Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 27 février 2010

Les quatre routes de Jean-Pierre Tardif

Jean Pierre Tardif - Joan-Pèire Tardiu en occitan - est un poète discret qui joue cependant un rôle important dans la poésie occitane contemporaine. Il est le rédacteur en chef de la revue OC dont il a pris en main la destinée à la mort de Bernard Manciet. Là, il s'emploie à donner une actualité à la langue d'oc en montrant qu'elle est toujours porteuse d'expressions audacieuses, d'interrogations et de sens, dans le monde où nous vivons. Ce travail exigeant, tourné vers les autres, a rendu ses publications personnelles plus rares. Elles méritent en cela une attention accrue. Danièle Estèbe-Hoursiangou a été parmi les premières à lire Jean-Pierre Tardif au plus près, c'est ainsi qu'elle a pu ouvrir son recueil par une présentation de trois pages dont voici un extrait : " La poésie de Joan-Pèire Tardiu, telle qu'elle nous est ici révélée, est, au sens corporel du terme, la réaction organique d'un homme traversé par les paysages, par les éléments qu'ils lui donnent à voir au-delà de l'invisible, à entendre au-delà de l'inaudible, à sentir dans l'insaisissable. Mais pour autant, il ne s'agit pas de l'évocation d'une nature miroir ou chambre d'écho, qui lui offrirait une transposition compatissante - ou complaisante - de ses tourments dans ses manifestations ou ses aspects. Qui l'accompagnerait, à l'unisson de ses sentiments. Le monde, ce et ceux qui l'habitent, plus ou moins accessibles d'ailleurs, restent sur leur propre course, avec leur propre langage. S'il fallait transcrire la poésie de Joan-Pèire Tardiu dans un environnement littéraire, il serait à rapprocher de ce courant porté par des auteurs comme lui d'expression occitane, tels que Marcelle Delpastre, Max Rouquette, Bernard Manciet, ou Philippe Gardy, pour ce rapport très particulier qu'ils ont, chacun à avec le cosmos". Ajoutons que la manière dont Jean-Pierre Tardif dispose les mots de ses poèmes sur la page, comme des constellations d'étoiles dans le ciel, renforce ce lien avec le cosmos.

Les poèmes ont été traduits de l'occitan par Denis Montebello. L'illustration de couverture est signée Krimo qui avait déjà accompagné le précédent recueil de Jean-Pierre Tardif, La Mar quand i es pas / Absence de la mer paru en 1997.


Compléments :

samedi 20 février 2010

La femme, inspiratrice de Serge Bec

Le précédent recueil de Serge Bec, Saume dins lou vènt / Psaume dans le vent paru en 2006 aux éditions La Cardère avait valu à son auteur le Grand Prix Littéraire de Provence qui a couronné en même temps l’ensemble de son œuvre poétique.

Commencée avec Li Graio negro / Les Corneilles noires en 1954, celle-ci n’a cessé sur plus de cinquante années de s’enrichir de pages dans une étonnante fidélité aux thèmes premiers qui l’ont portée. Parmi eux se distingue la célébration de la femme qui rattache Serge Bec tout autant à la lyrique des Troubadours qu’au Surréalisme dont il a été un des rares poètes provençaux à revendiquer la filiation.

Pour l’auteur, Femme mon amour constitue avant tout les trois mots qui se superposent sur celui de son épouse Annette. Elle a été tout au long de son œuvre l’inspiratrice de ses plus beaux poèmes depuis Cant de l’Estre fòu / Chant de l’Etre fou jusqu’à Suito pèr uno Eternita / Suite pour une Eternité. Nous avons déjà eu l’occasion de raconter les circonstances difficiles mêlées de craintes et d’espoir qui avaient conduit à l’écriture de ce recueil.

Avec Femme mon amour, Serge Bec tente de surmonter la douleur laissée par la disparition d’Annette en transformant son expression amoureuse pour son épouse en un hymne universel à la femme. Il nous propose pour cela dix-huit poèmes, écrits dans sa langue d’oc, avec la traduction en français.
Les habitués de la poésie de Serge Bec retrouverons dans ce recueil des poèmes qu’ils ont pu déjà lire dans de précédents livres, ainsi de la Balada pèr Lili Fong / Ballade pour Lili Fong par exemple, écrite sur fond de guerre du Viêt-Nam. Mais la nouveauté du propos est d’avoir rassemblé ces poèmes, en les réécrivant parfois, dans l’unique perspective de chanter la femme. Les dessins de Bernard Manciet et de Caròl Poirson glorifiant le corps féminin sont là, si nécessaire, pour le souligner.

