Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 18 mai 2013

La poésie de Paul Mari

Il y a quelques mois, Jean-Luc Sauvaigo m'a fait parvenir le dernier recueil de Paul Mari. C'est avec un grand plaisir que j'ai pu découvrir les poèmes du fondateur des Rencontres Poétiques de Provence à Coaraze en 1955, dont j'avais entendu parler par Daniel Biga et Pierre Caminade. Ces rencontres qui se sont tenues jusqu'en 1970, ont rassemblé les poètes parmi les plus importants de l'époque. Leur histoire reste d'ailleurs à écrire.
Autre bonheur lié à la réception de ce recueil, la découverte à la page 5 de la lettre qu'écrivit Gaston Bachelard à Paul Mari, le 20 juillet 1953. En voici le texte :

Cher Monsieur,

Je suis heureux de commencer ma journée avec vos poèmes et je vous remercie bien vivement de me les avoir envoyés. Avec le jour naissant, ils montent, vos poèmes. On y sent la vie saisie par son drame, avec tout ce qui oscille entre l'irréalité et une réalité à nier, à combattre. Et vous connaissez le combat des mots, toutes "les paroles se disent et se dédisent". Alors sur tous ces conflits, éclate la poésie, une poésie qui a la vie en elle, la vie devant elle. Et je songe à votre jeunesse, moi, vieux philosophe. Et j'aime votre impatience : Fais-moi grâce de la caverne, Platon. Oui, vous êtes face au soleil. Il vous faut la vérité toute droite. On sent cette ardeur de vos vers. Et c'est pourquoi je suis tout animé aujourd'hui de les avoir lus tandis que le soleil se lève. Sympathiquement,

Gaston Bachelard


Plus de cinquante ans après cette lettre voici ce qu' André Chenet écrit de la poésie de Paul Mari. C'est dans la préface du recueil dont je ne reproduis que le début :

La poésie de Paul Mari n'a rien à proprement parler d'une partie de plaisir bien qu'elle dispense de singulières jouissances : avec les simples mots des hommes de tous les jours, des mots simples comme bonjour, tristes comme l'adieu, le poète de Coaraze nous révèle l'absurdité d'une réalité élégante en laquelle il décèle une métaphysique des petits riens ou notre existence se défait, où nos jours et nos nuits se dissipent en poussières de particules grises. Et nul dieu vers qui crier le sentiment d'abandon et de solitude qui nous écrase fatalement si jamais nous nous écartons des communes mesures. L'amour ? N'est-il rien d'autre que cette quête illusoire faisant tourner le monde autour d'un axe imaginaire d'où nous hypnotise la mort ? Qui croit à la magie des voyages à venir, à l'étreinte qui renversait le temps dans un éclair d'éternité?

Il est temps maintenant de découvrir un poème de Paul Mari, celui-ci s'intitule Sur le mur invisible :

Sur le mur invisible
dont nous étions les pierres
un silence insolent
fit chanceler l'aurore

L'ami m'avait, autrefois, offert des refrains de capitaines
qui réchauffaient le sang
les soleils sur les sillons filaient alors avec les vents

Ce matin il accrochait ses gestes
au peu qu'il faisait de ses jours
pour ne pas tomber d'un arbre, de la falaise
ou des bras d'une femme

En des creux d'ombre et d'oubli
il avait perdu les clins d'œil
ne  savait plus ces histoires d'un jour qui durent une vie

Il redoutait
la moisson que le paysan abandonne
les pages du livre qu'il ne savait finir
les yeux vides des pauvres

Dans le bleu si intense du matin
si transparent, si lointain, si froid
il m'ouvrit la barrière

Contre l'horizon vide, son chien très longtemps aboya

Paul Mari


Compléments :
- Le livre sur le site de l'éditeur
- Coaraze sous le soleil de l'art

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