Laure Dino dont on a pu lire un poème inédit en ce début d'année, m'a fait l'amitié d'une lecture de mon livre Mémoire sans tain
paru en décembre 2009.
Mémoire sans tain, qui retrace le parcours poétique de Jean-Luc Pouliquen, des années 1982 à 2002, est un titre qui d’emblée réveille notre imaginaire.
Il nous faut écailler ce tain, pour contempler la beauté cachée du monde. Il nous faut rappeler les mots, pour écrire l’amour enfoui dans la mémoire. Alors du miroir de l’ego brisé, apparaît la mémoire du monde, l’identité collective de l’être, la création originelle. Et du cristal retrouvé, transparaît un diamant qui capte et reflète la lumière, sans barrières.
Jean-Luc Pouliquen est un poète fortement enraciné dans sa terre avec laquelle il entretient un lien charnel et magique. La nature parle un langage secret, à travers les oiseaux, les pierres, les fleurs, que le poète déchiffre et retranscrit. Il parle au pays avec des mots doux : "Vieux pays/ exilé de toi-même/ tu as pris le maquis/...il faut pour t’approcher/ bruire comme une fontaine/ et plonger ses deux mains/ dans un buisson de thym..." (Cœur Absolu, Vieux Pays, p. 61,). Il arpente les chemins comme un simple berger, pour retrouver son cœur d’enfant, et plus profondément, purifier l’âme : "Tenir dans sa main/ taillé comme un bijou antique/ le cristal de son histoire/ puis refermer ses doigts/ pour en préserver l’éclat/ aussi pur/ que son enfance"(Mémoire sans tain, Tenir dans sa main, p. 62).
À travers l’écriture, il transmet la source de l’encre, qui jaillit du ruisseau. Plus qu’un écrivain, Jean-Luc Pouliquen est un ethnologue des mots, qui incruste les phrases sur la page comme des racines entre les êtres.
Un rapport particulier le lie avec la Provence. Une Provence entre ombres et lumières, anges et démons, vivante et vibrante comme un être de chair. Il saisit la lumière du mimosa et le mimosa devient l’image même du soleil de la Provence (En attendant la grâce, Mimosa, p. 125), et "la ville se couvre/ d’un crépi de lavande" (Mémoire sans tain, Il faut laisser l’enfance, p. 31). Mais le poète joue aussi avec les ombres, "le goudron fumant", le mazout, la fumée, "les jardinières de béton", comme avec des pierres noires, qu’il frotte à ses pierres blanches, tels deux silex, pour allumer le feu des poèmes.
Cette Provence que représente le "vieux pays" est peut-être pour l’auteur le pays perdu, ou plus encore, l’origine même, le paradis perdu. Mais comme "l’oiseau de feu du Garlaban", elle peut renaître de ses cendres et devenir alors l’Eve de l’Eden, la terre si parfaite qu’elle reflète le ciel et s’unit à lui. Reportons-nous à ces phrases : "Rien sur vos itinéraires/ pour conduire/ à la sourde vibration des pierres/ au mariage avec l’univers/ dans sa nudité originelle" (Être là, Itinéraires, p. 93).
Le poète cherche l’or des origines, à travers les éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air. Et l’origine qu’il trouve est une matière fécondante, "une matrice brûlante" (Oh ! pesanteurs terrestres/ matrice brûlante/ de l’éternel - Être là, p. 111,) dans le berceau de laquelle l’homme pourrait renaître. Renaître en s’enfonçant dans l’univers, s’immergeant dans l’infini, comme on plonge dans l’océan. En réalisant cette fusion, ce retour, le poète devient la terre : "Je ne suis plus de chair/ mais d’écorce et de cistes/ d’eucalyptus et d’écume" (Être là, Un bain de nature, p. 114).
Ce faisant il réalise un mélange, un alliage, une alchimie secrète avec les éléments, qui au fil du temps, le transforme. Comme si la terre avait le pouvoir de modeler encore l’homme. Alors, il se laisse sculpter, brûler par les pouvoirs secrets de la magie blanche, de "l’incandescence de la terre" (Cœur absolu, p. 57, Compagnonnage : "Demeure la louange/ pour le Dieu qui le comble/ et donne à ses paroles/ l’incandescence de la terre").
Nous remarquons également dans les poésies de Jean-Luc Pouliquen, une qualité essentielle - au-delà de la diversité des thèmes - qui est l’humilité. Les mots brillent de l’éclat de la simplicité. Il semble que le poète les dépose doucement, sans les brusquer, sur une nappe en papier, et nous les offre, tels des présents. Dans ce geste, il y a comme un pouvoir guérisseur de la poésie, et le désir de ne pas briser un enchantement secret.
Une façon d’appréhender le monde, de trouver le mot juste, d'être là comme un des territoires de la terre immense, qui rallie, réunit, fédère les hommes, car désunis, ils sont un "soleil déchiré" (Peuples du monde, p. 126,).
D’être là encore, comme une "particule de l’humanité vivante… séparé, tendu, vers l’ultime fusion" (p. 119).
Laure Dino
Complément : -
le livre sur le site de l'éditeur