Alors, qu’elle soit provençale ou arabe, vietnamienne, bosniaque ou kosovar, la femme est une, qui représentera toujours pour le poète celle qui « met le monde en marche », celle qui « croit de nouveau en l’innocence primitive », celle qui « émerge transparente de la tempête / comme une rivière qui retrouve sa source ». Elle est « la femme aux oiseaux », la chaleur de son corps et de son âme favorise les éclosions et les envols. Elle est principe de recréation :

« E sonas dins mon mirau
D’autrei jovènças d’autrei beutats
D’autrei fams d’autrei vidas
Que podriam creire inagotablas »

« Et tu appelles dans mon miroir
D’autres jeunesses et d’autres beautés
D’autres faims d’autres vies
Qu’on pourrait croire inépuisables
»

L’œuvre de Serge Bec a donné lieu le 3 avril 2009 à une journée d’étude organisée par le département d’Occitan de l’Université Paul Valery de Montpellier, à l’initiative de Marie-Jeanne Verny avec des contributions de Philippe Martel, Philippe Gardy, Joëlle Ginestet, Paul Peyre et Jean-Claude Forêt notamment. Le retour au lyrisme, comme la présence de la femme dans la poésie de l’auteur, ont été quelques uns des thèmes abordés à cette occasion.

Compléments :

- le site de letras d’òc

- Serge Bec sur le site Cardabelle

- Programme de la journée d'étude

samedi 13 février 2010

Jacques Basse, le portraitiste des poètes

Jacques Basse est un artiste qui s'est lancé il y a quelques années dans une aventure originale : faire le portrait de contemporains célèbres et leur demander ensuite de le dédicacer. Sur le site qu'il a créé et qu'il alimente régulièrement de ses nouvelles oeuvres, on découvre une galerie impressionnante d'hommes et de femmes politiques, d'académiciens, de médecins, de savants, de philosophes, d'écrivains, etc. Parmi eux se sont présentés à un moment des poètes avec lesquels Jacques Basse s'est trouvé en bonne compagnie, au point de ne se consacrer presque exclusivement qu'à eux aujourd'hui. Après avoir dessiné leur portrait, Jacques Basse a eu l'idée de le compléter par un poème et une notice de présentation. Ainsi, sans le vouloir, il a constitué au fil du temps une véritable anthologie de la poésie contemporaine, une anthologie inédite qui associe au texte le visage de celui qui l'a écrit. Une telle expérience ne pouvait qu'inviter à la réflexion et aux commentaires. Quelques uns introduisent le premier tome des Visages de poésie qui rassemble déjà cent poètes et prolonge en un livre ce que le site Internet avait initié. Dans sa préface Florence Trocmé écrit ainsi : « Car ce que nous donne à voir Jacques Basse ce sont exclusivement des visages, une théorie des visages, ceux d'hommes et de femmes, de poètes de notre temps, qu'il a rassemblés, dessinés d'un trait à la fois tendre et extrêmement précis, hommes et femmes qui marquent notre littérature par leurs écrits et dont les visages, ouverts, offerts sur la page, transcendés par le dessin, semblent nous inviter, parfois même nous appeler. De Marie-Claire Bancquart à Claude Vigée, de Gabrielle Althen à Jean-Pierre Verheggen, d'Henri Bauchau à Christian Prigent, etc. » Et Jean-Max Tixier, qui nous a quitté il y a peu, d'ajouter dans ce même livre : « De l'ensemble des traits distribués sur la page, émerge la vérité d'un homme. Une mystérieuse lueur noire accomplit le regard. Jacque Basse est, par sa maîtrise, un magicien du trait.»

Un deuxième tome des Visages de poésie a déjà fait suite au premier, en attendant la parution d'un troisième. Celui-ci est préfacé par Michel Cosem, Guy Allix et Jean Billaud. Il présente également cent nouveaux visages accompagnés de poèmes et de notices biobibliographiques. On trouvera parmi eux, ceux de Serge Bec, Claude Ber, Daniel Biga, Enan Burgos, Georges-Emmanuel Clancier, Maurice Couquiaud, Jean L'Anselme, Colette Gibelin, Marcel Migozzi, Cécile Odartchenko, Yves Rouquette, Annie Salager, Dominique Sorrente, Bernard Vargaftig... Nous ne pouvons que remercier Jacques Basse de nous restituer une poésie de langue française somme toute bien vivante, diverse, mais unie dans une même célébration du verbe !

Compléments :

samedi 6 février 2010

Poésie & Chanson

Luc Bérimont dont nous avons parlé à l'occasion de la sortie de la revue 303, nous a donné l'occasion d'évoquer les relations qui existent entre la chanson et la poésie. Dans les archives de l'INA, indiquées plus bas, on pourra retrouver un débat au cours duquel il veut montrer à Georges Moustaki ce qui différencie les deux modes d'expression. A sa manière, Michèle Serre reprend ici ce sujet pour rappeler ce qui demeure le bien propre de la poésie. Nous n'en gardons pas moins une tendresse pour tous les interprètes d'une véritable chanson poétique, elle aussi réduite à la portion congrue.

