité, un continent usurpé
je ne suis pas non plus un champs à semer… creusez en mon corps cet organe que je n’ai pas si j’avais pu le faire glisser tel la mue d’un serpent vers le crime de ne pas être mère

ce que l’on divise n’est pas la patrie mais le corps des femmes à présent ne me parlez pas des hommes


Deuil originel

Être femme
signifierait avoir été envahi, mère

ils m’ont tout pris

une femme mon enfance  un homme ma féminité
que dieu ne crée pas la femme  dieu ignore l’enfantement
voilà les côtes de tous les hommes ont été cassées

notre nuque est plus fine qu’un cheveu
les hommes comme à un enterrement nous portent sur leurs épaules

nous avons été soumises

nous nous sommes envolées légères comme une plume d’un univers à un néant

même mes paroles sont la trace de leurs pas, mère.


 Complément :
- L'auteure sur le site de son éditeur.










samedi 30 novembre 2013

Un bout de chemin avec Andrea Genovese - V

Nous terminons ce mois en compagnie d'Andrea Genovese, en évoquant quelques unes de ses pièces qui ont été jouées à Lyon la ville où il réside depuis 1981. Nous continuons ainsi, comme nous l'avons déjà fait avec Charles Galtier et Hasan Erkek, à montrer les liens étroits qui ont toujours existé entre la poésie et le théâtre.


"La Compagnie LE FORUM a le plaisir de vous inviter à découvrir la pièce d'Andrea GENOVESE dans laquelle, avec une désinvolture qui dépasse sa manière sicilienne, il nous fait un exposé mélo-tragico-comique de sa vision très singulière du monde d'aujourd'hui et ses controverses, ses cruauté et ses intérêts.
En effet, dans sa pièce BECQUEREVES 89,  Andrea Genovese, à travers l'histoire d'un personnage simple d'un village sans importance nous fait vivre la drame auquel chacun de nous désormais est exposé aujourd'hui, puisque nous devons tous, d'une manière ou d'une autre, souffrir les conséquences de notre avancée technologique ou "scientifique".
Parler sur le nucléaire ou la recherche contre le cancer ou le sida est chose commune aujourd'hui, ce qui l'est moins, c'est de parler de la manière dont Andrea Genovese l'a fait, c'est-à-dire avec une violence comique, tragique et mélo à la fois" écrivait Angelo AYBAR en 1990.


*


 La pièce était présentée ainsi : " Une jeune femme raconte... souvenir lointain, rêve éveillé ou simple délire ? De la cale au pont d'un bateau, quatre personnages se croisent, se scrutent, s'apprivoisent. La narratrice, dernière arrivée à bord, pénètre avec curiosité et inquiétude dans un huis-clos insolite.
Entre fantaisie, mythologie et histoire déformée, , une rêverie poétique intimiste et amusante où toute tentative d'explication rationnelle est vouée à l'échec.
Avec cet étrange "paradoxe du comédien", Andrea Genovese nous livre un nouveau témoignage de sa créativité littéraire et de son univers drôle et féérique".

*


Cette pièce a été jouée dès 1996 : "Une ribambelle de personnages loufoques se réunissant à l'Aquarium Paroissial, dans une atmosphère de frénésie artistique, à l'occasion du vernissage de la bitte sculptée par Jean de la Croix-Rousse.
Ce "mystère religieux", dont l'histoire peut se passer dans n'importe quelle ville "internatiobanale" de l'hexagone, est un pamphlet délirant sur la vie culturelle française, une satire drôle et amère des institutions et des créateurs dans la ronde des subventions et des renvois d’ascenseurs".

Voici ce qu'en a dit la Presse :

" Il y a dans cette écriture une qualité de prononciation qui relève de la tradition humaniste, comme celle que connut Lyon en ses belles heures, quand les artistes imprimeurs et poètes osaient faire ce qu'ils pensaient devoir faire : il y a chez Genovese du Dolet, du Gryphe (acéré), de la Belle Cordière et surtout du Rabelais. Rire, drôlerie et invention verbale inépuisable " (Judith Malla, Lyon-Off)

"La vie de Paroisse ? Délicieusement épouvantable. Une talentueuse fête des mots qui dit l'interdiction de toute parole qui ne soit bénie... Un poème scatologique et eschatologique que décrypteront avec délices les paroissiens fidèles" (Marielle Créac'h, Lyon Poche)

" Une fable satirique. Un pamphlet envoyé à la face bouffie de nos décideurs" (Nicolas Blondeau, l'Extraordinaire)

*
Ces quelques éléments ne sauraient rendre compte de toute la production théâtrale d'Andrea Genovese, dont on trouvera la bibliographie complète sur la page Wikipedia qui le concerne. C'est à cinquante-deux ans qu'il s'est lancé dans cette aventure à propos de laquelle il racontait dans un article de Lyon-Figaro paru le jeudi 23 mars 1989 : " Ça n'a pas été difficile. D'ailleurs, ça s'est fait un peu par hasard. Je suis né à Messine. Comme tout mes compatriotes, j'ai un tempérament théâtral, la tragédie dans le sang. Un des fondateurs du théâtre moderne n'est-il pas Pirandello ?"






samedi 23 novembre 2013

Un bout de chemin avec Andrea Genovese - IV

La trilogie romanesque et autobiographique d'Andrea Genovese composée de Falce marina, L’anfiteatro di Nettuno et  Lo specchio di Morgana, n'est pour l'instant accessible qu'en italien. Voici toutefois quelques extraits traduits en français, par Vanessa Del Pizzol que nous remercions, d'articles rendant compte de la sortie de Falce marina.


