Il y a tout juste un an, Andrée Appercelle nous quittait. Elle était dans sa 97ème année. Je voudrais aujourd'hui lui rendre hommage en évoquant la séquence où je l'ai fréquentée et dire le souvenir merveilleux que j'en ai gardé.
J'ai rencontré Andrée Appercelle à Lodève lors du Festival Voix de la Méditerranée qui s'y est tenu de 1998 à 2009. À l'époque, je demandais systématiquement aux poètes qui avaient été en âge de le connaître lorsqu'il écrivait ses livres de poétique, si ils avaient été en contact avec Gaston Bachelard et ce fut le cas pour Andrée Appercelle.
Elle avait correspondu avec le philosophe entre 1953 et 1960, était allée lui rendre visite à son domicile parisien situé au pied de la Montagne Sainte-Geneviève et avait noué avec lui une relation tout autant poétique qu'affectueuse.
Avec le soutien de l'Association des Amis de Gaston Bachelard, nous avons pu alors envisager la parution des lettres qu'elle avait reçues de lui, complétée par une évocation d'Andrée Appercelle de ce qu'elle appelait des "Rencontres-Bonheur".
Elle concluait ainsi : "Je me souviens : Gaston Bachelard et son foulard rouge, sa barbe de neige, son sourire indulgent ; modeste artisan devant son bureau, luttant pour arriver au terme de tout ce que son esprit désirait transcrire. Cinquante ans en arrière, avec tout ce qui a défilé dans ma vie, je mesure la chance de l'avoir rencontré. J'essaye de me souvenir de sa voix, de son accent. Gaston Bachelard était un être de soleil, de flamme douce. Ce mot soleil, je l'écris souvent dans mes poèmes, il me révèle la passion que je mets en lui, ma flamme aussi. Merci, Monsieur Bachelard, de m'avoir enrichie, éveillée, vous que j'appelais avec élan "le Grand-Père des Poètes".
Une des lettres était accompagnée du poème qu'André Appercelle avait dédié au philosophe. Il sera par la suite repris dans son recueil Mousse et Chèvrefeuille, le voici:
L'Oiseau Bulle
Une goutte de soleil
chante, vibre, veille
dans la chambre,
Une goutte de soleil se cambre
et se pose sur mes cheveux.
Un chrysanthème d'or
secoue ses pétales joyeux
au creux de ma main,
Un chrysanthème d'or
au parfum de thym.
Une feuille de chair cueillie
à l'arbre de la vie
palpite sous la voix de la pluie,
s'endort sur les doigts de la nuit.
Et je suis le sillon chaud et gourmand
où tombent, graines sous le vent,
les notes claires et gaies du chant
de la fleur de soleil,
Et je suis le sillon chaud creusé
où se blottissent deux gouttes noires
luisantes comme peau de poire
sous lèvres de rosée,
Et je suis le pollen
de la fleur de soleil
si de ma gorge d'homme tombe un fruit
juteux et doux au cœur du petit canari.
Andrée Appercelle restera par la suite toujours fidèle à son souvenir. Quand, en 2007, a été publié mon livre Gaston Bachelard ou le rêve des origines qui faisait la part belle à la relation du philosophe avec les poètes, elle a organisé dans une librairie de Grenoble une rencontre pour que je puisse le présenter. À plus de quatre-vingts ans elle poursuivait cette activité généreuse au service de la poésie qu'elle avait commencée dès les années cinquante.
À cette période également elle préparait un livre qui témoignait d'une autre fidélité qu'elle avait toujours manifestée, cette fois envers les animaux.
Dans cet ouvrage, elle faisait parler en poèmes Judith, un macaque d'Asie qu'elle avait adoptée en 1974 dans un refuge de la S.P.A.D. de Grenoble où l'animal avait été recueilli dans un état pitoyable à la suite de mauvais traitements. Son compagnonnage avec celle qu'elle considérait comme "une petite sœur" durera 23 ans.
Venue d'Asie
je m'appelle
Judith
rutilante
d'une beauté
à quatre mains
en un temps
de coco-sucré
où je sautais
entre les branches
sans me casser
le nez
Complément :
- Andrée Appercelle sur le site du Printemps des Poètes.
De la beauté en ces temps troublés
RépondreSupprimerMerci Jean-Luc
Belles poésies !