Ce n'est pas la première fois que nous accueillons un poète du Portugal dans ce blog. Déjà en juin 2010, je présentais Jaime Rocha dont le recueil Zone de Chasse a été récemment traduit en français. Au mois de juillet dernier, à l'occasion du festival des Voix Vives de Sète, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Maria do Sameiro Barroso et de renforcer ainsi les liens avec une langue et une culture qui me sont chères.
Maria do
Sameiro Barroso est née à Braga en 1951. Elle est poète mais aussi médecin, diplômée de
Médecine et Chirurgie de l’Université de Lisbonne et chercheur
dans les domaines de la médecine ancienne (histoire des femmes, histoire de la gynécologie et de l'obstétrique, lithothérapie ancienne). Elle est également diplômée en philologie allemande, ce qui l’a amenée à
traduire La Flûte enchantée de Mozart en 2007 et des poètes
comme Friedrich Schiller, Paul Celan, entre autres. Elle est
par ailleurs vice-présidente du PEN Club Portugais et déléguée du Mouvement
Mondial de la Poésie (World Poetry Movement) au Portugal.
Elle est l'auteure
de trente recueils de poésie, traductions et essais publiés au
Portugal et à l'étranger. On lui doit la coordination de plusieurs anthologies
et événements culturels. Elle a
remporté plusieurs prix de poésie, notamment le Prix
International de Poésie "Parole Ibérique 2009", avec Une
amphore à l´horizon. Son
livre Poèmes de l’incomplétude de la nuit, publié par
Editions Écritures (São Paulo, Brésil) en 2010, a fait partie des sept livres d'auteurs portugais sélectionnés pour le Prix
Portugal Telecom 2011, au Brésil.
*
Voici trois poèmes extraits de O corpo, lugar de exílio / Le corps, lieu d'exil paru en 2013 aux éditions Castália qui a été traduit en français à l'occasion de la venue de Maria à Sète :
6.
O poema é inseparável do corpo,
exígua canção, poalha ancestral,
lugar de exílio,
em sua ignorância frágil, desmedida,
obstinada cicatriz,
vocábulo do ser, secreta medida,
diadema submerso, lua sedenta,
goivo de luz,
telúrica pulsão, chama incontrolada,
geminado ardor,
único porto a habitar a solidão interdita.
6.
Le poème est inséparable du corps,
petite chanson, poussière ancestrale,
lieu d'exil,
dans son ignorance fragile, démesurée,
cicatrice obstinée,
vocabulaire de l'être, mesure secrète,
diadème submergé, lune assoiffée,
giroflée de lumière,
pulsion tellurique,
flamme incontrôlée,
ardeur jumelée,
unique port pour abriter
la solitude interdite.
14.
Nada esqueço, nem o que fui,
nem o que sou.
Falta ainda uma rosa de luz,
quer seja concha, mimosa ou papoila,
boca, beijo ou coral.
Falta ainda uma canção para irradiar
a sombra.
Imensa é a escuridão dos frutos.
E o teu rosto que tomba, radioso,
no caudal azul das minhas mãos.
14.
Je n’oublie rien, ni ce que j'ai été,
ni ce que je suis.
Il manque encore une rose de lumière,
qu'elle soit coquille, mimosa
ou coquelicot,
bouche, baiser ou corail.
Il manque encore une chanson
pour irradier l'ombre.
Immense est l'obscurité des fruits.
Et ton visage qui tombe, radieux,
dans le flux bleu de mes mains.
22.
O meu corpo aguarda as aguarelas
dos teus olhos,
sobre telhados, chaminés.
Conto as horas, os dias, os minutos,
a recitar as harmonias improváveis,
pulsando nas estrelas.
Existe relva nas cidades,
existe algum verde nos teus olhos.
Existem pombos.
O teu olhar atravessa-me.
Tudo é sublime
no terno coração do asfalto.
22.
Mon corps attend les aquarelles
de tes yeux,
sur les toits, les cheminées.
Je passe les heures, les jours,
les minutes à réciter les harmonies
improbables,
pouls battant des étoiles.
Il existe du gazon dans les villes,
il existe un peu de vert dans tes yeux.
Les pigeons existent.
Ton regard me transperce.
Tout est sublime
dans le cœur tendre de l'asphalte.
(Traduction Julie-Cerise Gay)
Complément :
- Maria do Sameiro Barroso sur le site Triplov
6.
O poema é inseparável do corpo,
exígua canção, poalha ancestral,
lugar de exílio,
em sua ignorância frágil, desmedida,
obstinada cicatriz,
vocábulo do ser, secreta medida,
diadema submerso, lua sedenta,
goivo de luz,
telúrica pulsão, chama incontrolada,
geminado ardor,
único porto a habitar a solidão interdita.
6.
Le poème est inséparable du corps,
petite chanson, poussière ancestrale,
lieu d'exil,
dans son ignorance fragile, démesurée,
cicatrice obstinée,
vocabulaire de l'être, mesure secrète,
diadème submergé, lune assoiffée,
giroflée de lumière,
pulsion tellurique,
flamme incontrôlée,
ardeur jumelée,
unique port pour abriter
la solitude interdite.
14.
Nada esqueço, nem o que fui,
nem o que sou.
Falta ainda uma rosa de luz,
quer seja concha, mimosa ou papoila,
boca, beijo ou coral.
Falta ainda uma canção para irradiar
a sombra.
Imensa é a escuridão dos frutos.
E o teu rosto que tomba, radioso,
no caudal azul das minhas mãos.
14.
Je n’oublie rien, ni ce que j'ai été,
ni ce que je suis.
Il manque encore une rose de lumière,
qu'elle soit coquille, mimosa
ou coquelicot,
bouche, baiser ou corail.
Il manque encore une chanson
pour irradier l'ombre.
Immense est l'obscurité des fruits.
Et ton visage qui tombe, radieux,
dans le flux bleu de mes mains.
22.
O meu corpo aguarda as aguarelas
dos teus olhos,
sobre telhados, chaminés.
Conto as horas, os dias, os minutos,
a recitar as harmonias improváveis,
pulsando nas estrelas.
Existe relva nas cidades,
existe algum verde nos teus olhos.
Existem pombos.
O teu olhar atravessa-me.
Tudo é sublime
no terno coração do asfalto.
22.
Mon corps attend les aquarelles
de tes yeux,
sur les toits, les cheminées.
Je passe les heures, les jours,
les minutes à réciter les harmonies
improbables,
pouls battant des étoiles.
Il existe du gazon dans les villes,
il existe un peu de vert dans tes yeux.
Les pigeons existent.
Ton regard me transperce.
Tout est sublime
dans le cœur tendre de l'asphalte.
(Traduction Julie-Cerise Gay)
Complément :
- Maria do Sameiro Barroso sur le site Triplov
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