Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 19 janvier 2019

Pour une bonne année en poésie !

En janvier 2018, nous avions commencé l'année par la présentation d'une nouvelle revue. Cette fois nous démarrons avec une parution qui a fait ses preuves et qui continue de jouer le rôle que l'on attend d'elle, à savoir de stimuler l'authentique création poétique. Marie-Josée Christien, qui la dirige et qui a déjà été présentée et publiée dans ce blog, nous a autorisés à reproduire son dernier éditorial. Son analyse et son point de vue coïncident si bien avec les nôtres que nous avons pensé qu'ils seraient une parfaite introduction pour bonne et véritable nouvelle année en poésie. 


L'essence du poème

  Si l’on observe les parcours de la poésie et du roman depuis la fin des années 80, on constate le regain bienvenu du roman et l’éclipse apparente de la poésie. En quelques décennies, tandis que le roman est parvenu à rejeter les oripeaux hérités du « nouveau roman », à contourner les pièges de ses ex-prétendues avant-gardes et à se défaire de ses nombrilismes, la poésie est devenue presque illisible, dans tous les sens du terme. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle disparaisse pratiquement de la presse et des médias, y compris de la sphère culturelle.
  On ne la rencontre pas forcément non plus là où elle devrait se trouver. Les lieux (au sens large) qui devraient s’y consacrer, à de rares exceptions près, ne cherchent pas à rendre compte de la diversité de la parole poétique d’aujourd’hui et à l’accompagner par une réflexion partagée. Ils la délaissent par facilité pour se tourner vers le spectacle dit « vivant » et les « performances » de quelques aimables bateleurs en recherche d’autopromotion plus que d’expérimentation réelle en matière de poésie. Ces derniers, lui retirant sa substance et son essence, ne proposent la plupart du temps de la poésie qu’un repoussoir, une caricature gesticulatoire et ennuyeuse.  De fait, en poésie, les innovations de ces dernières décennies se sont limitées à des tics typographiques et de langage, vite devenus des vieilleries datables. Après la mode des tirets et parenthèses, celle des archipels de mots gras ou en italique, sont venus les artifices de mise en page : rejets de la dernière syllabe du mot final, éclatement, fragmentation et dispersion du poème sur la page… Ce qui n’empêche pas la platitude, laissant une impression morne et  ennuyeuse à la lecture.
  Parallèlement, il se répand chez les poètes, avec inconscience, et avec cynisme parfois, la tentation démagogique de rupture avec les générations précédentes, mortifère et contre-productive. Or lire ses aînés est le chemin indispensable pour trouver sa propre voie, la continuité étant nécessaire entre la créativité d’aujourd’hui et l’héritage de nos prédécesseurs. 
  La poésie est pourtant loin d’être obsolète et son rôle n’est pas dérisoire. Elle doit aujourd’hui reconstruire du collectif là où il n’y a plus que des individus et des ego en concurrence. De souterraine et retranchée dans un entre-soi, la poésie replacée dans le monde qui nous entoure parlera alors à chacun. Pour qu’elle échappe aux modes et cesse de n’être qu’un vain exercice sophistiqué de langage, elle doit devenir une création de l’esprit qui ouvre sur la vie et sur le monde, comme le conçoit le poète Kenneth White : « Pour moi, la poésie ce n’est pas des états d’âme, des émotions ni des jeux verbaux. C’est une activité fondamentale de l’esprit. » Max Jacob pressentait déjà que « la poésie redeviendra humaine ou périra comme inutilité ». Car elle porte en elle cette capacité à métamorphoser la création individuelle en élan collectif. C’est là un enjeu de taille.
 Une initiative courageuse est venue de Reflets, revue trimestrielle et généraliste diffusée en kiosque. Pour son numéro de l’été 2018, elle a parié avec succès sur la curiosité des lecteurs en consacrant son dossier à la poésie. Un exemple à suivre ! Sur les 83 pages du numéro, le dossier « Poésie, dire l’indicible »  en comporte 32, ce qui est en soi une gageure. Réalisé avec le concours actif et éclairé de la poète Brigitte Maillard qui expérimente et multiplie les initiatives pour sortir la poésie et les poètes de leur confidentialité, il se structure entre quatre thèmes qui pourraient être les points cardinaux de la poésie : « s’émerveiller » (Christian Bobin, Pierre Tanguy et le haïku…), « renaître à la vie » (Brigitte Maillard, Stéphane Hessel, Jacques Lusseyran, Robert Desnos…), « les enfants sont des poètes » (Jean-Luc Pouliquen), « l’invisible devient visible » (Laurent Terzieff, Gilles Baudry, François Cheng). Pas de savantes gloses universitaires, ni de jargon de spécialistes, mais des entretiens et des articles écrits à la première personne qui établissent d’emblée une proximité avec le lecteur. 
Ce riche dossier accessible aux lecteurs non-avertis témoigne que la poésie peut être abordée avec simplicité. Puissent d’autres revues et journaux oser la poésie à leur tour.
Marie-Josée Christien

Complément :

1 commentaire:

  1. Cela fait plaisir à lire et donne espoir en l'avenir, n'en déplaise à celles et ceux qui ne mesurent pas,ou très mal,la grande distance qu'il y a pourtant, effectivement, entre créativité et création véritable !

    André Lombard. 84 Viens.

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