Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 25 août 2012

Les Cahiers de Garlaban - IX

Le quatrième recueil de cette série occitane publié en décembre 1989 concernait Daniel Biga. A vrai dire, il n'appartenait à aucun des camps précédemment publiés, ni "Mistralien", ni "Occitan" et c'est cela qui nous intéressait. Daniel Biga incarnait pour nous le poète enraciné dans une terre, qui éprouvait le besoin de la célébrer avec les mots de son temps, de sa génération et de la culture dans laquelle il avait baigné depuis son enfance. Cette culture était constituée de nombreux apports venant du monde entier. En fait ce recueil reprenait un texte qui s'intitulait OC et qui était déjà paru dans Esquisse pour un aménagement du rivage de l'amour total. Notre originalité consistait à le présenter par une longue préface de Yves Rouquette et avec un accompagnement graphique de Ben avec qui Daniel Biga avait participé à l'aventure de l’École de Nice.


Voici ce que nous écrivions sur la quatrième de couverture :

Au début des années soixante-dix, à la recherche de ses racines, Daniel Biga revient boire à la source de son enfance. La contre-culture porte alors la contestation tous azimuts, le mouvement occitan est en pleine force. Dans une expression jusque là inédite, Daniel Biga pose en ses propres termes la question de l'identité. "Sa voix multiple alerte et bouleverse de fond en comble nos réserves d'émotion, chante très haut, convoque aux terribles refus de l'ordre devenu planétaire, aux tremblements qui sauvent", nous fait remarquer Yves Rouquette dans sa préface. Parce que notre destin personnel est solidaire des communautés de culture dans lesquelles nous vivons, relisons aujourd'hui OC comme un appel à être à la fois enraciné et cosmique, irréductible et offert.

Compléments :
- Sur Wikipédia, Daniel Biga, Yves Rouquette et Ben.

samedi 18 août 2012

Les Cahiers de Garlaban - VIII

Troisième de la série, le recueil de Charles Galtier Lis alo de l'auceu, li racino de l'aubre /  Les ailes de l'oiseau, les racines de l'arbre a été publié en juillet 1989. Pour préparer son édition nous nous étions rendus plusieurs fois chez son auteur à Eygalières. C'était toujours le geste large et la main ouverte qu'il nous y avait accueillis. Charles Galtier avait été instituteur. C'est un autre instituteur qui s'était chargé des illustrations. Gérald Sorel rencontré à Six-Fours-les-plages où il était directeur d'école, avait décoré les murs des préaux de son établissement, de grandes fresques consacrées à Marcel Pagnol. C'est ce témoignage d'amour pour la Provence qui avait été le déclencheur de notre décision de l'associer à ce recueil de Charles Galtier.


Voici ce que nous avions écrit en quatrième de couverture :

Si la diversité de ses talents l'a conduit à nous donner une œuvre abondante et multiple, Charles Galtier n'a jamais cessé d'être poète. Du poème à l'étude ethnographique en passant par le roman, le conte, la nouvelle ou le théâtre, le fil est continu pour l'auteur. Enraciné dans son terroir, tel un arbre, mais ouvrant son regard, comme l'oiseau ses ailes, vers d'autres horizons, il semble que Charles Galtier cherche sans cesse à se reconnaître dans les nombreux jumeaux qu'il se découvre dans les accords aléatoires de la chair et de l'âme. Cela aussi bien dans l'instant, que dans la fuite du temps. Et si il a toujours préféré poser des questions, plutôt que d'apporter des réponses aux interrogations fondamentales de la vie, Charles Galtier témoigne d'une quête humaniste qui puise sa force dans la fréquentation radieuse de la nature.

Complément :
- Charles Galtier sur Wikipédia

samedi 11 août 2012

Les Cahiers de Garlaban - VII

Le deuxième recueil de cette série occitane concernait André Respandin. Il avait pour titre Rescontre et paraissait en avril 1989. André Resplandin avait reçu le Prix Mistral en 1986. Nous l'avions rencontré dans le Var où il habitait. Ses liens d'amitié avec Fernand Moutet devait nous permettre d'éditer par la suite cet autre grand poète provençal. André Resplandin était très proche de l'association L'Astrado qui se situait dans une filiation directe avec la Provence voulue par Frédéric Mistral. Voici comment nous avions présenté le recueil.

