Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 14 septembre 2013

Collages en pays d'Oc - II

C’est donc une visite impromptue du site de l’Oiseau de Feu qui a fait rebondir le projet plastique entamé avec mes élèves. D’emblée, les collages exposés ont éveillé l’envie de prolonger l’aventure ; il y avait longtemps que je n’avais pas expérimenté cette technique  avec des grands. Et puis, rapiécer le monde avec des « bouts de morceaux », voilà qui parle aux enfants. Un commentaire posté à chaud, une réponse de Ghislaine et je présente dans la foulée son travail à la classe. Les élèves sont très intéressés par ce qu’ils considèrent comme des paysages – et j’ai envie d’ajouter pour ma part : des paysages à la fois très structurés et en totale liberté.
Nous décidons alors de nous lancer dans des collages plus « réfléchis », au travers d’un tâtonnement individuel. 18 enfants, 18 œuvres, autour du thème de l’année : le jardin secret. Cette fois-ci, aucun recours à l’informatique, mais un travail qui sollicite « les yeux des doigts », qu’il s’agisse de feuilleter, de déchirer ou de coller, un travail manuel – c’est-à-dire une activité éminemment spirituelle.
Afin d’ouvrir des perspectives à l’inspiration, un petit musée des jardins est lancé dans la classe, que les recherches documentaires et picturales des élèves viennent étoffer. Puis nous revenons sur la toile, cette fois-ci pour découvrir le site de Ghislaine. C’est l’occasion, en observant la façon de l’artiste, de se fixer des contraintes. Ces règles élaborées collectivement constituent un authentique cahier des charges. A chacun de s’exprimer à partir des pistes esquissées :
  • Commencer par une pièce de taille « assez importante » par rapport au format de la feuille (c’est souvent le choix de cette accroche, soigneusement placée, qui a orienté la recherche des éléments suivants)
  • Compléter avec une dizaine de « pavés » (tout au plus)
  • Jouer sur les contrastes (couleurs, signes, textures…)
  • Assembler une charpente qui fasse apparaître des « échappées » (portes, fenêtres, escaliers…)
  • Intégrer des détails qui surprennent (personnages, mots, lettres…)
Une fois tout cela discuté et expliqué concrètement, c’est l’atelier qui se met en place : deux séances par semaine (certains profitant même de leurs moments « perdus » pour peaufiner leur œuvre). Les règles ont finalement été très productives et chacun s’est appliqué à les interpréter avec invention. Si une certaine unité esthétique semble se dégager d’une si grande diversité d’inspiration, cela est sans doute dû à la technique partagée, au travail en atelier ainsi qu’au matériel mis à profit (de nombreux exemplaires d’un magazine culturel !).

Frédéric Figeac

Collage d'Ambra

Collage de Joan Batista

Collage de Laura

Collage de Lisa

Collage de Lois

samedi 7 septembre 2013

Collages en pays d'Oc

Au mois d'avril 2012, nous avions présenté l'action particulièrement originale que mène le poète et enseignant Frédéric Figeac à la croisée des arts plastiques, de la poésie et de la langue d'Oc. Au mois d'avril de cette année, nous avons consacré plusieurs chroniques aux collages de Ghislaine Lejard. Une interaction entre ce blog et les préoccupations pédagogiques de Frédéric Figeac a conduit ce dernier à s'intéresser aux travaux de Ghislaine Lejard et à expérimenter avec ses élèves les techniques du collage. Nous nous réjouissons de la dynamique ainsi créée et nous sommes heureux d'en montrer le résultat.

Collage collectif

Cette année, les classes bilingues du Lot-et-Garonne se sont fédérées autour d’un projet départemental sur le jardin dans tous ses états : « al casal/au jardin » - proposé aux écoles volontaires du département, bilingues ou non. En marge de ce projet, les élèves du cours moyen de l’école Jean Moulin de Penne d’Agenais ont expérimenté un parcours artistique qui s’est révélé plein de surprises.
A partir de la découverte du jardin d’école tenu par les plus petits (grande section et cours préparatoire), l’idée de départ était de rassembler tout au long des visites de très nombreux éléments concrets témoignant des métamorphoses du lieu (cueillette de plantes, croquis, photos, récolte de « petits riens », notes manuscrites…).
Il est vite apparu qu’il fallait trouver un moyen de garder la trace de ces explorations. La forme choisie fut celle du carnet d’artiste, enrichi individuellement, au gré de l’inspiration de l’élève, mais également à l’occasion d’expérimentations collectives autour du cabinet de curiosités aménagé dans un coin de la classe. L’objet, rapidement investi par les enfants, est devenu un support de recherches plastiques ainsi qu’un registre des impressions, intimes ou partagées.
A mi-parcours (février/mars), la classe a opéré un choix parmi les motifs. Certains éléments ont alors été « déchirés » puis « rapiécés » à l’aide d’un logiciel informatique, afin de composer un collage qui soit une manière de jardin. Ce travail devait paraître dans la revue de l’École Occitane, qui accueille souvent les petits artistes de Penne. Le bricolage numérique de l’œuvre ayant donné lieu à de nombreux échanges (essentiellement autour des impressions éprouvées lors de la mise en pièce, puis de l’élaboration finale), j’ai alors proposé aux élèves de broder collectivement un poème à partir du collage pré-texte.
C’est fin avril, alors que poème et collage venaient juste de paraître, que j’ai découvert les recherches de Ghislaine Lejard sur le blog de Jean-Luc : nous allions nous engager sur une piste imprévue ! Les trois collages qui suivent le collage initial de cette livraison sont donc le résultat d’un long processus…

