Nous suivons avec intérêt dans ce blog les publications de Joan-Pière Tardiu. Nous avions été heureux de présenter en 2021 son recueil A LA PEIRALHA / Parmi les pierres. Nous nous réjouissons aujourdhui de la sortie de Lo vent que parla lo paradis / Le vent qui parle le paradis dans la collection PO&PSY.
Le recueil est présenté dans une pochette qui lui sert d'écrin et en fait une sorte de livre-objet. Celle-ci nous renseigne sur les intentions de la collection. Les éditions érès sont à l'origine des éditions de sciences humaines. Sur les traces de Freud, elles ont intégré dans leur démarche la place privilégiée qu'occupent les écrivains pour accéder à une connaissance plus profonde de l'être humain. Aussi, à travers la collection PO&PSY, dirigée par Danièle Faugeras et Pascale Janot, elles se proposent "de faciliter l'accès à des œuvres poétiques" et cela "sans limitation d'époque, ni de lieu, privilégiant des formes ou anthologies brèves dans la seule exigence de la qualité des textes et de leur présentation".
La collection compte à ce jour plus de vingt auteurs parmi lesquels le roumain Lucian Blaga déjà présenté dans ce blog, le brésilien Paulo Leminski ou encore le poète occitan Jaumes Privat, également accueilli dans ce blog.
Joan-Pèire Tardiu est donc le deuxième auteur occitan à entrer dans la collection. Nous nous étions habitués dans ses livres à une présentation où une page était dédiée au poème en occitan, une autre à sa traduction en français. Cette fois, occitan et français sont présentés ensemble, le français à la manière d'un sous-titre de l'occitan. C'est l'auteur lui-même qui s'est chargé de la traduction et le recueil est agrémenté de gravures d'Eve Luquet.
Nous avons déjà eu l'occasion de dire la manière choisie par Joan-Pèire Tardiu pour espacer les mots sur la page, c'est sa "marque de fabrique". Nous la retrouvons dans ce recueil.
James Privat nous en donne le sens à la fin de la publication, à la fois en occitan et en français. Je lui laisse la parole : "Au bout de tout il y a la poussière, le temps,
l’espace qui se creuse, l’espace dans les trous. qui se peuple de mots.
stupéfié. c’est le vent immobile, ce vent de pas res qui parle au-delà
des murs, le balancement du ciel, la bufada (la bourrasque).
Depuis «Paraulas als quatre vents» ou «Jorns dobèrts», ses premiers recueils
des années 73-74, à celui-ci, « Lo vent que parla lo paradis »,
Joan-Pèire Tardiu n’a de cesse d’écrire çò que se pòt pas dire / e pas
qu’aquò (ce qui ne peut se dire / et cela seulement), non parce que la
parole serait perdue – en langue de Lacaussade ou d’ailleurs – mais
parce que les mots construisent le monde a brigalhs (avec des débris,
des miettes). D’où les trous. La poésie de Tardiu est pleine de trous,
de trous entre les pierres, de pierres qui dressent des murs, de trous
dans les murs où s’engouffre le vent, de ténèbres et de lumière. Dans
ces trous passe le souffle, la voix obstinée dans les battements du
temps. Ça parle. Voix déchirée, physiquement, de la lenga à reconstruire
à chaque instant, à inventer, à s’inventer – quelle chance! – avec
laquelle bâtir – paradoxalement – le monde... enfin... le paradis."
Complément :