 

RESCONTRE

La vido es que de rescontre : d'endré, de moumen, de causo, d'èstre. De fes que i'a es que de recebre, d'aùtri fes sian soulet pèr douna e d'ùni cop lou partage e l'escàmbi se fan. Quouro dins lou tristun, quouro dins la joio vo bèn dins li dous au cop mescla e n'es acò la vido, aquesto tristesso gaio, aquesto gau malancòni que lou pouèto cerco de n'èstre l'umble resson.

en rajoutant quelques lignes de présentation du poète :

C'est en puisant dans ses racines provençales "d'enfre terro" qu'André Respandin a retrouvé sa langue maternelle chantante et "couladisso", celle que sait si bien exalter son cher maître Fernand Moutet. Au cœur de la nature terrienne dont il est issu, il a apprivoisé les sons, les mots, les couleurs, les parfums... pour en composer son univers poétique.

Complément :
 - André Resplandin sur Wikipédia
- L'illustration de couverture était de Lucien Bailly
 

samedi 4 août 2012

Les Cahiers de Garlaban - VI

Comme l'an dernier, nous allons réserver ce mois d'août à la présentation des recueils de poésie que nous avions édités aux Cahiers de Garlaban. Cette fois entre décembre 1988 et décembre 1989. Après une première série consacrée à des poètes de langue française, nous avions souhaité mettre en valeur la poésie de langue d'Oc en nous situant au delà des querelles de graphie qui avaient été longtemps un facteur de division entre les "Provençaux" et les "Occitans". Pour nous, c'était la valeur poétique qui primait et le fait d'associer dans la collection des poètes venant des "différents côtés" de la langue d'Oc devait sonner comme un appel à l'unité. Le premier à y répondre fut Jòrgi Reboul, le grand aîné que nous avons déjà eu l'occasion de présenter dans ce blog sous la plume de Jean-Marie Petit. Le second fut André Resplandin, le troisième Charles Galtier et enfin le quatrième Daniel Biga. Nous nous attarderons sur chacun d'entre eux au moment où nous présenterons leur recueil. Mais commençons par celui de Jòrgi Reboul, Mesclas. dont j'ai eu l'occasion de raconter les circonstances de l'édition. C'était en avril 1994 à Septèmes-les-Vallons, lors d'un colloque consacré à  Jòrgi Reboul :

        ... En 1987, nous eûmes l’opportunité de nous lancer dans l’édition. Après une série de quatre recueils en langue française, nous n’avions qu’une idée, publier des poètes en Oc et tout naturellement c’est vers Jòrgi Reboul que nous nous sommes tournés pour ouvrir notre collection.
         Notre principe était simple, proposer  à raison d’un cahier par trimestre, sur une année, quatre recueils consacrés chacun à un poète, sans parti-pris de graphie, la force poétique étant prioritaire pour nous. Ainsi sur cette première série étaient prévus : Jòrgi Reboul, André Resplandin que le Prix Mistral de 1986 avait fait découvrir à un plus large public, Charles Galtier lié à Jòrgi Reboul, et Daniel Biga, ce poète de Nice, iconoclaste, présenté pour la circonstance par un long texte de Yves Rouquette, intitulé : Au dernier des Mohicans.
         Se tracent parfois de nouveaux cercles autour d’hommes déjà réunis dans le passé. Au sommaire du numéro de juillet à décembre 1963 de la revue Oc[1], j’ai eu la surprise de trouver les noms de Daniel Biga, Yves Rouquette et Jòrgi Reboul pour une prose géographique.
Dans la réalisation concrète de son recueil,  Jòrgi Reboul se révéla être à l’image de sa poésie, à l’image de l’homme debout allant toujours plus loin devant.
La vie a voulu qu’il retrouve des forces durant les mois où nous avons travaillé ensemble. Il avait alors 87 ans et n’a cessé de nous émerveiller par sa vitalité d’esprit et son ardeur à vouloir que tout avance comme il se devait. C’est par exemple, par les bulletins de souscription adressés qu’il a permis à notre initiative d’aboutir. Il avait tenu à ce que figure à la fin du recueil la tiera deis amics, la liste des souscripteurs et l’on peut y trouver plus d’une soixantaine de noms.
Il m’avait demandé une préface. Quel geste généreux pour un poète comme lui, adressé à quelqu’un qui fait ses premiers pas en poésie.
Le recueil fut construit sur un choix de textes pris parmi ses précédentes publications. Il est intéressant de noter ce que Jòrgi Reboul a voulu retenir.
Mesclas commence par Marignane et le célèbre vers : Je suis né longtemps après ma naissance. Il se termine par Sans adieu  dédié à Antoine Richard, paysan de Trets, écrivain provençal, archéologue. «J’arriverai/coiffé du rouge bonnet latin/ pareillement à Calendal » lui écrit « Là-haut plus loin que les étoiles » Jòrgi Reboul en poursuivant :

« Je t’apporterai
de mes Restanques que tu parrainais
des roses sauvages
pour fleurir nos propos.

