Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 28 juin 2014

Faire vivre la poésie

La question de savoir comment rendre la poésie vivante dans notre société est régulièrement posée dans ce blog. En janvier dernier, Michel Bernier nous présentait l'initiative qu'il avait prise à Pau. À Hyères, nous sommes un petit groupe qui s'est réuni en 2013 et en 2014 pour un atelier d'écriture à la médiathèque Saint-John Perse. Les participants ont pour prénoms : Eva, Geneviève, Jacqueline, Gene, Danièle, Suzanne, Nicole, Claude, Françoise, Anne, Jean-Michel, Annick, Frédérique, Chris, Colette... À chaque séance, nous présentons un poète et la lecture de quelques uns de ses textes inspire ensuite l'écriture de chacun que nous partageons après à haute voix pour approfondir par le dialogue ce que nous avons voulu exprimer. Il nous est arrivé aussi de recevoir des poètes qui passaient par notre ville comme Andrea Genovese ou Georges de Rivas. L'ensemble des productions est recueilli par Jean-Michel qui les présente ensuite sur son site qu'il a organisé à cet effet. Cette année le groupe a été séduit par l'idée de réaliser des livres pauvres selon le concept défini par Daniel Leuwers. Il s'en est suivi une exposition .



À partir de chacun des livres pauvres, Jean-Michel a réalisé une sorte de clip vidéo et ces clips ont à leur tour été projetés lors d'une soirée où les membres de l'atelier ont aussi lu leurs textes parfois accompagnés d'une musicienne.


Ainsi la poésie est sortie de nos imaginaires pour se fixer sur des livres réalisés avec des plasticiens qui ont donné naissance à des vidéos dont la projection a conduit à reprendre la parole pour la répandre en musique au milieu d'un auditoire attentif. Poésie vivante !

Compléments :

samedi 21 juin 2014

Grandes figures de l'Occitanie

Le 2 février 2013 avait eu lieu à Septèmes-les-vallons près de Marseille un colloque intitulé : Autour de l'action occitane (1930-1950), Paul Ricard, Jòrgi Reboul, Carles Camproux, Max Rouquette. Ce colloque auquel j'avais participé m'avait donné l'occasion de revoir Gilberte Reboul, la femme du poète, ainsi que ses deux enfants Sylviane et Gérald. L'émotion fut grande. Plaisir aussi de retrouver Michèle, la fille de Paul Ricard, venue elle aussi assister à cette journée de ferveur, organisée par Thierry Marque, Président du Centre culturel Louis Aragon et l'écrivain et journaliste Glaudi Barsotti. Elle devait se prolonger par une dégustation de fougasses et de gibassiers, desserts marseillais servis à cette période hivernale et se terminer par un concert du groupe polyphonique occitan Lo còr de la plana. Un an plus tard, préparés par Marie-Jeanne Verny, les actes de ce colloque viennent de paraître.


J'ai déjà eu dans ce blog l'occasion de publier un texte de Jean-Marie Petit, gendre de Carles Camproux, sur Jòrgi Reboul. Par deux fois, j'avais aussi présenté les Cahiers Max Rouquette. Et l'été dernier, j'ai consacré une chronique au livre que Michèle Ricard a écrit sur le domaine de Méjanes que lui a légué son père. Ces actes nous montrent Paul Ricard, Jòrgi Reboul, Carles Camproux et Max Rouquette dans une période de leur histoire encore mal connue. Ils sont dans la force de leur jeunesse et veulent participer dans leur pays à la Renaissance occitane, faisant écho à ce qui se déroule en Catalogne. Nous sommes au début des années trente. Leur action est résolument progressiste et s'inscrit dans une perspective fédéraliste. Une riche iconographie complète les différents éclairages qui sont apportés. Elle a parallèlement fait l'objet d'une exposition composée de différents panneaux que l'on peut louer pour contribuer à son tour à faire connaître ce moment très créatif de l'histoire occitane. Les contributions aux actes en occitan et/ou en français, sont de Elisabeth Perrenot-Marque, Thierry Marque, Philippe Martel, Glaudi Barsotti, Jean-Frédéric Brun, Marie-Jeanne Verny, Jean-Luc Pouliquen, Guiu Martin, Domenja Blanchard, Francesc Panyella i Farreras.

samedi 14 juin 2014

Hélène & René Guy Cadou

Nous avons déjà eu l'occasion dans ce blog de parler des couples de poètes. Parmi eux continuent de rayonner Hélène et René Guy Cadou. Pour mieux en prendre la mesure, sous l'impulsion de Luc Vidal, avait été organisé en mars dernier à Nantes, un colloque intitulé René Guy et Hélène Cadou, poésie et éternité.