Faux Marine est un « Manège » de souvenirs, d’images et de poésie. De vie quotidienne, de petits et grands événements historiques, de personnages et de robes à fleurs qui apparaissent et disparaissent devant les yeux d’un enfant de l’après-guerre dans la banlieue de Messine, où la vie n’est pas facile, où l’eau est encore un bien précieux qu’on ne gâche pas, même pour se laver la figure une fois par jour, où trouver des escargots est source de joie parce que, au moins, on ne mourra pas de faim.
En lisant le roman on a la sensation que le récit des événements (des tableaux qui, à y regarder de plus près, semblent révéler jusqu’aux odeurs et aux sonorités) est effectué par deux personnes : l’écrivain Genovese et le jeune Andrea. En avançant dans l’histoire, on se rend compte que c’est chose normale car, comme l’auteur lui-même l’admet, il y a toujours eu en lui deux personnes cohabitant en un « dédoublement », « un enfant […] et un autre personnage fuyant qui s’était invité de lui-même ». Le premier raconte ce qu’il a vécu de nombreuses années auparavant, comme s’il le revivait, mais de manière différente, avec un regard critique et très souvent sarcastique, qui nous livre la chronique du quotidien d’individus qui « vivent au jour le jour », de petits et grands personnages qui peuplent Giostra, nous offrant des moments de divertissement semblables à ceux de notre propre enfance.
Un petit monde qui n’existe plus désormais ailleurs que dans nos souvenirs et la nostalgie d’un temps ancien qui revit sous de nouvelles formes, de nouveaux parfums, tourbillonnant comme un manège qui n’en finit plus de nous étonner et de nous rappeler comment c’était avant. Et il y a cette conscience que ce petit monde est ouvert mais dans le même temps fermé, parce que « car je vivais en deçà de cette haie qui du plus lointain horizon, cache au regard une telle étendue ». Genovese, dans son roman, mélange avec grâce et maestria des termes siciliens avec des mots aux nuances étrangères et des signes littéraux qui créent un langage nouveau, linéaire et fluide tout à la fois.

Samantha Giambarresi
(Article publié dans la revue LUNARIONUOVO, nouvelle série n°17 – novembre 2006, p.10)

*

 Toutefois, il me semble que la raison essentielle qui me fait dire que l’œuvre de Genovese est une œuvre de valeur, réside dans la capacité de l’auteur-narrateur à enchâsser ces histoires minimales (en apparence seulement) dans une histoire plus grande, dont les reflets transcendent la reconstitution spatiale et temporelle d’un quartier de banlieue d’une ville de banlieue pour adopter les contours vagues des événements de l’histoire nationale et mondiale vus tantôt à travers la loupe déformante et étrangère de l’ignorance, du besoin, de l’éloignement, des yeux d’un enfant, qui lentement s’ouvrent sur le monde et sur la scène de la vie, tantôt de l’écrivain désenchanté qui ressent faits, événements, idées, comme une « chaleur de flamme lointaine » avec malgré tout la rage contenue de celui qui a vu et voit encore aujourd’hui des hommes et des femmes peupler les rues des marges non seulement de son sol natal mais  du monde entier, enfermés dans le besoin et l’ignorance.
S’ajoute la capacité de Genovese à insuffler vie à ses pages et à son récit en élevant dans l’univers épique du quotidien ce qui pourrait sembler faible, éphémère, infantile, court, énorme, voire désespéré, en un mot tout ce qui définit la vie de la communauté du quartier Giostra, nombril paradigmatique du monde, avec ses lois et ses codes d’honneur non  écrits.

Orazio Nastasi
(ASIS News Année V numéro 22 – 25 décembre 2006)

*

Poursuivons la présentation de cette trilogie romanesque par un reportage tourné à Messine lorsque Andrea Genovese est venu y présenter Lo specchio di Morgana en décembre 2011.



A ce même moment un colloque intitulé La Magnolia Perduta ( Le Magnolia Perdu ) a été consacré à son œuvre à l'Université de Messine avec pour intervenants : les professeurs d‘Université Vincenzo Fera, Santi Fedele, Cosimo Cucinotta, Mario Bolognari, Antonino Velez, Giorgio Forni, Maria Gabriella Adamo, Salvatore Trovato, le metteur en scène Gianni Fortunato Pisani, l’éditeur français Andrea Iacovella.

Complément :

samedi 16 novembre 2013

Un bout de chemin avec Andrea Genovese - III

Nous nous attardons aujourd'hui sur l'activité de romancier d'Andrea Genovese en présentant celui de ses romans qui a été traduit et publié pour l'instant en France. Il s'agit de Croissant de lune faucon et marteau paru aux éditions La Rumeur libre en 2011. Voici ce qu'en écrivait Vanessa Del Pizzol dans le n° 225 de la revue Traduire.

Ce roman d’« anticipation », écrit au milieu des années soixante-dix, publié en Italie en 1983, a paru dans sa traduction française en janvier de cette année. Par une singulière conjoncture historique, le sujet abordé dans cette fiction – une guerre de sécession entre le Nord et le Sud de l’Italie – a des résonances d’une actualité confondante. Il suffira de rappeler que l’année 2011 est celle du 150e anniversaire de l’Unité Italienne, un anniversaire controversé, à l’aune d’une géopolitique dominée par des tentations indépendantistes (l’une des plus visibles et des mieux organisées restant celle que prône la Ligue du Nord) opposant le Nord au Sud. Croissant de lune faucon et marteau, en ce sens, propose aux lecteurs d’aujourd’hui une vision qui va bien au-delà des frontières de la « botte italienne ». L’Europe elle-même se voit confrontée à ce type de tensions dans différents pays, que l’actualité ne cesse d’illustrer.

Outre le caractère visionnaire de ce roman, on est frappé par la puissance des sentiments et des interrogations qui traversent le protagoniste. Vanni, reporter de guerre quinquagénaire, parcourt l’Italie du centre (poumon écologique et maquis) vers le Sud pour rendre compte de l’affrontement violent entre la nouvelle « République Populaire » et la « vieille République Parlementaire ». Cette mission d’information, il l’accomplit tant bien que mal, sur le fil de ses doutes et de ses émotions. Son périple le mène du nord de la péninsule jusqu’à l’extrême sud, par un retour symbolique à ses racines siciliennes. Le regard qu’il porte au début du roman sur la nouvelle configuration souhaitée par les révolutionnaires lui paraît pour le moins hasardeuse : « la République Populaire devait s’en tenir, de manière réaliste, à ses frontières naturelles, historiques et culturelles ».
 Le conflit militaire dont certains épisodes s’avèrent particulièrement sanglants fait resurgir une question fondamentale, celle de l’identité nationale : « il s’agissait de l’identité d’un peuple, une identité nationale à réaliser après des décennies de rhétorique, d’exploitation, d’émigration, de corruption, de clientélisme, de mafia ».
 Une identité nationale que Vanni envisage comme une absurdité :« Nous n’avons rien en commun avec les Nordistes. Ni l’histoire, ni la culture. Nous sommes deux peuples différents. Il n’y a pas de cohabitation possible ».