Et puis… nous attendrons les autres. »

Les autres et tout ce qui est le plus précieux au cœur, à la pensée, dans la mémoire de Jòrgi Reboul est consigné dans ce recueil.
Je ne peux citer les 26 poèmes choisis. Voici simplement quelques titres qui parlent d’eux-mêmes : A Gil[2], Je partirai, A la jeunesse, L’Homme à la martelière (aux poètes de Marsyas), Jaillissement, J’ai suivi l’étroit sentier, Aller loin toujours, Notre frère (le poème est dédié à Charles Camproux), Guy Martin, La vieille ne voulait jamais mourir, Le sarcophage (dédié à Madame Joseph d’Arbaud[3]).
Nous avions prévu une table des matières, tout simplement, pour présenter les poèmes contenus dans le recueil. Je revois encore Jòrgi Reboul chercher un mot plus original, se plonger dans le Trésor du Felibrige[4] et proposer Cabedeu, une sorte de petite pelote. On tire un fil comme on tire un poème et les autres suivent.
         Il fallait aussi trouver un illustrateur pour la couverture. Il y avait dans notre entourage un peintre dont le parcours ne pouvait que plaire à Jòrgi Reboul. Né en 1908, René Monteix qui offrit le dessin du village de Reillane, situé dans les Alpes de Haute-Provence, était originaire d’Auvergne.
         Il avait été tout d’abord instituteur, avant de devenir professeur d’éducation physique puis médecin et enfin professeur de cardiologie à la Faculté de Médecine de Marseille, sans jamais abandonner ses activités picturales.
         Mieux, il s’était trouvé à une époque dans le même établissement d’enseignement que Jòrgi Reboul, rue des Remparts, à Marseille, où il l’avait connu.
         Le recueil fut bien sûr accueilli favorablement. Je l’avais adressé à Robert Sabatier, romancier, membre de l’Académie Goncourt, mais surtout pour nous, poète et auteur d’une impressionnante Histoire de la poésie française en neuf volumes[5], où la poésie d’Oc y figure en bonne place.
         Sa réponse fut de bon augure pour nos éditions, et il est permis de penser qu’elle compta parmi les dernières grandes joies littéraires de Jòrgi Reboul.

         « Je viens de recevoir Mesclas et je veux vous dire quel grand plaisir vous me faîtes » lui écrivait Robert Sabatier. « Bien que connaissant peu l’occitan » poursuivait-il « (mon grand-père me l’avait appris), je peux le lire et je suis émerveillé par la beauté de vos poèmes et par leur modernité ».

         Quel bel hommage et quel encouragement pour nous à poursuivre. C’est à l’occasion de la parution de Mesclas que nous entrions en contact avec Serge Bec, que se mettait en place une amitié avec des poètes que nous ne connaissions jusqu’alors que par leurs écrits.
         Si aujourd’hui nos publications, en plus des titres signés Charles Galtier, André Resplandin, Daniel Biga, comptent des auteurs comme Serge Bec, Yves Rouquette et Fernand Moutet[6], c’est à Jòrgi Reboul qu’elles le doivent, à un grand poète qui un jour de 1987, nous ouvrit la voie en nous accordant sa confiance.

                                                                                               Jean-Luc Pouliquen

Compléments : 
- Leis amics de Mesclum, éditeur des actes du colloque.
 - Ce lien secret qui les rassemble, livre où a été repris mon texte sur Jòrgi Reboul.
- René Monteix sur Wikipédia.

[1] N° 229-230 contenant un dossier intitulé Niça niçarda.
[2] Il s’agit de son épouse.
[3] Joseph d’Arbaud (1874-1950) est essentiellement connu pour son chef-d’œuvre La Bestio dou Vacares/ La Bête du Vacarès, 1926.
[4] Dictionnaire établi par Frédéric Mistral de tous les parlers d’Oc.
[5] Editée par Albin Michel.
[6] Il faudrait ajouter le nom de Robert Allan.