Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

vendredi 8 mars 2019

Passage du poète - II


Il y a quelques années, nous avons consacré une chronique de ce blog au livre de Charles-Ferdinand Ramuz Passage du poète. Nous allons aujourd'hui actualiser ce thème avec Brigitte Maillard. Comme dans le livre de Ramuz, elle va nous faire part de son expérience pour donner à son action et ses rencontres, une dimension poétique.

Brigitte, nous avons déjà eu l'occasion de parler de votre présence poétique sur les marchés de Bretagne. L'an dernier nous avons rendu compte du dossier consacré à la poésie que vous avez réalisé pour la revue Reflets. Nous n'oublions pas non plus votre propre écriture à travers notamment votre livre À l'éveil du jour que nous avions également présenté. Mais c'est d'une autre initiative que vous avez prise dont il s'agit maintenant..

Oui Jean-Luc et merci de m'accueillir à nouveau sur votre blog. Les circonstances m'ont entraînée sur un nouveau chemin d'action poétique.  Depuis 3 ans, je participe à l'élaboration d'un salon du livre doublé d'un concours de textes poétiques. Cet événement s'est bâti pas à pas, en collaboration étroite avec l'association Salon Bigouden du Livre et la municipalité de Pont-l'Abbé, capitale du Pays Bigouden. Une aventure intense, ancrée sur un territoire qui, au travers du concours particulièrement, me met face à mon engagement en poésie. L'action est neuve sur le territoire. Elle met en jeu des forces que je n'imaginais pas.

Quelles sont ces forces que vous ne soupçonniez pas ?

Quand un territoire s'éveille à la poésie, c'est un surgissement.  Ces concours, permettent  l'éclosion de nouveaux talents et la découverte est riche ! Scolaires, anciens, jeunes adultes  se rencontrent autour d'un thème commun, en lien avec Le Salon annuel Bigouden du Livre. Le thème de cette année : " Des racines et des arbres ". Les textes poétiques affluent, et nous découvrons la diversité des écritures.


Votre concours lui a permis de s'inscrire dans les mots.

Cette diversité est si nécessaire aujourd'hui ! Garante du respect de nos différences et de l'acceptation "de ce qui constitue l'autre comme autre".
La poésie est une langue vivante, originale que chacun peut révéler. Mais son développement est difficile, elle peine à se faire reconnaître. La poésie me fait souvent penser aux langues disparues.
Selon L'Unesco 45 % des langues ont disparu entre le temps de la colonisation et le 20 ème siècle... Alors quand elle émerge avec cette force, c'est bouleversant. Les uns, les autres ont tant à  exprimer, ressentir, célébrer.

J'imagine que votre concours est l'occasion d'un événement particulier.

La remise des prix, quelques mois plus tard, permet à chacun de dire son poème et de découvrir, souvent en famille, la poésie tout simplement. Ce jeu de miroirs se prolonge au travers de l'édition d'un livre qui accueille les poèmes primés et une sélection des poèmes reçus. Plus tard, ce seront les poèmes primés que les promeneurs découvriront au fil de leur déambulation, auprès de la rivière de Pont-l'Abbé.

Photographie de Roland Chatain

Toutes ces initiatives me semblent particulièrement valorisantes.

Ainsi se tissent depuis trois ans, dans la ville de Pont-l'Abbé et ses environs, "un trésor poétique". Les témoignages que je reçois me permettent de dire que cette action stimule la découverte de cet ensemble : poésie, poème et poète.  Et c'est primordial. La poésie, du fait de sa méconnaissance,  souffre beaucoup de l'entre-soi créé par les poètes eux-mêmes. Là, la Poésie revient à elle ! Se découvre face à tous ces nouveaux visages.

Photographie de Brigitte Maillard

Oui, la poésie sort toujours gagnante lorsque elle est dans une démarche d'ouverture. Mais cette ouverture n'est-elle pas inscrite dans son ADN, pour reprendre une expression dans l'air du temps ?

Elle est ouverture. A tel point qu'elle se fond dans le paysage (sourires). Plus sérieusement, sa présence nous élève. Il y a quelque chose de mystérieux en nous que l'état de poésie nous permet d'approcher. L'instant est précieux, la respiration aussi. Le poète ne ramène-t-il pas l'homme à la vie ? Au fond, écrire des poèmes n'est-ce pas aller contre la nature même du monde ? Découvrir cette frontière entre "Pays rêvé, Pays réel" titre d'une œuvre du poète Édouard Glissant ?

Cette frontière que l'on franchit en empruntant le "passage du poète". Merci Brigitte !

Complément : 
- Le recueil des poèmes primés sur le site Monde en poésie.

3 commentaires:

  1. Une langue vivante ne meurt jamais, elle resurgit. Ainsi en est-il de la poésie. Le monde est faible de sa force apparente. Poésie est forte de son apparente faiblesse.
    Marc Bouriche

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  2. Ce que fait Brigitte Maillard a la beauté des rayons de miel patiemment élaborés dans le secret de la ruche.

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  3. Merci Marc Bouriche.
    Le sujet de la disparition des langues(hors poésie) est complexe. Si la parole s'éteint, c'est vrai que contrairement aux espèces vivantes comme le souligne le linguiste Claude Hagege, les langues peuvent ressusciter, si par chance il existe une littérature écrite (tablettes etc...) Voici une présentation de son ouvrage "Halte à la mort des langues" https://www.lexpress.fr/informations/une-langue-disparait-tous-les-quinze-jours_640290.html

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