Tout, dans le roman, tourne autour de cette déchirure insurmontable. Qu’il s’agisse de l’engagement des puissances extérieures (Europe et États-Unis d’un côté, Afrique de l’autre) se calquant sur le schéma bien ancré d’une Italie du Nord riche et européenne vers un sud sous-développé dans son économie et ses infrastructures ou bien, sur un plan individuel, des aventures amoureuses de Vanni qui le conduisent d’Angela et Tina, deux italiennes du Nord (la première, militante comme lui, et la seconde, âgée de 16 ans, rencontrée par hasard dans un car) à Zeudj, journaliste libyenne (sorte d’alter ego intellectuel) avec laquelle il noue une brève mais intense relation à Palerme. Cette dernière représente le rêve africain, la seule issue possible pour Vanni pris dans un conflit identitaire fort entre son statut d’intellectuel et un eros décuplé par la guerre, mais également pour une Europe exsangue, tant sur le plan économique que culturel :

"L’homme occidental, l’homme grec, était toujours aux prises avec son défi de titan lancé aux dieux. Même si Zeudi n’était pas le bon sauvage, elle représentait néanmoins une nouvelle phase, une ligne parallèle de l’évolution humaine. Intègre dans ses structures mentales, l’Afrique préparait en sourdine son hégémonie sur l’Europe, pauvre mendiante de pétrole, que le lent étranglement de l’industrie repoussait vers un nouveau et plus atroce âge de la pierre."

Croissant de lune faucon et marteau
, outre la réflexion qu’il propose sur l’Italie contemporaine et son identité nationale, sérieusement mise à mal ces derniers temps, s’attache notamment à redéfinir une certaine vision de la littérature et des armes dont elle dispose dans un contexte (celui de la guerre telle que l’auteur choisit de la mettre en scène ici) qui exige de la population un positionnement, un engagement. L’engagement, tel est le maître mot qui définit cette première œuvre romanesque livrée à la publication et qui augure de belle manière l’ampleur de l’écriture narrative et biographique dans laquelle l’auteur s’est plongé par la suite, donnant naissance à une suite de romans qui retracent un parcours littéraire et humain particulièrement dense. Le souffle romanesque, l’existence d’un véritable style qui s’abreuve à la poésie, au théâtre et au journalisme, définissant un geste d’écriture ambitieux, sans oublier le questionnement philosophique et politique sur la place de l’homme dans la société, son rapport avec la nature, le rôle de l’Église catholique, ne pourront qu’emporter le lecteur au fil des pages.

L’intérêt de ce roman réside enfin dans le travail de traduction mené tambour battant par le traducteur, Andrea Iacovella, qui est également un ami de longue date et l’éditeur de l’auteur. Italien d’origine maîtrisant parfaitement l’italien et le français, engagé lui aussi dans la littérature (italienne), poète à ses heures, il a voulu faire entrer Croissant de lune faucon et marteau dans le cercle du lectorat français en offrant un rendu du style remarquable, compte tenu des traits caractéristiques de la plume de Genovese (dialecte sicilien, création de mots, références latines et grecques, mélange d’ironie cinglante et de tendresse sensible…) qui font de la traduction un véritable travail de ciselage.

Vanessa Del Pizzol

Complément :

samedi 9 novembre 2013

Un bout de chemin avec Andrea Genovese - II

Lors de la dernière édition du festival Voix Vives de Sète en juillet dernier, Andrea Genovese a pu débattre autour de son œuvre et donner à entendre ses poèmes.

 Roula Safar, Christian Malaplate, Andrea Genovese, Françoise Ascal et
Matthieu Penchinat aux Voix Vives de Sète en juillet 2013
 (Photo Marie-Agnès Salehzada)


Nous en présentons quelques uns dans les trois langues utilisées directement par le poète : l'italien, le français et le sicilien. Ils ont partie liée avec la mer Méditerranée trait d'union entre la ville de Sète et Messine, cité natale d'Andrea Genovese. Les traductions ont été confiées à Vanessa De Pizzol.

Deux poèmes en français

Vert chantant des persiennes
je redoute la bouffée de poix
que la chaleur dégage
sous mes pieds prodigues

Ce visage à la fenêtre
sorti d’une toile d’Antonello...

Briques rouges dénudées
toutes les blessures des maisons
restent là ineffaçables fidèles

J’ai mélangé les langues
ma tour ne tient pas debout

          *

Je suis un labyrinthe sous-marin

Toutes carrées les pièces
toutes bien jouées

Je suis un fil raide
d’acier de mots

Le monstre sirénien
que je suis
ne connaît que l’angoisse
de son double aquatique

Il a cette forme instable
de l’eau que je suis

Je ne viendrai jamais à bout
du jeu que je suis

Je suis et je poursuis
une image que je ne suis pas

Ariane sur un lit d’algues
endormie

Un poème en italien avec traduction

 Esplode il mare.
Il mare si fa duna
nuvola gabbiano.
Viaggio.

Accostare le voci i piani glissanti
le uova covate nella mente
la maliziosa pera galleggiante.

La gelatinosa materia si contrae.

Si riduce il mare
oltre i margini dell’arbitrio.
Agonizza il mare
sopra asciutte terre.

Carcasse di navi
ardono al sole
milioni di arche da diporto.

E questo lupo di mare
con figlie incestuose
è prosciugato sul punto di salpare.