Frédéric Figeac

Le poème collectif des CM1 et 2 de l’école Jean Moulin

Pas per pas pel casal
Dins las brumas
De gris de gris de gris
Sonca brancas sonca bròcas
La grava crica
Las flors, ont son ?

Trabucar per las turras
Perdut
Dins un païsatge graufinhat al gredon
Per las cambas frejas
Monta l’imor
Las flors, ont son ?

Per la finèstra de fums
Pica pica l’ausèl
Per engulhar son rai
Dins lo silenci
De la passejada
E las flors, revolum de petaç !

Petals petals petals
Parpalhòls darrièr los uèlhs


Pas à pas dans le jardin
A travers la brume
Du gris du gris du gris
Des branches seulement et des brindilles
Le gravier crisse
Où sont les fleurs ?

Trébucher sur les mottes
Perdu
Dans un paysage griffonné au crayon
Le long des jambes froides
Monte l’humidité
Où sont les fleurs ?

A la fenêtre de brouillard
L’oiseau tambourine
Pour infiltrer son rayon
Dans le silence
De la promenade
Et les fleurs, tourbillon de chiffons !

Pétales pétales pétales
Papillons derrière les yeux


Les trois collages 

Collage d'Aèl
Collage d'Antòn
Collage de Cecília
 


lundi 2 septembre 2013

DES MOTS… DES BOMBES … DES MOTS ENCORE... ENCORE DES BOMBES...

Alors que monte et s'organise un mouvement d'opposition à l'intervention armée des États-Unis et de la France en Syrie, voici ce poème de Philippe Tancelin, ce cri dicté par l'urgence de dire non à l'horreur, la destruction et le néant.

DES MOTS …. DES BOMBES…. DES MOTS ENCORE... ENCORE DES BOMBES...

NOUS AVONS DES MOTS
VOUS AVEZ DES BOMBES

le long de vos rampes de lancement
II fait déjà si froid
sous les saules blancs...

mais on entend toujours
au concert des mésanges
ce grand avertissement :
monté du fond des âges :
« au faîte de la démocratie
pend l'enseigne de l'armurier »
et dans le sein des dieux
pèsent les larmes sur le soleil couchant

Qui croyait en ce monde
qu'à dépeindre vos libertés ensanglantées
les mots eux-mêmes seraient rougis

Contre le jeu de vos armes
nous avons celui des mots
jusqu'à la quintessence du poème
guetté par la descente
autant que par la danse du phénix

Nous avons sur la poutre l'hirondelle
et sous l'ondée de pailles
les peurs de vos héros
repentis d'inculture

VOUS AVEZ LES BOMBES
NOUS AVONS LES MOTS

Vous vous épuisez d'habileté
dans vos sciences du désespoir
Nous errons à l'aventure du verbe
comme un vaisseau libéré de ses haleurs

Vous recherchez des preuves
quand il en est
où elles ne se parlent plus
ne s'entendent plus
ne s'offrent plus au verbe
qu'il est enfin purifié d'elles

En ces temps maudits de vos encombres
vous usez de noms de jouets
pour enfanter la guerre
commettre dans les cours vos crimes d'école

mais nos enfants de leurs prunelles sages
ne demandent que le vert du jardin
sans abri

NOUS AVONS DES MOTS
d'un pouvoir transcendant
QUI DE VOS BOMBES
détruisent l'argutie

A la beauté qu'exhale leur envol
sans seconde
nos mots de plein ciel
s'épanouissent dans l'espace
de vos nids d'armes
détruits
sans que vous puissiez jamais suivre
leurs traces

Ils versent en secret
tout au long de vos fers
dans le mutisme de vos geôles
le souffle des mélanges
des croisées de sens
étrangers les uns les autres

Ils savent de vos terrorisantes certitudes
effacer les demeures

VOUS AVEZ DES BOMBES
NOUS AVONS DES MOTS
qui pour vous
plus rien ne signifieront
A vous plus rien
ne diront

Philippe Tancelin/Internationale des poètes