Michel Capmal a été souvent à l'honneur dans ce blog. En octobre 2010, nous avions présenté son livre de poésie .Nous avons perdu les hautes terres nous errance est infinie. Cette même année, il nous donnait quelques notes sur sa manière de lire Gaston Bachelard. Et puis en 2011, Michel Capmal nous faisait part de sa rencontre avec l’œuvre sculptée de l'abbé Fouré. Nous n'oublierons pas non plus le numéro que lui a consacré la revue Chiendents. Tout au long de ce mois de juillet nous allons continuer de cheminer avec lui. S'interrogeant sur sa relation avec la poésie, il nous propose une réflexion, non dénuée de quelques accents de passion provocatrice, sur son rapport aux valeurs ou non-valeurs de la création contemporaine et plus largement du monde dans lequel il vit. Cet appel d'air, à partir de la singularité de sa démarche personnelle, s'adresse à nous tous. Pour lui, il s'agit-là d'un engagement essentiel, à distance de toutes les idéologies. (Une première version de ce texte est paru en 2013 dans un recueil collectif intitulé Manifeste atomique).
" Les gens comprennent tous l'utilité de ce qui est utile, mais ils ignorent l'utilité de l'inutile"
Zhuang Zi. III° siècle avant J.C.
Où en sommes-nous avec la poésie ? Faut-il vraiment poser une telle question ? Et la poser ainsi ne peut que nous conduire devant cette interrogation : où en est-on avec la vie ? Avec notre propre vie, à nous tous, chacun, la vie dans ce monde tel qu’il est, tel qu’il va.
Il y a une histoire de la philosophie (et même plusieurs), en regard y aurait-il une histoire de la poésie ? Malgré un grand nombre d’anthologies, de laborieuses explications de textes ou de remarquables et brillants essais, la question reste en suspens. Nous est perceptible, cependant, une trajectoire à travers les siècles, une ligne mélodique alternée dans le temps. Mais quel rôle lui a-t-on laissé jouer, à la poésie ? Odes et hymnes, épopées et élégies, sonnets et vers libres, poèmes en prose et pages blanches… Les avant-gardes autoproclamées, les grands flamboyants ou les grands nocturnes. Et, pour les plus exigeants, « la vraie question » ne serait-elle pas assurément celle-ci : peut-on encore écrire comme x ou y, comme ceux-là qui ont su donner forme inoubliable aux courants sensibles et intelligibles de leur époque ?
Mais l’époque présente est marquée par le délitement, la contrefaçon, le décervelage, et l’atomisation dans le pire sens du terme. La distance abyssale entre les uns et les autres aboutissant à une sinistre caricature de l’individualisme. Et au règne, entre autres machines de guerre contre l’humain, de l’industrie du divertissement. Je veux parler bien sûr d’un individualisme consciemment assumé dans le plus grand respect d’autrui et de soi-même ; et malgré la redoutable emprise des diverses tyrannies collectivistes et de leurs permanentes incitations au reniement de soi.
Et pourtant il s’agit de vivre ! Mais pas n’importe comment. J’ai toujours considéré que la poésie était avant tout une manière d’être qui, dans la mesure du possible, ou plutôt contre tant d’impossibilités, s’accompagne, se concrétise, se réalise dans un certain art de vivre. Art suprême, peut-être. Préfiguration d’une civilisation lyrique. Aux environs de 17, 18 ans une telle idée est venue me visiter. Et depuis, je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire.
Michel Capmal
(Photographies de Michel Capmal)
(Photographies de Michel Capmal)
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