Explose la mer.
La mer se fait dune
nuage mouette.
Voyage.

Accoster les voix les replats glissants
les oeufs couvés par le souvenir
la malicieuse poire flottante.

La matière gélatineuse se contracte.

Se réduit la mer
au-delà des marges de l’arbitraire.
La mer agonise
sur des terres arides.

Des carcasses de bateaux
brûlent au soleil
des millions d’arches de plaisance.

Et ce loup de mer
aux filles incestueuses
est asséché sur le point de lever l’ancre.

Un poème en sicilien avec traduction

Ficarazza chi svintulii a-mmari
chî ficadinnia chi-pparunu lantenni
tu sì na bacchiceddra pitturata
nu puppiceddru viddi chi no-nnata.

Tu sfidi u suli e u ventu 
a rina e a pùbbiri dâ strata
ficarazza sulitaria
rumita
chi-nni nsignasti a tô filosofia dâ vita.

A-ttia ti basta a pacenza di campari.
Di campari pi-nni inchiri l’occhi
dû to viddi a-mmari
pi-nni rinfriscari nta la gran calura
cu stu fruttu i povirazzi
osticu fora e intra bbonu com’u pani.

Vasciddruzzu sì caricu i licori
ficarazza
ch’apri all’aria i bbrazza
pi-nni cunuttari.


Figuier de barbarie qui remue au vent
vers la mer
avec tes fruits qui ressemblent à des lanternes
tu es une barque joliment décorée
un poulpe vert qui ne sait pas nager.

Tu défies le soleil et le vent
le sable et la poussière de la route
figuier de barbarie solitaire
hermite
qui nous as enseigné ta philosophie de la vie.

Tu te contentes de la patience de vivre.
De vivre pour nous emplir les yeux
de ta verdure maritime
pour nous rafraîchir dans la grande chaleur
avec ton fruit de pauvres gens
râpeux à l’extérieur et à l’intérieur bon comme le pain.

Tu es un petit vaisseau chargé de liqueurs
figuier de barbarie
qui ouvre grand les bras
pour nous consoler et nous donner du courage.

Complément : 
- Christian Malaplate reçoit Françoise Ascal et Andrea Genovese accompagnés par Roula Safar dans son émission Traces de Lumière durant les Voix Vives de juillet 2013.

samedi 2 novembre 2013

Un bout de chemin avec Andrea Genovese

Après Bernard Perroy et Philippe Blondeau, c'est avec Andrea Genovese que nous allons faire un bout de chemin, et cela tout au long de ce mois de novembre. Les trois poètes ont un lien commun, ils sont à différents titres reliés aux poètes de l’École de Rochefort. Si Bernard Perroy a été un proche de Serge Wellens, si Philippe Blondeau s'inscrit dans le sillage de Jean Follain, Andrea Genovese a entretenu des relations amicales avec Jean Bouhier et plus encore avec Jean Rousselot.

Jean Rousselot, Jean Bouhier, Andrea Genovese et Jean Antonini à Lyon en 1986

Tous ces poètes ont célébré de manière inédite le quotidien et c'est autour de ce thème que j'ai rencontré Andrea Genovese à Lyon en 1986, lors de journées organisées par l'association Poésie-Rencontres. En juillet dernier, j'ai eu le plaisir de le retrouver durant la dernière édition du festival des Voix Vives de Sète. Ce fut une occasion d'évoquer le chemin parcouru entre ces deux rendez-vous distant de plus d'un quart de siècle. Je vais m'employer tout au long de ce mois à en restituer quelques éléments. Mais commençons par une présentation générale de l'auteur :

 Andrea Genovese est né à Messine en 1937. Il écrit en trois langues : italien, français et dialecte sicilien.
Réfugié avec sa famille entre 1943 et 1944 à Santa Croce sur l’Arno, il a connu enfant les horreurs de la deuxième guerre mondiale (un soldat allemand a braqué le canon de son fusil sur sa tempe pour obliger son père à sortir d’un abri anti-aérien). Il gardera malgré tout un souvenir nostalgique de cette petite ville toscane qu’il réévoque dans ses romans.
Après avoir terminé le lycée dans sa ville natale et fait son service militaire à Palerme, il s’installe à Milan en 1960. Il y reste jusqu’en 1980, vivant d’un modeste emploi de fonctionnaire et développant une activité politique et syndicale intense, qui prend, entre autres, la forme d’un journal d’entreprise qu’il dirige, Dimensione Uomo (Dimension Homme) dont le supplément littéraire témoigne encore aujourd’hui d’un grand courage intellectuel.
Il a collaboré à de nombreuses revues italiennes, dont Il Ponte, Vie Nuove, Uomini e Libri, La Nuova Rivista Europea. Nombre d’entre elles, en Italie comme à l’étranger, ont publié ses textes poétiques.
Avant son installation en France, où il réside depuis 1981, il a publié de nombreux recueils de poésie (dont Bestidiario et Mitosi, tous deux publiés chez Scheiwiller), deux recueils en dialecte de Messine (Ristrittizzi, Pungitopo éd., Prix Vann’Antò, et Tinnirizzi, Intilla éd., Prix de la Ville de Marineo) ainsi que deux romans (Mezzaluna con falcone e martello et L’arcipelago lontano, Pungitopo éd.).
En France, il a fondé Belvedere, une revue anticonformiste traitant d’actualité politique et culturelle (récemment reprise sous forme électronique). Il a publié quatre recueils de poésies écrites en français. Sa production théâtrale, également en français, a été représentée dans sa quasi-totalité. Une de ses comédies a été diffusée sur les ondes de France Culture. Il est sociétaire-adjoint de la SACD. Nombre de ses livres, ainsi que la revue Belvedere, dans sa version papier, font partie du catalogue de la Bibliothèque Nationale de Paris et de Lyon.
Il a collaboré dans la rubrique « Arte » du Corriere della Sera en produisant une centaine d’articles sur les expositions des musées français les plus importants.
Il a écrit récemment un cycle de romans autobiographiques en italien. Les trois premiers, Falce marina, L’anfiteatro di Nettuno, Lo specchio di Morgana, ont été publiés aux éditions Intilla en 2006, 2007 et 2010. Le quatrième est inédit. Le roman Mezzaluna con falcone e martello, publié en 1983 et réédité en 2009 aux éditions Pungitopo, a paru en 2011 dans sa traduction française (Croissant de lune faucon et marteau) aux éditions La Rumeur Libre.

