Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 10 mars 2012

Le souvenir de Théophile Briant - II

Avec cette deuxième chronique, nous allons découvrir une publication au service de la poésie comme il n'en existe plus. Nous avons déjà insisté dans ce blog, au travers des revues Incognita, Oc, La Passe, Chiendents, sur le rôle déterminant de ces parutions pour entretenir le feu poétique. Avec Le Goéland, Théophile Briant nous montre comment on pouvait pleinement l'assumer et lui donner son sens le plus fort.


Cette profonde transformation s’accompagne de l’élaboration d’une œuvre, de l’accomplissement d’un véritable sacerdoce poétique. Deux ans après l’installation à la Tour, c’est en effet le lancement du Goéland dont le premier numéro d’une longue série s’envole le 22 juin 1936, solstice d’été. Publication originale qui participe à la fois du journal et de la revue, Le Goéland paraît d’abord tous les quinze jours, puis tous les mois, enfin quatre fois l’an. Mais par sa présentation et son esprit, il s’apparente bien à un journal. La composition ne varie guère : un éditorial rédigé par BRIANT lui-même sur des thèmes essentiels (la pierre, les nombres, le feu, la mort, l’or…), de nombreux poèmes, des articles de critique et d’actualité littéraire et artistique, des documents inédits de grands écrivains, enfin, en dernière page une revue de presse. Le tirage oscille entre 1500 et 2000 exemplaires pour une diffusion étendue, avec des interruptions entre 1939-42 et 44-46. En tout, 120 numéros.

Chevalier-servant de la poésie, tel est le rôle assigné au Goéland : « cette feuille volante est un acte de poésie, une croisade, elle appelle les âmes ». Car Th. BRIANT se fait l’idée la plus haute de la poésie et du poète son médium.

La poésie est un besoin essentiel dans un monde matérialiste ; c’est même « la seule réalité qui vaille de vivre ici-bas » lit-on dans le premier numéro, au ton de manifeste. Quant au poète, véritable guide ou missionnaire, c’est « un homme qui voit plus clair et plus loin que les autres, qui connaît au dernier carat le prix de chaque vie humaine ». Il est en fait « le phare suprême de l’humanité en perdition, le dernier indicateur, qui montre par delà le tunnel de la sottise et de la cruauté la terre promise de la Sagesse et de l’Amour ». Servir la poésie, c’est aussi la défendre : Le Goéland est un journal de combat, aboyant sans relâche contre « l’idiot, le salopard et le faussaire ».

Les sympathies de Th. BRIANT vont d’abord à CORBIÈRE, NERVAL, VILLIERS, HUYSMANS, BARBEY, BLOY, dont il publie des inédits et qu’il contribue à faire (re)connaître en dévoilant certains aspects méconnus, grâce à son complice René MARTINEAU. Il défend de grands poètes amis, dénigrés comme Max JACOB, ou ignorés comme MILOSZ qu’il n’hésite pas à qualifier de « plus grand poète vivant » en lui consacrant un numéro spécial en 1938. Mais la place la plus large au sein du journal et dans son cœur, il la réserve aux jeunes poètes, sans nul doute en souvenir de son fils unique Xavier, mort tragiquement en 1937. Tâche plus difficile encore, d’autant que Le Goéland est très exigeant : il demande certes des poètes mais « pas des rimailleurs égrotants mais des bâtisseurs de monde » dans la lignée des grands frères cités plus haut. « Il n’y a qu’un moyen de connaître les poètes de son temps. C’est de les chercher. Il n’y a qu’un moyen de les trouver. C’est de les aider à vivre » assurait BRIANT. C’est donc pour leur donner la première place mais aussi pour leur éviter le sort de leurs aînées et donc combattre le postulat imbécile de marginalité maudite que Le Goéland – dont « l’Amour et la Foi guident les vols de reconnaissance » offre son aile protectrice aux jeunes poètes.

2 commentaires:

  1. TRES intéressant. Merci. Rare de trouver un tel enthousiasme à l'égard d'un genre mineur... Enfin, il existe quand même des "revuistes" qui y croient fort encore au 21ème. Heureusement!

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  2. Merci. J'ai tout à apprendre sur Théophile Briant, qui est le découvreur, entre autres jeunes poètes, d'Angèle Vannier à qui je m'intéresse. Il serait bien étonnant que le Goéland n'en porte pas le témoignage, mais... Peut-on encore aujourd'hui consulter les numéros de cette revue ? (bruno.giffard@sfr.fr)

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