Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 25 juin 2016

Billet d'été

Jean-Albert Guénégan a déjà été présenté dans ce blog. Aujourd'hui, il nous envoie de Bretagne ce billet d'été dans lequel il joue avec quelques uns des vers les plus connus de la poésie française pour nous faire partager des préoccupations de fond sur la vie comme elle va et pourrait basculer.


C’est ainsi que nous vivons

Viennent les beaux jours et le besoin de vacances. Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai, accompagné puisque si un seul être vous manque, tout est dépeuplé. Quelle direction prendre, loin, très loin, sous les cocotiers pour un dépaysement total mais le monde que nous bâtissons et laissons aux générations futures, est-il d’une grande sûreté ? Y a-t-il encore, à bien l’observer, sous les latitudes, une terrasse, une mer, un ciel qui soit à l’abri de la folie humaine ? Y a-t-il une plage où l’on puisse dire ô temps, suspends ton vol et vous, heures  propices ? 
Impatients, nous attendons cette parenthèse estivale, pour se dire que la vie n’est pas que comme ça, qu’elle peut aussi se révéler tout autre. Nous la mettons à profit pour ne plus courir, tenter de se réapproprier le romantisme du crépuscule, retenir le bleu du jour, mettre au piquet ses réseaux quand ils sont antisociaux, prendre une heure pour écrire une lettre manuscrite à l’être aimé. Vivre le temps avec la plus douce des lenteurs, peindre la vie de ses plus beaux pastels quand vient la nuit sonne l’heure, les jours s’en vont je demeure. Mais, l’espace d’un été, sommes-nous encore capables, nous les hommes, d’échapper au low cost de la vie, nous amuser, de prendre des albatros, vastes oiseaux des mers et suivre, plus volontaires qu’indolents, le cours des choses tandis que nos ailes de géant nous empêchent de marcher.
Dans ce monde qui joue avec des feux et prend des chemins bien incertains, en proie aux excès les plus inhumains, où beaucoup estiment que tout leur est dû, s’en aller au vent mauvais qui emporte de ça, de là, pareil à la feuille morte, est-ce possible ? Dans un an, le pays, le notre, prendra une autre direction mais Monsieur Le Président, je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps, est venu le temps pour vous, de nous prémunir de l’extrémisme qui nous guette.

Jean-Albert Guénégan

samedi 4 juin 2016

Les numéros 29 & 30 de la revue AVEL IX

J'ai toujours plaisir à rendre compte des numéros de la revue AVEL IX et j'ai déjà dit combien elle s'attachait à préserver dans le souvenir de Théophile Briant ce pur esprit de poésie qui nous manque tant dans la période que nous traversons.


Ce n° 29 a pour thème "Les Saisons". Il commence par l'évocation par Béatrix Balteg d'un échange épistolaire entre Théophile Briant et Jules Supervielle. Ce dernier lui adresse ses condoléances ayant appris le décès de Germaine l'épouse de Théophile. Cette lettre du poète de Débarcadères est une manière de placer ce numéro sous son parrainage. Son poème "La tenancière des quatre saisons" lui fait d'ailleurs suite. Lui succède un texte de Théophile Briant de 1937 intitulé "L'arbre sacré". La préoccupation écologique y est déjà évidente. C'est au tour de Charlotte Cabot de nous livrer sa perception des saisons puis à Jean-Pierre Brown de nous offrir un hymne au printemps. Le travail de l'artiste Caterina Annovazzi est ensuite présenté tout comme le poète André Chardine (1902-1971) qui fut en contact avec Théophile Briant. Vient après, le cahier de poèmes consacrés aux saisons. Des illustrations de Yro, Serge Bouvier, une photographie de Charles Montécot et une tapisserie de Raymond Berthelet les accompagnent. Une étude de Marie-Françoise Jeanneau sur "René Guy Cadou (1920-1951) ou la poésie du quotidien" continue cet ensemble qui se termine par les rubriques habituelles sur l'activité de l'association qui édite AVEL IX, la vie des revues de poésie et les différentes parutions reçues.


Ce n° 30 a pour thème "Le port, les ports". Il contient de belles reproductions en couleur des œuvres d'Alain Bailhache. Il s'organise comme le précédent avec un édito, des textes centrés sur le thème retenu, un cahier de poèmes et les rubriques habituelles. Je voudrais cette fois mettre en exergue deux extraits du texte choisi de Théophile Briant et le poème proposé par Béatrice Balteg.

Les extraits proviennent d'un éditorial du Goéland de 1951 sur la "mission du poète dans la technocratie", les voici : "Le poète est avant tout homme de solitude, homme de recueillement", "Il faut sauver les valeurs et préserver dans l'homme cette part de sacré qui vient de l’Éternel et qui n'appartient qu'à lui".

Apprécions maintenant le poème : 

                                   Toucher la pulpe de la vie
                                   la malaxer entre les doigts
                                   et s'en aller, serein,
                                   à la conquête du Port
                                  quintessence de paix.

Port désiré et pourtant redouté
quand les vergues s'abattent
et mènent à l'immobilisme.
Voyage de la vie à cheval sur une vague !
Et pourtant...
Dans le calme du port atteint
s'amorce une autre épopée
plus silencieuse
mais ses cieux ont l'infini
pour voile
et le voyageur jouit
de matins, semblables, en apparence
qui défient la torpeur.

          Une autre jubilation
          Une autre vie
          à portée de coude. 

Béatrix Balteg

Complément :