Complément :
- Andrea Genovese sur Wikipedia.

samedi 26 octobre 2013

Poésie de Turquie - IV

Nous terminons cette première série consacrée à la poésie turque, avec une présentation de Serpilekin Adeline Terlemez qui vit actuellement en France et écrit directement en français. Comme Hasan Erkek, elle se situe à la croisée des préoccupations théâtrales et poétiques.


L'auteure est aussi écrivain-traductrice. Elle est docteur en esthétique, science et technologie des arts, spécialité théâtre de Samuel Beckett et membre du Centre International de Créations d'Espaces Poétiques de l'Université Paris 8. C'est dans le département théâtre de l'Université d'Ankara qu'elle a préparé sa maîtrise qui portait sur le théâtre de marionnettes (relation marionnettes / marionnettiste). Ses activités se concentrent actuellement autour de la rencontre des langues et des cultures au sein de la poésie et du théâtre. Deux livres publiés à L'Harmattan attestent de sa présence dans les deux domaines. C'est ainsi qu'elle a écrit Théâtre innommable de Samuel et pour la poésie le recueil mon ombre et moi sur lequel nous allons maintenant nous pencher.


Ce livre d'une grande profondeur permet d'assister comme l'écrit Serpilekin Adeline elle-même à : "la renaissance d'une langue dans une autre langue". Il est traversé par un appel général à l'envol que confirment les deux dessins de Vedia Yeșim Bayanoğlu, en début et en fin d'ouvrage, représentant des colombes aux ailes déployées. L'auteure écrira encore : "Moi / que je suis moi maintenant / j'aime être moi / avec toutes celles / et / tous ceux / qui / prennent part / à la poussée / de mes ailes / vers le bonheur."
Dans ce dialogue entre l'ombre et la lumière, le corps et l'âme, le visible et l'invisible, il s'agit  d' "imprimer un but / imprimer un sens". Comme nous l'indique le texte de la quatrième de couverture : "Ce dialogue avec l'ombre est à la fois une méditation sur la lumière tamisée par nos peurs, nos incapacités à l'accueillir dans sa force renversante et une exhortation à l'écoute du souffle d'espoir inachevable qui veille chaque aube, chaque heure venues d'ici comme d'ailleurs" et cette invite à la lecture du beau recueil de Serpelikin Adeline Terlemez se termine ainsi : "La poésie court au long de l'ensemble de l'ironie à la gravité en passant par le grand rire d'une sagesse qui se cherche à travers ces premiers grands pas dans l'écriture en travail".

Complément :
- Le livre sur le site de l'éditeur

samedi 19 octobre 2013

Poésie de Turquie - III

Cette troisième rubrique concernant la poésie turque est consacrée à Hasan Erkek. Elle nous permet comme nous l'avions fait précédemment avec Charles Galtier de montrer que la poésie et le théâtre se fécondent souvent mutuellement.


Né en 1970, Hasan Erkek est en effet poète et dramaturge. Il est prof. dr. de l'Université Anadolu-Conservatoire d’État d'Eskisehir. Il a écrit des pièces pour le théâtre et la radio, des scénarios de films et des poésies pour les enfants les jeunes et aussi les adultes. En voici deux qui ont été traduites en français par Sevgi Türker Terlemez :

DİLENCİ

Ne olur sahici bir gülüş
Vereceğiniz çiçekten geçtim
Vuracağınız bıçak bıçak olsun

MENDIANT

de grâce, un vrai sourire
de vos fleurs, je m'en dispense
votre poignard,  pourvu qu'il soit le vrai.


ŞİİR

şiir sevgilimdir benim
alımlı, nazlı
ayartır beni durmadan
aldatırım hayatı
birkaç güzel dizeyle

POÉSIE


poésie est  mon amante
fragile et charmante
qui n'arrête pas de me séduire
je déjoue la vie
par  quelques beaux vers.


*

Les créations d'Hasan Erkek lui ont valu quatorze prix au niveau national et international. Ses pièces ont été jouées par plus de trente troupes professionnelles à la fois dans son pays (Théâtres d’État, Théâtres de la ville d'Istanbul, Théâtres de la Ville d'Eskisehir, théâtres privés) ainsi qu'à l'étranger (Algérie, Cameroun, Kosovo, Liban, Chypre). Une vingtaine de ses pièces écrites pour la radio ont été mises en ondes sur la Radio-Télévision de Turquie (TRT). A ce jour vingt de ses livres ont été publiés en Turquie, en Allemagne, en Géorgie, en Croatie, en Arménie, en Azerbaïdjan et en France. Sa pièce Le Seuil a paru en mai dernier à L'Harmattan.


L'auteur l'a conçue dans le cadre d'une trilogie qui nous permet d'approcher à travers les personnages bien réels et en même temps porteurs de poésie qu'il met en scène, les tourments qui ont secoué la société turque. Dans La Contrepartie il étudiait le passage d'une société féodale à une société moderne et les contradictions qui en résultaient. Dans Le Seuil il nous fait partager la situation d'une famille qui cherche à s'adapter à la vie d'une petite ville en abandonnant ses coutumes et habitudes rurales. Dans L'Engrenage il explorera l'aliénation des gens de la campagne résultant de leur confrontation dans les grandes villes à l'esprit petit-bourgeois. Dans chaque pièce, une famille différente est étudiée. mais les drames qui y sont évoqués peuvent être en fait étendus à de nombreuses familles de l'ensemble du pays.
En quatrième de couverture nous pouvons lire en conclusion : "Le Seuil plutôt que de donner des solutions toutes prêtes est une pièce qui cherche des réponses aux questions et qui montre aussi combien cette recherche est difficile..."
Ainsi va le poète dans son rôle d'éveilleur des consciences.

