Voici un livre qui m'a été précieux durant de longues années pour satisfaire ma curiosité sur une période que je n'ai pas connue et où se sont affirmés beaucoup de poètes qui me sont chers. Il s'agit des Agendas auxquels s'est confié quotidiennement, de 1926 à 1971, l'année de sa mort accidentelle, le poète Jean Follain.
Grâce à Claire Paulhan qui les a décryptés dans leur intégralité et en a ensuite choisi et réuni les meilleurs moments, nous disposons de ce témoignage exceptionnel d'un homme particulièrement sociable impliqué dans la vie littéraire de son temps dont il rend compte depuis Paris où il s'est installé dès 1924, ayant quitté sa Normandie natale.
Un ensemble de notes abondantes et détaillées éclaire le propos, il est complété par un index des personnes citées qui permet une lecture ciblée en fonction des centres d'intérêts du moment.
C'est comme membre de l'Ecole de Rochefort que j'ai d'abord approché Jean Follain, puis comme ami de Jean Paulhan et de la Nouvelle Revue Française, ensuite comme proche de Gaston Bachelard. Mais m'a intéressé aussi sa fréquentation de Max Jacob et d'André Salmon, de Fernand Marc et de la revue Sagesse. En même temps que se reconstitue le paysage - qui n'est d'ailleurs pas seulement littéraire car en sa qualité d'avocat puis de juge, Jean Follain a un regard affuté sur l'Histoire telle qu'elle est en train de s'écrire - se dessine l'itinéraire d'un auteur qui ne cède à aucune mode ou diktat idéologique pour affirmer son propre art poétique.
Ces Agendas ont été publiés en 1993, soit un peu plus de vingt ans après la mort de Jean Follain. C'est à dire que parmi ceux dont ils parlaient, plusieurs étaient encore vivants à cette date. Il y avait donc un lien possible avec le présent. Je pense par exemple à Pierre Oster (1933-2020) que j'avais plaisir à retrouver lorsque je venais à Paris et qui était lui aussi un acteur et un témoin exceptionnel de la vie poétique et littéraire parisienne et française.
Plus de cinquante années ont passé désormais depuis la mort de Jean Follain. L'activité poétique n'est plus régie par les mêmes règles, les institutions subventionnées ayant contribué à changer la donne. Le monde de Jean Follain semble bel et bien englouti et avec lui une certaine idée de la poésie, à moins que celle-ci ne continue de cheminer souterrainement dans les profondeurs de l'âme humaine où son œuvre précisément avait pris sa source.
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