L’auteure a rassemblé dans ce livre plus d’une centaine de poèmes qu’elle a choisis dans l’ensemble de son œuvre pour les regrouper autour de neuf chapitres. Tous sont présentés en français et certains d’entre eux ont été traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi et Larbi Herzallah. Le tout est préfacé par Daniel Leuwers, poète et critique littéraire de renom. L’ouvrage offre en couverture un tableau d’Abdellah Al hariri.
Plusieurs talents ont donc prêté leur concours pour permettre à Aïcha Bassry de faire entendre sur la scène française – l’éditeur du livre : L’Harmattan, est situé à Paris – et auprès de tous les francophones, l’originalité et la singularité de sa voix. La voix d’une femme marocaine d’aujourd’hui, qui a changé son cœur en encrier pour dire la vie qui la traverse, et l’empreinte que laisse ce passage dans ses pensées, sa chair et sa mémoire.
La construction en chapitres est un procédé ingénieux pour faire converger les mots de plusieurs poèmes vers une thématique commune, ou disons plutôt, pour révéler un éclat particulier de la poésie de l’auteure, éclat qui, juxtaposé aux autres, va permettre d’appréhender la tonalité globale. Ici, elle se partage entre la douleur et l’attente d’un renouveau.
Écrire à partir de sa propre expérience existentielle devrait être le fait de tous les poètes. Pourtant dans la production contemporaine de langue française, beaucoup se sont égarés dans des recherches de langage stériles. Beaucoup aussi ont confondu une transcription de ce qui secoue les profondeurs de l’être avec un étalage impudique du moi. Aïcha Bassry a bien sûr choisi dans les deux cas ce qui authentifie au mieux le poète, c'est-à-dire la poésie pour dire l’expérience singulière et en même temps universelle. En ce sens, comme le note Daniel Leuwers, ce livre donne : « justement au lecteur le choix, soit d’y lire une sorte d’ « autobiographie », soit d’atteindre à un « chant général » célébré jadis par Pablo Neruda. »
Mais entrons maintenant dans le contenu de l’ouvrage dont le titre Flair de louve nous indique d’entrée le registre. Le poème liminaire le confirme. Lorsqu’elle écrit : « J’ai endossé tous les rêves des femmes/En oubliant les miens », Aïcha Bassry exprime déjà ce qu’il va lui en coûter.
Le premier chapitre est plus explicite. Toute femme aspire à l’amour, au grand amour. Daniel Leuwers remarque avec pertinence que pour Aïcha Bassry celui-ci ne relève pas de la passion mais doit s’inscrire dans la durée. Et celle-ci est consumation plus que renforcement du désir et du sentiment : « Tu me manques/Quand les matinées abandonnées s’empilent sur mon lit. »
Le deuxième chapitre nous en montre en quelque sorte les effets et les ravages avec des titres de poème comme : Gelée, Silence, Question, Égoïsme, Ombre, Pertes, Jalousie, Blessure noire, Douleurs féroces. La femme avait pourtant mis en garde : « Jadis/J’ai surpris mon visage dans le miroir du fleuve/Ma beauté m’a alarmée et je t’ai aimé/De mon trop-plein d’amour je t’ai créé/Gare au cristal de mon corps, qu’il ne t’échappe/Et que je devienne ton malheur éternel. »
Dans les deux parties suivantes une sorte de résignation s’est installée. C’est le temps du constat, des bilans, de l’acceptation difficile: « Il m’aime/Il ne m’a jamais aimé. » On ne s’étonne pas dès lors de voir l’auteure célébrer au chapitre cinq, l’automne comme un temps privilégiée, une arrière-saison où la douleur apprivoisée, les fruits de l’amertume ayant mûris et s’étant détachés de l’arbre, un espoir est toujours possible. « Peut-être qu’une plante fleurira/à l’orée de mon automne » veut croire Aïcha Bassry.
Comme Baudelaire, elle est allée promener son spleen à Paris, ville qu’elle affectionne mais dont le cœur trop rationnel ne l’aura pas comprise. Ce sixième chapitre se poursuit en d’autres lieux comme Khartoum ou Palma de Mallorca qui lui offrent cependant le même « lit de l’exil ». On comprend alors que cet état persistant puisse orienter ses pensées vers la mort à laquelle elle consacre la septième section. Celle-ci a sur elle un effet décapant. « J’ai jeté ce qui en restait/Dans les poubelles de la mort » écrit Aïcha Bassry à propos de la naïveté. Mais si l’épreuve a été rude, a atteint tout un pan d’elle-même, elle est restée debout. « Je souris à moi-même/Enfin, j’ai triomphé d’une mort anonyme/ Contre un semblant de vie. » prend-elle soin de préciser.
C’est à partir de ce qui palpite encore en elle qu’une reconquête est possible. Les deux derniers chapitres nous laissent entrevoir à partir de quels éléments celle-ci pourra se construire. Il y a d’abord cette force de vie contenue chez l’auteure qui confie avoir été : « une pépinière/pour la vie des autres ». Une telle attitude finit toujours par être payée de retour. Il y a ensuite ce lien permanent qu’elle entretient avec le cosmos et la nature. Il est générateur d’un bonheur d’images : « Tu me ressembles un peu/Le soleil est ton unique amour/Et pourtant/Tes pétales le conduisent tous les soirs/Vers l’étreinte d’un crépuscule ». Reviennent souvent aussi les liens de famille que ce soit avec la grand-mère ou la fille Chama à qui est dédiée le tout dernier poème. Établir ainsi une perspective par les liens du sang est un refus de clôturer le temps. Et puis signalons enfin comment le rêve fait son entrée dans les dernières pages du livre. Il n’a rien perdu de ses pouvoirs : « A l’étroit dans ma Vie/J’écarte la cloison de mon âme/Et d’un rêve soyeux me recouvre/Pour dormir un peu ».