Complément :
- La pièce sur le site de l'éditeur

samedi 12 octobre 2013

Poésie de Turquie - II

Continuons notre présentation de la vie poétique turque en faisant aujourd'hui quelques pas avec Mesut Şenol dont j'ai montré précédemment le rôle actif qu'il a joué dans la réussite du festival Poetistanbul de mai/juin dernier.


Mesut Şenol à travers ses nombreuses activités est un passeur.  Il est à la fois : journaliste, écrivain, poète, traducteur, animateur de télévision et formateur à la parole en public. Il est aussi directeur de publication de la revue Rosetta Literatura. A travers elle, Mesut Şenol veut promouvoir une littérature mondiale. Des auteurs de tous les continents y sont publiés, chacun dans sa langue avec une traduction commune en anglais. La revue tire son nom de la célèbre pierre de Rosette qui permit de déchiffrer les hiéroglyphes.


Les poèmes de Mesut Şenol ont déjà été traduits en plusieurs langues et publiés dans de nombreuses revues. Il est à ce jour l'auteur de trois recueils. Le dernier s'intitule AŞK ÖLMEZ / LOVE SURVIVES
 

Il commence par le poème qui suit, celui qui a donné son titre au livre :

AŞK ÖLMEZ

Duygular hüküm sürer dünyasında insanların
Ejderhalar ve yıldızlar göklerde uçar zorlanmadan
Zamanı gelmişse etkili sözler yumuşatır yürekleri
Cennetimsi köşelerde güzelleşir müziğin dili

Dostluk hiç bu kadar gerekli değildi bizim için
Şefkatli eller sihirli değnekleri sallasın
Hoşgörü için kıvranan dünya değişmeli
Sevgi koroları ölümsüz şarkılarını söylemeli

 Sevgi limandır en tutkulu arzular için
Karşısında hazırdır savaşa uğursuzun 
Adem ile Havva’nın yazgısı belli değil mi
Yine de her şeye karşın sevgi yarışın galibi

L'AMOUR SURVIT

Des nuées d'émotions règnent au pays de l'Homme
Dragons et étoiles volant sans efforts dans le ciel
Les mots qui portent assouplissent les cœurs
                                                 quand le temps est juste
La langue de la musique embellit sous les voûtes célestes

Jamais nous n'avons été autant en demande d'amitié
Que des mains bienveillantes agitent des baguettes magiques
Le monde qui s'efforce de devenir tolérant peut changer
Des chœurs d'amour doivent entonner leurs chansons éternelles

L'amour est le havre des désirs les plus passionnés
Il est prêt à affronter les présages les plus sombres
Même le destin d'Adam et Eve est scellé
Et pourtant c'est l'amour qui reste gagnant 

(Traduction Sevgi Türker Terlemez / adaptation Jean-Luc Pouliquen)

Compléments :
- Le site de Rosetta Literatura
- Le site de Mesut Şenol




samedi 5 octobre 2013

Poésie de Turquie



A la fin du mois de mai dernier, je me suis rendu à Istanbul pour participer à un festival de poésie. A plus d'un titre ma participation à cet événement restera à jamais gravée dans ma mémoire.
Le moment tout d'abord était historique. Tout un peuple se dressait dans les rues pour réclamer plus de liberté. Cette marche authentiquement progressiste pour rompre avec tous les archaïsmes était à la fois impressionnante et émouvante. Une énergie, une sève montante, irriguaient toute une société résolument tournée vers l'avenir.
Il y avait ensuite ce cadre exceptionnel que représente la ville d'Istanbul point de rencontre entre l'Occident et l'Orient. La croisière sur le Bosphore qui clôtura le festival nous en donna une vision purement poétique transcendant les vicissitudes de l'Histoire.
Il y eut enfin le festival lui-même organisé par une équipe chaleureuse et ouverte, totalement dévouée à la cause poétique. Je saisis l'occasion pour remercier son président Salih Zeki Tombak ainsi que Mesut Şenol qui assura le bon déroulement de ces journées dans un contexte qui ne lui facilitait vraiment pas la tâche. Je voudrais aussi exprimer ma gratitude envers Sevgi Türker Terlemez qui prépara depuis la France ma participation à ces journées et envers le poète et dramaturge Hasan Erkek à qui je dois une visite inoubliable du centre historique d'Istanbul.
La qualité d'une rencontre tient autant à ses organisateurs qu'à ses participants. Ces derniers étaient venus de Colombie, des Balkans, de Syrie, de Palestine, d’Égypte, du Maroc et  bien sûr de Turquie, des différentes parties de la Turquie. Ce qui me frappe encore c'est la communion réelle qui s'est opérée entre tous, personne n'ayant pris la posture individuelle, n'ayant flatté son ego. Le nous l'a emporté sur le je, c'est ce qui a fait la réussite de ce festival.
Une anthologie a été éditée pour l'occasion.


Elle contenait en ouverture ce manifeste :

LA POÉSIE L'EMPORTERA TOUJOURS !

Notre époque nous soumet à des attaques permanentes. Pour nous humains, cela signifie une nouvelle manière de vivre.

C'est une vie définie par le capitalisme mondialisé.


C'est une vie de consommation et de réseaux mondiaux de communication. C'est une vie où les entreprises transnationales s'emparent et dominent tous les médias et avec : l'eau, l'air, le territoire, l'humanité elle-même.

C'est une vie qui attaque sans remords l'expérience humaine fondamentale.

L'humanité possède un pouvoir, une arme ancienne contre cet assaut global : La Poésie.

La Poésie est notre plus grande alliée pour nous réapproprier le sens de l'existence, et pour nous aider à retrouver nos qualités humaines. Choisir la poésie plutôt que la pernicieuse culture de consommation dans laquelle la masse et les objets règnent sur les individus réduits à l'état de troupeaux.

La Poésie et les mots ne peuvent être écartés de nous. C'est pourquoi nous avons encore nos poètes.