Sous l'égide de l'Université permanente dirigée par Georges Fargeas, conférence, concert, communications, projections de films et de photographies se sont succédés pour nous proposer une approche vivante de deux fortes personnalités de la poésie française contemporaine ayant vécu une relation hors du commun. Ce n'est qu'après la mort prématurée de René Guy qu' Hélène s'est engagée pleinement dans l'écriture poétique. Au fil des années son œuvre s'est construite dans le souvenir et la présence de celui qui l'aura fait naître une deuxième fois. Si les commentateurs de la poésie de René Guy Cadou ont été nombreux depuis sa disparition en 1951, plus rares sont ceux qui se sont attachés à la poésie de son épouse dont le grand âge n'avait pas permis la participation au colloque. Les témoignages de membres de sa famille et de proches ont éclairé son parcours depuis Louisfert où elle vécut avec René Guy, où elle est revenue dans les années quatre-vingt dix s'occuper du musée qui est consacré à son mari, jusqu'à Nantes où elle vit aujourd'hui, en passant par Orléans où elle exerça de nombreuses années le métier de bibliothécaire tout en s'investissant dans l'action culturelle de la ville.


Coordonnée par Luc Vidal et Olivier Delettre, une édition des actes du colloque a été proposée en même temps que celui-ci par les Éditions du Petit Véhicule. Elle contient une riche iconographie, souvent inédite, des poèmes de René Guy et Hélène Cadou qui illustrent et accompagnent les textes des communications de Alain Germain, Vincent Jacques, Christian Bulting, André Daviaud, Jean-Noël Guéno, Jean-Claude Coiffard, Jacques Lardoux, Jean-François Jacques, Martine Morillon-Carreau, Ghislaine Lejard, Joël Barreau, Michel Trihoreau, Olivier Delettre, Jean-Luc Pouliquen, Luc Vidal et Jacques Meny.

Complément :
- Les actes du colloque parus dans le n°4 des Cahiers des Poètes de l’École de Rochefort-sur-Loire sont à commander directement aux Éditions du Petit Véhicule.

samedi 7 juin 2014

Echos lointains et proches à la fois

Lors de la dernière édition du festival des Voix Vives de Sète en juillet 2013, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Mohamed Miloud Gharrafi. Cette rencontre avait été précédée par la lecture de Une seule porte et des demeures, recueil du poète égyptien Ahmad Al-Shahawy que j'avais beaucoup apprécié et qu'il avait traduit de l'arabe et préfacé pour sa sortie en France chez L'aile éditions. Aujourd'hui, c'est Mohamed Miloud Garrafi qui fait paraître sa propre poésie chez le même éditeur sous le titre Échos lointains. Le livre est préfacé cette fois par Nicole Drano-Stamberg que les lecteurs de ce blog connaissent bien. Il est proposé en version bilingue : arabe/français. C'est l'auteur lui-même qui s'est chargé de la traduction. Des calligraphies de Najeh Jegham le complètent. La préface de Nicole, que je reproduis ici avec l'aimable autorisation de l'auteur est la meilleure des invitations à le lire.


Dans la poésie de Mohamed Miloud Gharrafi, il y a l’émanation d’une sorte de sincérité, apparemment naïve, des aspirations à la pureté, des élans de l’âme émouvants et profonds. Il écrit à propos d’une rencontre amoureuse : «Nous voyagerons vers l’absolu. Nous marcherons vers l’eau et courrons comme deux enfants.» et dans un autre poème : «Elle m’entraînait vers des espaces toujours plus loin à l’intérieur, entre obscurité et lumière» Mais voilà ! Le poète, si on peut le reconnaître comme un être sensible, vit en société, dans le réel, et il doit très souvent subir toutes les secousses de notre monde contemporain, ses propositions et ses provocations. Dans ses projets amoureux, exaltés près de la mer, le poème lui rappelle ceci : «la sonnerie de nos téléphones portables nous manquerait» ou encore : «Nous ne consulterions pas d’horoscope aujourd’hui» et pour terminer la belle évocation de l’amoureux transi, le poète clôture le rêve ainsi: «Elle dit : «naturellement ! mais aujourd’hui j’ai envie de certaines choses au magasin Marks & Spencer.»

 Dans d'autres poèmes, il exprime une nostalgie, peut-être ressent-il comme un désarroi dans une civilisation où se mêlent diverses cultures, il faut parfois porter sur soi à regret des soupçons non justifiés : «Sur la place Catalunya / j’ai peur de trahir mes pas / et j’ai peur que se trompe à mon égard cette femme / qui me regarde de travers / et serre son sac à main très fort / contre sa poitrine.» Le racisme, la plaie qu’il faut panser et dénoncer.

C'est une poésie qui semble légère dans la forme mais qui se révèle comme un cheminement où la réflexion est sous-jacente. Nous sommes loin de la poésie arabe traditionnelle classique ou romantique aux longs poèmes inspirés par l’aimé(e), relatant des événements historiques, poésie romantique avec souvent des poèmes de circonstances ou des pensées et des émotions intimes de poètes recherchant la solitude et trouvant quelque consolation dans la nature.

Les poèmes ici sont en prose poétique et ils ont dans l’esprit comme une parenté avec des poètes tels que Jean Tardieu, Henri Michaux, Jacques Prévert qui ont manié l’humour dans leurs œuvres. Ce qui caractérise la poésie d’humour le plus souvent, c’est son pouvoir d’attaque et la force de ses refus, son pouvoir de déshabiller les apparences et les idées reçues avec la parodie, le sourire et la satire.

Nicole Drano-Stamberg

Complément :
- Le livre sur le site de l'éditeur