En cette période de rentrée des classes, voici une série de chroniques consacrées à des poèmes écrits par des adolescents. Au mois de mai dernier, j'ai animé un atelier d'écriture au Collège Anne Frank à Paris dans la classe de français de Marie Roche. Cette classe avait pour particularité de n'être composée que d'élèves étrangers arrivés en France depuis peu. J'y ai passé une matinée en m'intégrant dans un projet pédagogique plus important comprenant la réalisation d'un carnet de voyage sous l'égide de la dessinatrice Christelle Guénot ainsi que des cours de tango animés par l'association TangoCité. Fin juin, une petite fête était organisée à la mairie du 10ème arrondissement pour conclure cet ensemble d'actions. Les poèmes et les carnets de voyages y étaient exposés et ce sont les photos de cette exposition qui accompagneront les textes présentés dans ces chroniques. Les élèves, par couple, puis tous ensemble, y ont donné une démonstration de leurs talents de danseur, en prenant soin avant, d'indiquer sur une carte le pays dont ils étaient originaires. Cela se passait devant leurs parents qui avaient pour l'occasion contribué à la constitution d'un copieux buffet en apportant des spécialités reflétant les différentes cuisines du monde. Une autre classe était partie prenante de cette manifestation très réussie et exemplaire en matière d'intégration à la société française, celle de Ouafia Sellam, du Collège Valmy dans laquelle j'étais également intervenu et dont j'aurai l'occasion de reparler. Voici en ouverture les poèmes écrits par Rachel Malamba à partir des consignes données en classe de commencer un texte par Pourquoi puis Je suis et enfin de faire appel à ses cinq sens.
Pourquoi
Pourquoi la jalousie quand nous sommes tous nés de la même façon ?
Pourquoi l’homme cherche t’il à comprendre ce qu’on ne peut pas comprendre, comme la vie après la mort ?
Pourquoi la haine car on a tous la même couleur de sang ?
Je suis
Je suis les armes qui coulent dans tes yeux
Je ne veux pas couler, je sais que tu es triste mais je ne peux pas m’arrêter.
Pourquoi est-ce que je sors, pourquoi je te rends triste ?
Je suis ce que je suis.
Je suis larme.
Je suis le sang dans tes veines
Je suis le jus de vie,
Parfois on me fait sortir quand je ne veux pas.
Je coule dans le corps de toutes les races,
Je ne choisis pas la couleur de la peau.
Je suis ton sang mais pourquoi vous me faites sortir de force ?
Je peux aussi mourir.
Je suis la jalousie.
Je me trouve partout, parfois on m’évite,
Parfois je viens de force.
Je suis mauvaise, je le sais.
Mais pourquoi pas toi ?
Pourquoi elle et pas toi ?
Vous avez le même âge.
Moi, la jalousie, je suis là pour te montrer une vérité
Peut-être ne vas-tu pas me croire mais je suis là.
Tu peux me chasser si tu veux.
Les 5 sens
Je vois une mère qui caresse son fils en pleurs parce qu’il n’a pas mangé depuis la veille.
Que peut-elle faire ?
Elle n’a pas le choix, elle a quitté son pays.
Je vois son fils qui prend la forme d’un squelette.
J’entends son cri, il appelle mes larmes.
J’entends les hommes qui parlent, pour eux c’est très banal.
Je sens la douleur de la mère.
Je sens sa tristesse, dans un autre vie elle aurait préparé son fils pour l’école.
J’ai touché son rêve, de donner quelque chose de bon à son fils.
J’ai goûté ce qu’elle veut pour la vie.
Elle ne cesse pas d’être une mère, même dans la mort.
Rachel Malamba
Compléments :
- Une présentation de mon travail d'atelier d'écriture poétique avec les plus jeunes
- Le site de Christelle Guénot
- Le site de l'association TangoCité