La Poésie l'emportera sur la vie encombrée d'objets qui nous encercle !

Elle l'a emporté malgré les dénigrements et les grimaces annonçant sa défaite.

C'en est assez ! La Poésie est vivante ! Et la Poésie l'emportera toujours ! 

Complément :
- le site du festival






samedi 28 septembre 2013

Collage en pays d'Oc - IV

Courant juin, nous sommes passés à la dernière étape. Il s’agissait de mettre au point notre participation au journal de l’école, et nous voulions en profiter pour évoquer le projet plastique de la classe. Impossible pourtant d’y faire figurer tous nos collages ! Il a donc été décidé d’élire une seule œuvre parmi tous les productions des élèves, autour de laquelle nous broderions collectivement un conte.
Un vote a donc eu lieu et le choix s’est rapidement porté sur le collage de Julia. Comme il plaisait à toute la classe, des pistes se sont vite amorcées. Ces bribes d’histoires ont été écrites au tableau. Au moment de commencer la mise en forme, j’ai proposé aux enfants de partir de la légende de Julie pour son jardin. Ensuite, chacun a écrit au brouillon son ébauche de phrase, aussitôt proposée au groupe pour être amendée sur le vif. Évidemment, l’aller-retour entre les images du collage et celles du langage a été très productif. Pour finir, les enfants ont souhaité reprendre la phrase d’ouverture de leur camarade – ce qui, de leur part, est un juste hommage rendu au travail et à la discrétion souriante de Julia. Cet atelier d’écriture collective a été mené bien sûr en occitan ; une fois la traduction en français mise au point – toujours collectivement – certains enfants ont tout de même fait cette remarque : « ‘quò’s plan mai polit en occitan / c’est bien plus beau en occitan »…

Frédéric Figeac

Conte collectiu

L’escrivan escriu, lo casal creis e l’ausèl passa…

Assetat dins sa cramba, Pèire Asperti aviá dubèrt lo finestron dels images. Voliá dire las meravilhas del monde. Totas las meravilhas del monde empenat. Cada sera l’ausèl blanc li portava una pluma de luna. Après lo sera, un sera mai, après la paja, una autra paja… Jamai seriá pas acabat, lo Libre Bèl. Lo monde desbordava dels paures mots de Pèire. Lo monde s’escampava. Aquela nuèit d’aquí, passèt lo finestron dels images e se retirèt per totjorn al casal del silenci. Al matin, digun lo trobèt pas dins sa cramba. Mès lo sera, tot leugièr, Pèire portèt una de sas plumas blancas a l’escrivan assetat davant sa fuèlha.

L’escrivan escriu, lo casal creis e l’ausèl passa…

*

L’écrivain écrit, le jardin pousse et l’oiseau passe…

Assis dans sa chambre, Pierre Asperti avait ouvert la lucarne des images. Il voulait dire les merveilles du monde. Toutes les merveilles du monde entier. Chaque soir l’oiseau blanc lui portait une plume de lune. Après le soir, un soir de plus, après la page, une autre page… Il ne serait jamais achevé, le Grand Livre. Le monde débordait des pauvres mots de Pierre. Le monde se répandait. Cette nuit-là, il franchit la lucarne des images et se retira pour toujours au jardin du silence. Au matin, personne ne le trouva dans sa chambre. Mais le soir, tout léger, Pierre porta une de ses plumes blanches à l’écrivain assis devant sa feuille.


L’écrivain écrit, le jardin pousse et l’oiseau passe…

 Derniers collages

Collage de Julia


Collage de Samuèl


Collage de Tomàs


Collage d'Ugon


   Collage de Valentin

Légendes : les solutions

Qual s’amaga darrièr la pòrta del B ?/Qui se cache derrière la porte du B ? – Roman ;
L’òme que cluca dintra dins l’òrt sens cleda. /L’homme qui ferme les yeux entre dans le jardin sans porte. – Oceana ;
Lo monde desbòrda del Libre segret./ Le monde déborde du Livre secret. – Aèl ;
 La bestiassa a gisclat del corredor negre./ La sale bête a jailli du couloir noir. – Samuèl ;
 Las flors d’òr prenon la volada./ Les fleurs d’or s’envolent. – Ugon ;
 L’escrivan escriu, lo casal creis e l’ausèl passa./ L’écrivain écrit, le jardin pousse et l’oiseau passe. – Julia ;
 Lo garda se pausa dins un casal sens guèrras./ Le garde se repose dans un jardin sans guerres. – Cecília ; 
Ara lo caval gris sauta dins las colors./ Maintenant le cheval gris saute dans les couleurs. – Gabin ;
Ont mena lo camin dels òmes blancs ?/ Où mène le chemin des hommes blancs. – Loïs ;
Lo T vòl s’engulhar al Paradís./ Le T veut se faufiler au Paradis. – Laura ;
Pel mièg de las plantas creis un àngel./ Au milieu des plantes pousse un ange. – Tomàs ; 
La man geta d’istòrias als quatre cantons./ La main jette des histoires aux quatre vents. Anton ; L’uèlh plora de penas en fusion./ L’œil pleure des peines en fusion.Joan Batista ;
La femna cèrca los senhals dins lo cèl./ La femme cherche les signaux dans le ciel. – Lucàs P ;
La milgrana samena de caras./ La grenade sème des visages.Valentin ;
La Torifèl velha los chivalièrs que dintran de guèrra./ La Toureiffel surveille les chevaliers qui rentrent de guerre. – Ambra ;
L’uèlh-gat a pas paur de las fantaumas./ L’œil-chat n’a pas peur des fantômes. – Lisa ;
Lo chivalièr apara las tèrras estranhas./ Le chevalier défend les terres étranges. – Lucàs M

