Lorsque j'ai présenté le mois dernier le livre Pablo Picasso, André Salmon and "Young French Painting", j'ai omis de dire que la maquette de couverture était de Ruby Silvious. Au mois d'avril, j'ai eu la chance de la rencontrer et de découvrir ses dernières créations. Pour la deuxième fois - Ruby Silvious était déjà venue à Hyères en 2017 - elle les présentait à la galerie LM Studio dirigée par Laurence Neron-Bancel dont j'ai déjà eu l'occasion de parler à travers les artistes Véro Barbot et Bertille de Baudinière.
Ruby Silvious est une créatrice américaine particulièrement imaginative qui utilise des matériaux récupérés dans notre univers quotidien pour les transformer en œuvres d'art. Un premier livre intitulé 363 Days of Tea : A Visual Journal on Used Tea Bags avait rendu compte de son expérience journalière, durant une année, de traduire sur un sachet de thé usagé, par le trait et la couleur, ses émotions du moment. Son deuxième livre Reclaimed Canevas prolonge et amplifie sa démarche en introduisant l'utilisation de nouveaux supports.
Les chapitres intitulés 52 weeks of tea, Multiple tea bags, 26 days of tea in Japan, 26 days of tea in France, 9 days of tea in Spain, Coming home illustrent une nouvelle fois avec brio la démarche de Ruby Silvious de transcrire sur des sachets de thé ses impressions et émotions de voyage. Par cette citation de Marcel Proust : "Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux pays mais à voir avec des yeux nouveaux", l'artiste nous indique le sens de sa recherche. Elle réalisera en fait les deux en nous faisant découvrir des lieux que nous ne connaissions pas ou connaissions superficiellement, avec un regard renouvelé. Ainsi de la dernière séquence par exemple Coming home où nous découvrons son village de Coxsackie dans la vallée de l'Hudson avec ses yeux remplis d'émotion. Ses représentations du parc près de la rivière, des bâtiments du centre-ville en briques rouges, d'une ferme entourée de prairies, d'un phare sur l'Hudson, de la rivière elle-même, nous restituent l'Amérique paisible et familière qui compose son décor quotidien.
Il sera question dans le livre de "Haïku visuel". L’expression est heureuse et met en lumière la dimension poétique du travail de l'artiste qui réenchante le monde à la fois par sa capacité à saisir la magie de l'instant et à l'inscrire sur des supports qu'elle a su soustraire à leur utilitarisme premier. Le mot "support" est bien au pluriel, le livre est là pour nous le donner à voir.
Dans un chapitre intitulé Oribrami qui joue ici sur le mot Origami, l'artiste qui a fréquenté le milieu de la mode, présente des pliages représentant des soutiens-gorges réalisés avec des papiers d'emballage de différentes enseignes telles Starbucks, Whole Foods, McDonald's ou encore Savannah Bee. Enfin dans les pages de la séquence Non-Traditional Materials nous découvrons le merveilleux usage que Ruby Silvious a su faire de l'intérieur d'une coquille d’œuf, d'un nuancier de peinture murale, de glands de chêne, de galets, de feuilles séchées ou de coquilles de pistaches. Nous arrêtons là l'énumération mais il semble que les possibilités soient infinies.
Il est temps maintenant de rejoindre l'artiste dans son atelier et de la découvrir au travail :
Compléments :