Nous continuons aujourd’hui notre hommage à Charles Galtier, par un entretien avec Patricia Dupuy qui a été son éditrice. Elle est en effet responsable de la rédaction du journal Prouvènço d’Aro et des éditions du même nom. Patricia Dupuy a déjà été accueillie dans ce blog puisque j’ai eu l’occasion en octobre dernier de présenter son livre Le parler provençal.
Patricia comment avez-vous été amenée à rencontrer Charles Galtier ?
Patricia comment avez-vous été amenée à rencontrer Charles Galtier ?
J’ai rencontré Charles Galtier, dans les années 80.
Je ne faisais pas de provençal et j’étais loin de penser qu’un jour je ferai de l’édition.
Ceux de notre âge se souviennent que les années 80/85 ont été les années de création des radios locales.
Je participais à une émission sur une radio locale à Marseille qui s’appelait “Point Virgule”. Je faisais la technique et les photos. Notre émission littéraire présentait chaque semaine un écrivain marseillais, régional ou éventuellement un écrivain connu de passage à Marseille. Notre première entrevue a été, par exemple, avec Serge Bramly pour La danse du loup, en 1982.
Et c’est ainsi que Charles Galtier nous a reçu chez lui à Eygalières pour la sortie d’un de ses livres, bilingue, Lou nis dóu calao (1981).
Evidemment, nous avons parlé en français. Nous ne connaissions pas Charles Galtier. Nous ne nous doutions même pas qu’il était un des écrivains provençaux les plus connus et les plus productifs.
Heureusement, Mr Galtier, quand je l’ai rencontré pour la deuxième fois, bien des années après, ne se souvenait pas de cet entretien…
Parlez-nous de cette deuxième fois.
C’était à Maillane, un 25 mars (mais je ne me souviens plus de l’année…) pour la commémoration de la
mort de Frédéric Mistral qui a lieu toutes les années à Maillane le 25 mars : discours au cimetière, discours devant la maison du Maître et apéritif au Centre Frédéric Mistral.
Avant que je prenne en charge les éditions Prouvènço d’Aro, mes prédécesseurs venaient d’éditer Coumèdi en un ate (1989). Mr Galtier n’aimait pas le monde, mais il venait à Maillane en tant que conservateur du Musée Frédéric Mistral de Maillane.
Il était assis sur une chaise, il était déjà âgé. Je me suis mise à genoux, à côté de lui et je me suis présentée. Il a été charmant, comme à son habitude. Il ne parlait pas fort et ne parlait pas trop avec les autres personnalités.
À Maillane, ce jour-là et à cette époque, il y avait un grand repas organisé par le Félibrige où les majoraux étaient invités. Mr Galtier était majoral à la Cigalo de Durènço.
Il m’a demandé si je voulais dîner à ses côtés à ce repas. J’ai refusé car je ne connaissais personne de ce monde-là et j’étais un peu gênée d’accepter.
Vous faites bien de rappeler les liens qui unissent Charles Galtier à Frédéric Mistral : Conservateur de sa maison à Maillane, Majoral du Félibrige et aussi premier lauréat du Prix Mistral en 1946 avec ses deux recueils de poèmes La Dicho dóu Caraco (La chanson du bohémien) et Dire Ninoi pèr la Ninèio (Naïveté pour les enfants) ainsi que son drame, Li Quatre Sèt (Carré de Sept). À votre tour, avec vos éditions, vous alliez permettre à son œuvre de continuer à rencontrer son public.
Mr Galtier a édité chez de nombreux éditeurs régionaux (Parlaren, Grandir, Les Cahiers de Garlaban, Edisud, L’Astrado) ou non (Gallimard, Horvath, Ouest France). Il nous a demandé un jour de publier ses nouvelles sous les titres de La Sereno (La Sirène, 1991) et La Pèiro d’aiglo (La pierre d’aigle, 1996). Le premier rassemble 7 nouvelles dont “La sirène”, en provençal, qui raconte comment la sirène accompagne le corps d’un mort qui descend le Rhône : toutes les âmes hantent le Rhône la nuit de la Saint Médard… Le second réunit aussi 7 nouvelles dont “La pierre d’aigle”, en provençal/français, pierre que l’on va chercher dans l’aire d’un aigle et qui aide les femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant.
Mr Galtier n’a pas édité que des nouvelles pour les enfants. Certains de ses contes sont noirs, donnent à réfléchir, ou parlent de légendes mystérieuses pas très connues : tous ne finissent pas bien.
Malgré son écriture d’une grande clarté dans une belle langue provençale simple, il semble oublié. Seules ses Comédies en un acte intéressent encore un peu les troupes de théâtre qui jouent en provençal.
La Provence qu’évoque Charles Galtier dans ses livres se rattache à un monde rural qui n’existe plus. Peut-être faudra-t-il se perdre encore un peu plus dans les turbulences de la ville pour y revenir. Sa poésie condense toute sa sagesse et sa vision du monde. Vous en avez aussi éditée.
Effectivement nous avons édités Nouvèu Tros (Nouveaux fragments, 1998), cinquante poèmes courts
. Nouveaux parce qu’il avait édité Tros (Fragments) en 1986. Il avait déjà à son actif une quinzaine d’ouvrages en vers, dont le premier est sorti en 1949. Parallèlement à son œuvre en prose, il a toujours écrit des poèmes. Comme il était un homme très discret, je le qualifiait d’”homme intérieur”, ce qui pour moi signifie qu’il exprimait par la poésie ce qu’il ne pouvait pas nous dire.
Quouro more uno estello au founs de l’estelan,
Dison que se veira li milanto milo an
Que vai metre sa lus pèr d’amoundaut descèndre.
Mai dins un vira d’iue, escapado à la niue,
La belugo que siéu s’amosso dins li cèndre.
Lorsqu’une étoile meurt au sein du firmament,
on dit qu’on la verra pendant des millénaires
que mettra sa clarté pour venir jusqu’à nous.
Mais dans un bref clin d’œil, s’arrachant à la nuit,
s’éteindra la lueur de celui que je suis.
(trad. de Ch. Galtier)
Ses fragments sont très courts (5 à 6 vers), et sont tournés vers la terre ou les éléments célestes et sonnent comme des maximes mais riches de poésie. Il faut les lire plusieurs fois car ils donnent à méditer.
La mostro à soulèu
Te dira pas l’ouro
Touto fes e quouro
Se tapo lou cèu
Aprouficho dounc di jour que fai bèu.
Le cadran solaire
Ne dit pas l’heure
Lorsque les nuages
couvrent le soleil.
Mets donc à profit les jours de beau temps.
Merci Patricia pour ce témoignage.
Compléments:
- Le site des éditions Prouvènço d’Aro.
- Contact : lou.journau@prouvenco-aro.com
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour cet hommage qui lui est si bien rendu.
Thierry