samedi 21 septembre 2013

Collages en pays d'Oc - III

Au fur et à mesure de l’avancement des collages, un travail individuel d’écriture est amorcé. L’imaginaire sollicité tout au long de l’élaboration de l’œuvre va se cristalliser dans le choix d’une légende. La commande est ainsi passée aux élèves : écrire une phrase qui donne envie au lecteur d’entrer dans votre collage comme dans une aventure… un titre qui soit une sorte de « sésame ouvre-toi » ! Dès que sa phrase lui semble au point, l’élève en fait la lecture à ses camarades. Certaines légendes sont ainsi retravaillées en fonction des remarques. Cet atelier d’écriture est mis en place en occitan.
Début juin, un petit échange de courrier avec Ghislaine est venu renforcer la motivation des enfants. Si bien que lorsque les 18 titres sont enfin rédigés, la classe envisage de proposer un jeu à son interlocutrice : à chacun sa légende. Il faut alors traduire en français les trouvailles individuelles, ce qui est fait collectivement. Artistiquement et linguistiquement, ce passage partagé d’une langue à l’autre est un exercice très enrichissant.
En proposant leur jeu aux camarades des autres classes (autour d’une petite exposition dans les murs de l’école), les enfants s’aperçoivent que l’écriture n’est pas un calque de l’oeuvre plastique : chaque regard apporte ses images et il y a bien des surprises ! A vous de jouer à présent… Mais attention : pour les 18 légendes proposées, vous ne disposez que de 13 collages ; les 5 derniers vous seront offerts la semaine prochaine, avec les solutions.

Frédéric Figeac

Les Légendes 

Qual s’amaga darrièr la pòrta del B ?/Qui se cache derrière la porte du B ?

L’òme que cluca dintra dins l’òrt sens cleda. /L’homme qui ferme les yeux entre dans le jardin sans porte.

Lo monde desbòrda del Libre segret./ Le monde déborde du Livre secret.

La bestiassa a gisclat del corredor negre./ La sale bête a jailli du couloir noir.

Las flors d’òr prenon la volada./ Les fleurs d’or s’envolent.

L’escrivan escriu, lo casal creis e l’ausèl passa./ L’écrivain écrit, le jardin pousse et l’oiseau passe.

Lo garda se pausa dins un casal sens guèrras./ Le garde se repose dans un jardin sans guerres.

Ara lo caval gris sauta dins las colors./ Maintenant le cheval gris saute dans les couleurs.

Ont mena lo camin dels òmes blancs ?/ Où mène le chemin des hommes blancs.

lo T vòl s’engulhar al Paradís./ Le T veut se faufiler au Paradis.

Pel mièg de las plantas creis un àngel./ Au milieu des plantes pousse un ange.

La man geta d’istòrias als quatre cantons./ La main jette des histoires aux quatre vents.

L’uèlh plora de penas en fusion./ L’œil pleure des peines en fusion.

La femna cèrca los senhals dins lo cèl./ La femme cherche les signaux dans le ciel.

La milgrana samena de caras./ La grenade sème des visages.

La Torifèl velha los chivalièrs que dintran de guèrra./ La Toureiffel surveille les chevaliers qui rentrent de guerre.

L’uèlh-gat a pas paur de las fantaumas./ L’œil-chat n’a pas peur des fantômes.

Lo chivalièr apara las tèrras estranhas./ Le chevalier défend les terres étranges.


La suite des collages  


Collage de Gabin

Collage de Lucàs

Collage de Lucàs

Collage d'Oceana

Collage de Roman





samedi 14 septembre 2013

Collages en pays d'Oc - II

C’est donc une visite impromptue du site de l’Oiseau de Feu qui a fait rebondir le projet plastique entamé avec mes élèves. D’emblée, les collages exposés ont éveillé l’envie de prolonger l’aventure ; il y avait longtemps que je n’avais pas expérimenté cette technique  avec des grands. Et puis, rapiécer le monde avec des « bouts de morceaux », voilà qui parle aux enfants. Un commentaire posté à chaud, une réponse de Ghislaine et je présente dans la foulée son travail à la classe. Les élèves sont très intéressés par ce qu’ils considèrent comme des paysages – et j’ai envie d’ajouter pour ma part : des paysages à la fois très structurés et en totale liberté.
Nous décidons alors de nous lancer dans des collages plus « réfléchis », au travers d’un tâtonnement individuel. 18 enfants, 18 œuvres, autour du thème de l’année : le jardin secret. Cette fois-ci, aucun recours à l’informatique, mais un travail qui sollicite « les yeux des doigts », qu’il s’agisse de feuilleter, de déchirer ou de coller, un travail manuel – c’est-à-dire une activité éminemment spirituelle.
Afin d’ouvrir des perspectives à l’inspiration, un petit musée des jardins est lancé dans la classe, que les recherches documentaires et picturales des élèves viennent étoffer. Puis nous revenons sur la toile, cette fois-ci pour découvrir le site de Ghislaine. C’est l’occasion, en observant la façon de l’artiste, de se fixer des contraintes. Ces règles élaborées collectivement constituent un authentique cahier des charges. A chacun de s’exprimer à partir des pistes esquissées :
  • Commencer par une pièce de taille « assez importante » par rapport au format de la feuille (c’est souvent le choix de cette accroche, soigneusement placée, qui a orienté la recherche des éléments suivants)
  • Compléter avec une dizaine de « pavés » (tout au plus)
  • Jouer sur les contrastes (couleurs, signes, textures…)
  • Assembler une charpente qui fasse apparaître des « échappées » (portes, fenêtres, escaliers…)
  • Intégrer des détails qui surprennent (personnages, mots, lettres…)
Une fois tout cela discuté et expliqué concrètement, c’est l’atelier qui se met en place : deux séances par semaine (certains profitant même de leurs moments « perdus » pour peaufiner leur œuvre). Les règles ont finalement été très productives et chacun s’est appliqué à les interpréter avec invention. Si une certaine unité esthétique semble se dégager d’une si grande diversité d’inspiration, cela est sans doute dû à la technique partagée, au travail en atelier ainsi qu’au matériel mis à profit (de nombreux exemplaires d’un magazine culturel !).

Frédéric Figeac

Collage d'Ambra

Collage de Joan Batista

Collage de Laura

Collage de Lisa

Collage de Lois