Plusieurs talents ont donc prêté leur concours pour permettre à Aïcha Bassry de faire entendre sur la scène française – l’éditeur du livre : L’Harmattan, est situé à Paris – et auprès de tous les francophones, l’originalité et la singularité de sa voix. La voix d’une femme marocaine d’aujourd’hui, qui a changé son cœur en encrier pour dire la vie qui la traverse, et l’empreinte que laisse ce passage dans ses pensées, sa chair et sa mémoire.
La construction en chapitres est un procédé ingénieux pour faire converger les mots de plusieurs poèmes vers une thématique commune, ou disons plutôt, pour révéler un éclat particulier de la poésie de l’auteure, éclat qui, juxtaposé aux autres, va permettre d’appréhender la tonalité globale. Ici, elle se partage entre la douleur et l’attente d’un renouveau.
Écrire à partir de sa propre expérience existentielle devrait être le fait de tous les poètes. Pourtant dans la production contemporaine de langue française, beaucoup se sont égarés dans des recherches de langage stériles. Beaucoup aussi ont confondu une transcription de ce qui secoue les profondeurs de l’être avec un étalage impudique du moi. Aïcha Bassry a bien sûr choisi dans les deux cas ce qui authentifie au mieux le poète, c'est-à-dire la poésie pour dire l’expérience singulière et en même temps universelle. En ce sens, comme le note Daniel Leuwers, ce livre donne : « justement au lecteur le choix, soit d’y lire une sorte d’ « autobiographie », soit d’atteindre à un « chant général » célébré jadis par Pablo Neruda. »
Mais entrons maintenant dans le contenu de l’ouvrage dont le titre Flair de louve nous indique d’entrée le registre. Le poème liminaire le confirme. Lorsqu’elle écrit : « J’ai endossé tous les rêves des femmes/En oubliant les miens », Aïcha Bassry exprime déjà ce qu’il va lui en coûter.
Le premier chapitre est plus explicite. Toute femme aspire à l’amour, au grand amour. Daniel Leuwers remarque avec pertinence que pour Aïcha Bassry celui-ci ne relève pas de la passion mais doit s’inscrire dans la durée. Et celle-ci est consumation plus que renforcement du désir et du sentiment : « Tu me manques/Quand les matinées abandonnées s’empilent sur mon lit. »
Le deuxième chapitre nous en montre en quelque sorte les effets et les ravages avec des titres de poème comme : Gelée, Silence, Question, Égoïsme, Ombre, Pertes, Jalousie, Blessure noire, Douleurs féroces. La femme avait pourtant mis en garde : « Jadis/J’ai surpris mon visage dans le miroir du fleuve/Ma beauté m’a alarmée et je t’ai aimé/De mon trop-plein d’amour je t’ai créé/Gare au cristal de mon corps, qu’il ne t’échappe/Et que je devienne ton malheur éternel. »
Dans les deux parties suivantes une sorte de résignation s’est installée. C’est le temps du constat, des bilans, de l’acceptation difficile: « Il m’aime/Il ne m’a jamais aimé. » On ne s’étonne pas dès lors de voir l’auteure célébrer au chapitre cinq, l’automne comme un temps privilégiée, une arrière-saison où la douleur apprivoisée, les fruits de l’amertume ayant mûris et s’étant détachés de l’arbre, un espoir est toujours possible. « Peut-être qu’une plante fleurira/à l’orée de mon automne » veut croire Aïcha Bassry.
Comme Baudelaire, elle est allée promener son spleen à Paris, ville qu’elle affectionne mais dont le cœur trop rationnel ne l’aura pas comprise. Ce sixième chapitre se poursuit en d’autres lieux comme Khartoum ou Palma de Mallorca qui lui offrent cependant le même « lit de l’exil ». On comprend alors que cet état persistant puisse orienter ses pensées vers la mort à laquelle elle consacre la septième section. Celle-ci a sur elle un effet décapant. « J’ai jeté ce qui en restait/Dans les poubelles de la mort » écrit Aïcha Bassry à propos de la naïveté. Mais si l’épreuve a été rude, a atteint tout un pan d’elle-même, elle est restée debout. « Je souris à moi-même/Enfin, j’ai triomphé d’une mort anonyme/ Contre un semblant de vie. » prend-elle soin de préciser.
C’est à partir de ce qui palpite encore en elle qu’une reconquête est possible. Les deux derniers chapitres nous laissent entrevoir à partir de quels éléments celle-ci pourra se construire. Il y a d’abord cette force de vie contenue chez l’auteure qui confie avoir été : « une pépinière/pour la vie des autres ». Une telle attitude finit toujours par être payée de retour. Il y a ensuite ce lien permanent qu’elle entretient avec le cosmos et la nature. Il est générateur d’un bonheur d’images : « Tu me ressembles un peu/Le soleil est ton unique amour/Et pourtant/Tes pétales le conduisent tous les soirs/Vers l’étreinte d’un crépuscule ». Reviennent souvent aussi les liens de famille que ce soit avec la grand-mère ou la fille Chama à qui est dédiée le tout dernier poème. Établir ainsi une perspective par les liens du sang est un refus de clôturer le temps. Et puis signalons enfin comment le rêve fait son entrée dans les dernières pages du livre. Il n’a rien perdu de ses pouvoirs : « A l’étroit dans ma Vie/J’écarte la cloison de mon âme/Et d’un rêve soyeux me recouvre/Pour dormir un peu ».
Jean-Luc Pouliquen
Complément :
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