De la poésie et de la chanson

Voici des années, il était de bon ton de proclamer la mort de la poésie et le triomphe inéluctable de la chanson. Seule, elle pouvait assurer et assumer la diffusion du courant poétique de notre époque ! Seule, elle était susceptible d’atteindre le peuple !
Qu’en est-il aujourd’hui ?
« La chanson est poésie » affirme-t-on de tous côtés !
Toute la poésie ? Et en ce cas, pourquoi continue-t-on à écrire des poèmes qui ne seront jamais chansons, qui ne seront peut-être jamais lus ou connus ?
Quand on sait le peu d’audience des livres de poèmes, la mise à l’écart (volontaire ou involontaire) des poètes de la vie de la cité, le pari dangereux des rares éditeurs de poésie, nous dirons que dans notre bonne société occidentale, il est tout simplement suicidaire de continuer à n’écrire que de la poésie ; car enfin, cette reine exilée, non seulement ne passera pas les ondes du petit écran, mais fera toujours écran à notre désir de paraître !
Faite pour le silence, le secret, la pause du temps, la flânerie lente et interminable, au contraire de la chanson, éphémère, passionnée, instinctive …
Certes, la chanson peut-être poétique, celles de Brassens le sont indéniablement, mais lui-même se nourrissant des poètes du passé, affirmait le caractère intemporel de la poésie.
La poésie, c’est le face à face avec nous-mêmes, avec la nature, avec les autres et ce face à face se poursuit inlassablement, sans brisures, à travers les pays et les siècles.
Elle n’a nul besoin « des trompettes de la renommée » c’est pourquoi aujourd’hui, elle subit l’exil mais elle n’est point morte.
La chanson est partage direct, communication facile et émotionnelle ; elle est la sœur la plus conviée de toutes nos fêtes. Pourtant, lorsque l’écho de celle-ci faiblit et s’éteint peu à peu et qu’il ne nous reste alors que la nostalgie, on a envie de se tourner vers la poésie, sœur plus étrange, moins facile à apprivoiser et dont le mystère est toujours aussi grand.

« Chaque jour dit le Renard au petit Prince tu t’assoiras un peu plus près de moi… »

Ainsi s’adresse à tout homme la poésie, tissant avec nous des liens fortement humains et irremplaçables.
Cette longue patience qui monte en nous comme la sève dans l’arbre, est source de bien des joies, de déchirantes confrontations. Mais une fois qu’on l’a connue, on ne peut l’oublier sans mourir.

Michèle Serre

Quelques pas avec Michèle Serre :

Michèle Serre découvre très tôt la poésie et obtient des prix littéraires aux Jeux floraux de Perpignan (institution très vivante dans les années 60). Cette participation lui permet des rencontres avec d’autres poètes français et catalans mais aussi étrangers notamment Léopold Senghor et Maurice Carême.
Après des études littéraires elle rentre dans une vie professionnelle mais poursuit une expression personnelle sous la forme de poèmes et de nouvelles. Très impressionnée par le livre de Roger Caillois et Jean Clarence Lambert sur le Trésor de la poésie universelle, elle entreprend une recherche approfondie sur les poètes du passé mais aussi sur la poésie actuelle française et étrangère.
Elle publie alors dans des anthologies de poésie aux éditions St Germain des Prés. Malgré des sollicitations elle n’accepte pas cependant les publications à compte d’auteur. Très vite consciente des difficultés d’édition de la poésie, elle crée avec son mari Pierre Sentenac (artiste peintre) des manifestations de poésie-peinture, ce qui lui donne l’occasion d’une mise en valeur de ces deux expressions dans des catalogues.
En 1991, ils concrétisent un projet d’édition confidentielle de livres d’artistes : Le Bien-Vivre, et poursuivent cette tâche jusqu’à aujourd'hui.
Cette édition leur permet d’intégrer d’autres créateurs avec un intérêt particulier pour les livres d’enfants mais aussi à travers une collection : « Passeurs du temps », un approfondissement poétique des chemins de la création de quelques poètes et artistes, le dernier en date : Hartung, un éclair dans la nuit.
La diffusion des livres s’effectue à travers des expositions mais aussi une participation aux salons de poésie notamment à Lodève durant les Voix de la Méditerranée. (Contact Michèle Serre et éditions Le Bien-Vivre : pierresentenac@orange.fr)


Compléments :


- A ses débuts notre groupe des Cahiers de Garlaban a travaillé avec le chanteur Jean-Jacques Boitard qui avait mis plusieurs de nos poèmes en chansons :

mercredi 3 février 2010

La mort de Serge Wellens

C'est avec beaucoup de tristesse que je viens d'apprendre le décès de Serge Wellens. Il avait vécu la deuxième période de l'Ecole de Rochefort lorsque Jean Bouhier après la mort de René Guy Cadou avait décidé de reprendre l'aventure sous la bannière des Amis de Rochefort. Nous étions alors dans les années cinquante et les réunions se tenaient à Paris, le plus souvent à La Coupole. Jusqu'au bout Serge Wellens sera resté fidèle à l'esprit de poésie et d'amitié qu'il avait connu durant ces années. Il vivait à La Rochelle, éloigné de tout souci de réussite littéraire, dans le service le plus pur de la poésie. Mes affectueuses pensées vont à son épouse Annie et à son fils, Antoine. Voici en complément quelques éléments qui permettront de mieux le connaître et de prendre la juste mesure de la place qu'il a occupée dans la poésie contemporaine.

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