Au mois de décembre dernier nous présentions Ciutats d'Oc de Michel Miniussi, ce jeune écrivain occitan trop tôt disparu qui a déjà été plusieurs fois à l'honneur dans ce blog. Nous sommes heureux aujourd'hui de parler de son dernier livre De quauquei fugidas dont l'édition bilingue occitan-français a reçu les meilleures attentions de ses amis. Jean-Claude Forest s'est chargé de la traduction en français, Philippe Gardy a rédigé la préface, Jean-Pierre Tardif et Frédéric Voilley se sont occupés de la relecture. Jérôme Maligne a pour sa part réalisé les 18 gravures qui composent la couverture et les illustrations. Mais laissons à Jean-Pierre Tardif le soin de nous présenter le contenu de ce beau livre.
Si le
précédent recueil de Michel Miniussi, Ciutats d'oc, était
composé de différents écrits du jeune écrivain réunis par ses
amis et dans lesquels il évoquait magnifiquement les villes
occitanes vues sous de multiples angles, de façon quelque peu
kaléidoscopique, celui-ci, De quauquei fugidas, a une tout
autre unité. Et une tout autre portée.
Écrit à 19
ans, ce récit inaugural est en effet celui de la recherche et de la
construction de soi, à la fin de l'adolescence, sous le signe
paradoxal de la fuite, dans une langue qui elle-même « échappe »,
en même temps d'ailleurs qu'elle « vient toute seule » :
« Venguèt soleta, basta d'agantar la ploma » :
« elle est venue toute seule, il a suffi de prendre la plume »,
écrit le narrateur.
Mais une
telle œuvre dans sa démarche créatrice, dans son écriture, dans
l'usage qu'elle fait du provençal à la fin du siècle passé, va
bien plus loin que son temps et que son auteur. Elle entre, comme
prémonitoirement, en résonance avec la situation actuelle du pays
d'oc et de sa langue. Et en particulier avec la situation
« existentielle » des jeunes écrivains qui ont choisi de
« mettre en œuvre » cette langue en plein XXI e siècle.
Ne
croirait-on pas qu'il s'adresse à eux, le narrateur des Fugidas,
lorsqu'il écrit :
« Vous,
enlisés là, dans ce néant, cette langue qui se déchire, qui se
meurt, dans un pays qui s'enfuit... » ?
Mais l’œuvre, justement, est là, en provençal, pour montrer que tout
est à regagner, à conquérir, dans la vie et dans la langue. Les
Fugidas évoquent une expédition -une fuite- dans le pays de
Grasse, une escapade, donc, qui est l'occasion pour les protagonistes
de découvrir en profondeur des paysages qui sont ceux du passé,
certes, mais dont ils font l'expérience vivante au présent :
« Il est difficile d'oublier le pays qui entoure votre
récit. Il existe toujours, il change de forme, il reste encore, et
pour longtemps. » Et les gens du lieu aussi sont présents,
avec les traces de leur langue, comme cette vieille habitante de
Cabris qui parle encore provençal, avec des mots de « figon »,
« ce parler ligure arrivé en Provence orientale au
Moyen-Age. » Ainsi, alors même que tout peut sembler
détruit dans cet univers de langue d'oc, l'essentiel peut en fait
toujours être sauvé. Mais il y faut le travail patient de l'
écriture.
Et peut-être
aussi, ce qui est plus rare, et qui, pour notre plus grand bonheur de
lecteurs, s'est vérifié dans le cas de Michel Miniussi, : la
grâce.
Jean-Pierre Tardif
Complément :
- Le livre est vendu au prix public de 22 € + Port. Pour toute commande s'adresser à michel.miniussi@wanadoo.fr